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Écos des tatanes (Patrick Cintas)
Changer l’esprit

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 Article publié le 9 novembre 2014.

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« Il y a eu des collaborateurs, mais la collaboration était un mensonge. Il y a eu des résistants, mais la résistance était un autre mensonge. Il y a eu la Victoire, qu’on n’a tout de même pas osé appeler Victoire, par un reste de pudeur, mais libération. Et cette libération était aussi un mensonge, et le plus grand de tous, » écrit Bernanos dans Le chemin de croix des âmes.

La plaie est encore ouverte, hélas.

Manuel Valls est fier de son grand-père qui « sauva » la vie de deux curés menacés de mort. S’en vanter, c’est oublier que dans les municipios espagnols, les deux fils de pute étaient le guardia civil (gendarme) et le curé, redoutables personnages capables du pire et jamais du meilleur. Voilà une fierté idiote dont Manuel Valls aurait pu nous épargner le navrant spectacle, d’autant que les lignées espagnoles, issue de la retirada, sont plus que nombreuses en France. Et contrairement aux Français, nous, nous n’avons pas la mémoire courte.

Mais c’est ainsi. Il y a des rouvreurs de plaie, motivés souvent par de bonnes intentions, et dans ce cas ce sont des idiots. D’autres sont plus calculateurs et obtiennent en général l’effet escompté pour de troubles raisons politico-commerciales.

D’ailleurs les fils de pute sont montés au pinacle à la faveur de leurs trahisons et aussi et surtout de leurs relations. Crapules antidémocrates, retourneurs de veste (ce qui est facile quand on porte l’uniforme) et autres bouchers d’ « indigènes ». Citons Alphonse Juin, pour ne pas le nommer. Après avoir abandonné lâchement ses hommes en plein barouf, le voilà défenseur de l’idéologie vichyste, bien à l’abri des coups du sort au Maroc, où il « réside » à la tête d’une armée collaborationniste. En contrant le débarquement allié d’Afrique du Nord, il est responsable de la mort de plus de 1500 soldats français et indigènes et de 500 soldats alliés. S’étant planqué pour éviter un mauvais coup, mais cette fois pas assez loin de la vindicte résistante, il est fait prisonnier. Et on l’épargne au nom de l’efficacité militaire dont il a ensuite donné une preuve flagrante en sacrifiant des milliers d’indigènes pendant la campagne d’Italie, au bénéfice de l’avancée alliée. Décoré, bâtonné (et non point bastonné comme il le méritait), ce volatile opportuniste a survécu même à la honte, continuant de dispenser ses leçons de morale vichyste et académique à qui voulait les entendre. Au moins, le faux et médiocre général de Hauteclocque a fait ce qu’il a pu pour demeurer fidèle à son engagement. De Gaulle, fuyard aussi peu militaire que possible, a donné son corps au plus grand mensonge d’après guerre, pour le meilleur et pour le pire, comme dans tout mariage. Et la raison ni l’amour n’ont rien à voir là-dedans.

Bernanos, petit voyou antisémite et curaillon tortillard, a raison : le mensonge n’a libéré personne. Et surtout pas l’individu pris, pour cause de pauvreté ou de manque de pot, dans cette tourmente qui n’a pas fini de secouer nos toitures aujourd’hui couvertes de tous les produits de consommation imaginables. Le sinistre Edouard Drumont fait encore école auprès de nos modernes salauds, lesquels n’ont pas vécu (Dantec, Camus, Soral, etc.) les ingrédients d’une véritable tragédie.

Voilà pourquoi nos écrivains d’après-guerre ne sont pas des artistes, mais de moralistes serviteurs du râtelier nourricier : Camus, Mauriac, Sartre, Céline, et jusqu’à Houellebecq et la petite Nothomb qui fait son chemin de milliardaire chez les moins fortunés. Et que dire de Modiano, traité de Proust par un imbécile qui se targue de savoir ce qui est littérature et ce qui ne l’est pas, triste dégénéré à qui la parole est donnée allez savoir par quel ou quels lobbies intéressés par cette manipulation indigne de l’esprit au travail de l’art.

On entend même ce crétin de Céline critiquer Hemingway ou Joyce, et Proust par-dessus le marché, pour faire valoir la médiocrité de sa pensée et la richesse déplorable de ses propres défauts tant humains qu’intellectuels. Pourtant, ce cadavre délirant a écrit deux vrais romans : Mort à crédit et Guignol’s band[1]. Ce dont ni Camus ni Sartre ne peuvent se vanter, eux les tristes sires de la littérature engagée, plagiaires patentés, àlamanièrede, dit Céline avec raison, lui qui inventa malgré sa connerie intérieure. Comme quoi…

Il faudrait se ressaisir. Accepter la modernité. Remettre le classicisme à la place qu’il mérite, c’est-à-dire dans l’Histoire et au cul de ceux qui n’avancent pas et qui du coup sont la « gauche du travail et la droite des valeurs ». Terrible compromis si on y songe. Récemment, sur le facebook du Chasseur abstrait, une idiote qui se prend pour une « critique », et qui n’est rien moins que ce qu’elle ne peut conquérir, se demande pourquoi son esprit de gauche reconnaît des vérités de droite, comme l’anti-modernisme furieux qui l’anime et justifie les exactions de ceux qu’on nomme réactionnaires pour ne pas les traiter de fascistes, ce qu’aucun juge n’acceptera comme une juste critique, uniquement « parce que c’est la Loi qui le dit ». Juges serviles en tout temps, incapables de se lever pour êtres des hommes et des femmes de leur temps, traitres quelquefois comme cela se vit en temps de guerre.

« Des idées, dit en substance Céline, yen a plein le dictionnaire… ! 40 volumes… ! » C’est ce que je répondis récemment à un de nos amis haïtiens qui prétendait en avoir beaucoup pour renouveler de fond en comble la littérature et peut-être même la langue. Et j’ajoutai, pour parfaire ma pensée, cet autre extrait de la harangue célinienne : « Il [Courtial] avait pensé que le monde attendait l’esprit pour changer... Le monde a changé... C’est un fait ! Mais l’esprit lui n’est pas venu !... »

L’esprit, et non pas les idées. Mais comment en avoir au sein de cette culture qui noie le poisson artistique dans le mauvais vin des revanchards et des héritiers ? Je me demande…

Patrick Cintas.


1. Insérez entre Casse-pipe et vous obtenez le meilleur roman français du XXe siècle. Avec Céline, il faut tout lire et jeter ensuite. C’est bien comme ça ! Une des rares aventures littéraires du XXe siècle français avec Proust, Breton et Artaud.

 

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