A Partir d'une ligne
Elle indiquait un sens ; un sens précis que j'ai choisi de suivre, n'ayant rien d'autre à faire que de fuir l'heure présente.
Involontairement, j'en suis venu à m'approcher de lieux dont la réalité ne pouvait être mise en doute (très tangibles) mais ils manquaient de vraisemblance.
Parvenu à la troisième allée - elle n'existe pes, mais elle est parallèle à l'avenue qui mène à l'ancienne morgue, j'ai aperçu la nouvelle morgue. On n'y entasse pas les corps, on y accroche les âmes défuntes aux crochets suspendus à des tringles qui traversent le plafond. Je suis entré et j'ai discuté un moment avec le morguier.
Il avait travaillé à l'ancienne morgue et nous nous connaissions bien.
-- Vous souvenez-vous de l'odeur âcre qui régnait sur la morgue d'antans ?
-- Nous y allions pleurer nos amis fraichement recueillis par le service municipal.
-- Rien me les ressusciterait.
-- Non, rien au monde.
-- Maintenant, la fosse commune est remplie et je ne sais si tous qui y sont enterrÉs sont également morts. Beaucoup d'entre eux clignent de l'oeil.
-- C'est vrai : je les ai vu - et j'en vois beaucoup, gagnés ou vaincus par la lassitude. Vivants, en portent-ils grief à la réalité ? Ils disent : Nous mourrons ! Rien ne peut nous en empêcher. Crois-tu nous retenir par tes larmes ?
-- Vain et piteux ce qu'ils disent.
-- Ils se disent nos amis, nous tutoient et nous insultent. Ils disent : Nous retournerons à la poussière car c'est ce que nous sommes, et personne, pas même Dieu, n'y changera rien.
-- Quelle âme se branle sur cet espoir ? Qui espère altérer la réalité des choses ? Qui voit en la mort un couperet ?
-- Quelle est la part de la mort ? "Un flûtiste chante."