L’indolore ordalie
Sans un dieu qui s’en mêle
A l’assise mouvante des terres seulement mêlée
Ainsi en va-t-il d’une lecture qui se veut poétique
Le ton dit tout que le poème porte à son comble
Les doigts mouillés du potier imprime forme et grâce
A l’argile humide
Epreuve délicate de la voix qui en passe par le poème
Voix nue habillée des nuées fragiles
Contrariées par le vent des accents régionaux
L’argile des mots, mais elle révèle
La fragilité d’un monde obscurci par des voix éraillées
Tonitruantes ou bêlantes,
Chevrotantes ou traînantes
Rondes, pointues, battues par les vents
Que sais-je encore ?
Une voix de falaise
Toute mer retirée
Dans l’étrange estran voir les flaques du ciel
Se refléter dans les eaux
Et tout reprendre de mèche avec le feu qui court
Dans la voix blanche
Le grain de la voix est bien agréable
Ou bien si désagréable qu’il nous détourne d’écouter plus avant
Le grain de la voix dans le moulin du poème
Sans eau, sans vent, sans âne pris de vertige
C’est le ton qui fait dire à la voix qui elle est
Au contact du poème
Ton devient, dans le continuum du poème, intonations irradiées
En butte aux aspérités des mots qui déroulent leur sonorité
Tel poème révèle ainsi la voix à elle-même
Dispersant le poème dans le creuset de sa diction ordonnée
S’en suit un maelstrom en miniature,
Qu’accompagne un léger vertige
Comme si la parole mure,
Coulant au-devant d’elle-même,
Rattrapait son sens hors d’haleine
En se concentrantdans la voix qui la porte
Emportant ainsi le ton qui l’empoigne
Pour en révéler le sens
Son et sens liés-déliés,
Déliant les liens, mais liant aussi bien ce qui ne peut se donner à entendre
Que dans la déliaison du procès de parole
Ni chaînon d’une chaîne ininterrompue de phonèmes
Ni perle à perle d’un collier sonore
Le sens déambule dans les sons funambules
Prenante mélodie
Aux prises avec les rythmes de la langue
Le grain de ta voix claire
Le calme de ton souffle régulier
J’entends au loin le battement des tympanons
Dionysos apaisé approche
Jean-Michel Guyot
21 avril 2015