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Une singularité devenue classique
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 Article publié le 14 février 2016.

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C’est à la fin des années 70 que les lycéens étudient le Nouveau roman, et notamment l’oeuvre d’Alain Robbe-Grillet. Un quart de siècle seulement après ses débuts, l’auteur de " La Jalousie " reçoit d’autres honneurs, ceux de l’Education nationale. Les écrivains des éditions de Minuit se sont suffisamment distingués depuis les années 50, et d’autre part l’esprit polémiste et inventif de l’époque, lié aussi à la période libérale ou giscardienne, pénètre jusque dans les plus vénérables institutions. Alors, même si l’interprétation est sommaire voire réductrice - pour ne pas dire contestable - de la part des spécialistes des programmes scolaires, elle n’en assure pas moins la publicité, la diffusion d’Alain Robbe-Grillet qui intègre, l’air de rien, le patrimoine national. Les ouvrages critiques, sur son oeuvre, sont importants, à tel point que l’on se demande si ses livres sont vraiment lus : littérature neutre, centrée sur les objets, psychologie absente... les clichés se multiplient et se répètent, en décalage par rapport à l’invention d’une subjectivité contemporaine et la réaffirmation ou reprise d’un " je " qui avance prudemment dans un monde rarement stable ou rassurant. Quant aux fantasmes sado-érotiques, ils sont, aux yeux des lecteurs et des critiques, pour le moins déroutants...

C’est en prenant la caméra, justement, que l’écrivain procède à une extension spatio-temporelle de ses obsessions. " Trans-Europ-Express " , " L’Immortelle " , " L’Homme qui ment " , " Glissements progressifs du plaisir "... L’ancien ingénieur agronome devenu écrivain continue d’étonner puisqu’il devient, également, cinéaste. Anicée Alvina, Michael Londasle, Jean-Louis Trintignant, Marie-France Pisier... des noms d’acteurs singuliers, des acteurs qui s’embarquent dans l’aventure robbe-grilletienne et ses montages inédits. La question du désir, là aussi, est lancinante, récurrente...

Certains lecteurs, à juste titre, voient d’abord chez Alain Robbe-Grillet la figure ou facette du philosophe. Parmi les nombreux entretiens accordés au cours de sa carrière – plus d’un demi-siècle -, il parle de tout avec une aisance et une précision qui montrent un appétit de vivre exigeant, qui montrent aussi sa passion pour la littérature. Exemple :

« L’engagement dont je réclame le droit pour l’écrivain est un engagement total dans son propre travail, qui implique de ne pas se soucier de ce que l’on attend de lui, et de se consacrer au monde que lui-même porte ».

Ou encore :

« Ce qui est important, c’est quand même de signaler qu’il y a différentes façons de vivre : ou bien on subit le monde tel qu’il est, en pensant qu’il a été fait une fois pour toutes par d’autres que moi, que ce soit Dieu ou la société ; ou bien on vit d’une façon qui à chaque instant refuse que les choses soient déjà faites avant moi ».

Et sur l’écriture :

« Je crois qu’être le produit d’une contradiction, c’est bon pour l’écriture. Ca la rend plus vivante et moins bétonnée, à la fois plus souple et plus ouverte ».

C’est donc tout naturellement en quelque sorte qu’il est adopté par les Américains, intégrant la tradition française des brillants esprits ou esprits nouveaux qui apportent leur contribution à l’évolution de la pensée, et donc de l’homme, à l’instar de Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida ou encore son défenseur de toujours, Roland Barthes. L’Amérique est un continent nouveau, toujours curieux de connaître les innovations intellectuelles du Vieux continent, toujours accueillant envers ces singulières subjectivités qui représentent réellement, de surcroît, l’esprit français.

La rumeur dit que le prix Nobel a longtemps gravité autour de l’oeuvre d’Alain Robbe-Grillet. C’est sans compter sur sa nouvelle passion de metteur en scène, désireux de mettre et ordonner ses propres fantasmes sur pellicule. Cet écrivain n’est pas raisonnable, c’est ce qu’a dû se dire le jury de Stockholm, peut-être choqué ou du moins dérouté par la nature de ses films...

Alain Robbe-Grillet semble échapper à toute académie, aussi noble soit-elle... excepté à l’Académie par excellence, c’est-à-dire la Coupole, où siègent, paraît-il, quarante immortels. Et revoilà les mêmes visages combattus et croisés pendant des décennies, devant lesquels, théoriquement, il doit s’incliner.

L’Académie... ultime pied de nez ?

Pendant ce temps - nous sommes en 2004 - , l’encre coule. Sur la pertinence de sa nomination. Sur l’hermétisme ou au contraire l’ouverture de cette vénérable institution. Qui est réactionnaire ? Qui ne l’est pas ?

Le loup dans la bergerie ?...

 

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