Adieu


Je sais : « mais Dieu n'existe pas ». Et la situation a bien changé. Trois années ont passé. A l'époque la seconde intifada dominait l'actualité. Aujourd'hui l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis d'Amérique menace la paix mondiale.


-- Et mon adieu était formel, rien d'autre. L'adieu réel (dans le repli, position arc-boutée) est dédiée à Tonio, mort en 87 à la suite d'une quantième tentative de suicide. Je suis ton épitaphe, camarade. Toi, tu es ma voix, tu me l'as donnée peu avant de disparaître, sur le bord de la RN3, près de l'église. Je sortais du tabac (tu sais, ce café qui était tenu par des gens que je n'aimais pas). Tu m'as demandé une cigarette. Moi, j'étais un adolescent plié et replié dans ses angoisses adolescentes. Avec une immédiateté de foudre, une confiance aveugle, une amitié muette, une fraternité secrète nous ont liés l'un à l'autre. Avons-nous « pactisé » ? Tu avais eu pour moi des mots d'un d'un tel soutien, alors que nous ne nous connaissions pas. Mais c'était peu avant de te tuer, toi-même.


Le Requiem pour la conférence de la paix, l'hommage que je t'ai rendu dans l'épaisseur d'un été commençant, n'est pas le premier texte que j'ai écrit (le « premier tué » ou le « premier amour »). C'est bien ici pourtant que tout commence. Et aujourd'hui, je crains que nous ne soyons au point où l'incompréhensible hommage (qu'avais-tu à voir avec l'ONU ?) termine de s'expliquer. Tragiquement.


-- Si je te mythifie ? Sans doute, mais pourquoi m'y refuserais-je ? Notre rencontre fut réellement mythologique. Sa dimension magique – c'est le langage qui opère – ne devrait pas être réduite à une lubie de ma part. Parfois j'ai le sentiment que tu t'es tué pour moi, c'est-à-dire : à ma place. Et que je vis pour toi, c'est-à-dire : à ta place. Je garderai toujours en moi une place où tu puisses respirer


-- Espèce de fou !

-- Oui.