L’été, c’était l’été, un été accablant. Les provisions de bouche faites, la journée s’écoulait, interminable, dans le sombre et dans le silence. On entendit un marteau-piqueur, puis deux, puis dix, puis cent
On dépavait, on creusait, on éventrait, on démolissait, on débâtissait, on démantelait la ville. Les rues, les places, les coins, les recoins montraient leurs boyaux et leurs nerfs. On vidait des poches d’eau et de gaz. La nuit, sous des batteries de projecteurs, des sarabandes de bennes se paissent de décombres. On entendit un air, deux airs, dix airs d’opéra. Tous ces travailleurs de force se donnaient du cur au ventre et trompaient leur fatigue. Soudain des feuilles circulèrent de quartier à quartier, d’immeuble à immeuble, de porte à porte. Monsieur le Maire, Nous, les âmes bien-pensantes et respectueuses des droits et des biens de cette agglomération, nous demandons instamment, à vous et à vos collaborateurs, de prendre des mesures afin de faire cesser tous ces chants intolérables et perturbants. Vos administrés reconnaissants.
2005