Je traverse des villes, des villages -villanelles, olivettes, sabotières, valses, forlanes- ; je traverse des pays -fandango, habanera, mazurka, mambo, paso doble, tango, fox-trot-. Quatre mains m’empoignent, m’arrachent du banc de bois, me secouent, me poussent dans un escalier aux marches étroites et sonores, me sanglent dans un fauteuil geignard flottant dans un nuage de lumière brumeuse ; Je traverse des paysages -dunes, grèves mornes, neiges, arbres morts, châteaux, épaves, ruines, forêts, soleils éblouissants- ; je traverse des visages -routes, déroutes, rives, étangs, pluies, voiles, champs de blé, de lavande- ;.je traverse des voix -fêtes, angélus, déserts, sanglots, rires ; je flâne entre des décors ; je détaille les accessoires et les costumes, j’échange avec mes doubles, mes doublures, mes personnages, des bribes, des débris de phrases, des cris, des hurlements, des onomatopées
J’endure de violents éclairages
.J’entends les bruits sauvages et caressants de la mer, des bruits portuaires, des pianos, Debussy
J’entends des grésillements, des tintements, des pas cloutés
" Vous croyez que nous nous salissons de gaîté de cur ? Nous avons vos albums de photographies
Nous avons vos écrits
Nous avons vos bandes magnétiques
Nous n’avons pas besoin de vos aveux
Nous sommes simplement payés pour être curieux
Nous travaillons à l’ancienne dans notre débarras ; des poulies, des tessons de bouteilles, du fil électrique, un petit maillet, des pinces , quelques entonnoirs, un tuyau en caoutchouc de six mètres, une canule
" J’ entends des vaguelettes , des pianos, Debussy, et quant aux demandes et aux réponses des deux masques, je me pose des questions.
2003