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Pauvres sciences humaines
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 Article publié le 24 juillet 2016.

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Dans la pensée - la pensée au travail en nous et qui nous tracasse-je ne suis nullement à l’abri des vicissitudes de ce monde, pas plus que je ne me sens baigner dans des eaux limpides ou matricielles.

Une chose est certaine : je ne suis plus de plain-pied avec mes semblables. Je les ai mis à distance pour mieux les rejoindre après coup en leur communiquant ma pensée.

L’espèce de calme qui règne alors, inquiet, mouvementé, dynamique en un mot, quand il m’arrive de réfléchir en toute intranquillité ne mime pas les désordres du monde certes, mais il s’en fait l’écho lointain, assourdi.

Penser c’est aussi refuser l’abjection. Pas question de se vautrer dans la haine ou le mépris facile.

Au plus fort d’une bataille, on ne réfléchit pas.

Une situation insurrectionnelle appelle en revanche des décisions qui engagent sa vie et celles des autres, les compagnons, les adversaires politiques et ceux et celles aussi qui n’ont pas pris parti.

Ces derniers, bien qu’ils en aient, participent du mouvement général, sont emportés voire balayés par lui. Il faut se situer et prendre des décisions tactiques et stratégiques, ce tout étant animé par une pensée politique préconçue, héritée et revitalisée par l’action en cours, parfois violemment contredite pas les faits.

Ceci pour les leaders, les chefs. Les autres suivent comme l’intendance…

Tout cela au sein d’une stricte hiérarchie qui a instauré une chaîne de commandement.

Dans l’action armée préside donc un but entièrement voués à des moyens, des tactiques, une stratégie et un armement, des administrations et des centres de commandement, tant et si bien que le feu de l’action quotidienne tend à effacer ce pour quoi l’on combat au profit exclusif du court terme de l’action armée.

Comme si la pensée passée dans l’action s’effaçait devant l’immensité de la tâche à accomplir, tâche qui se dissémine en une infinité de tâches qui tendent à occulter et la tâche suprême et la cause qui l’anime.

Ce pour quoi et même pour qui l’on se bat est de peu de poids au plus fort de l’action. Il s’agit d’être efficace et de sauver sa peau, sauf si l’on se trouve enrôlé comme kamikaze au service d’une cause perdue ou, plus récemment, en vaillant martyre d’une cause djihadiste.

L’anti-intellectualisme des élites politiques n’arrangent rien à l’affaire. On sait le sort qui fut réservé aux intellectuels dans l’Allemagne nazi et la Russie soviétique.

Réduits au silence, assassinés ou bien exploités à des fins de propagande.

Dans les démocraties dites libérales qui se distinguent fièrement des régimes autocratiques ou qualifiés d’autoritaires, ce n’est guère mieux, mais au moins une certaine liberté de recherche et de parole existe.

L’actuel débat sur la radicalisation djihadiste, la volonté d’insertion (de déradicalisation pour employer un néologisme en passe d’être obsolète) que manifestent les pouvoirs publics sidérés fait certes appel aux sciences humaines.

Sociologie et psychiatrie sont convoquées au chevet du corps social et mondial malade pour apporter substance et cohérence à un débat qui se cherche, mais ce sont les politiques, les hommes et les femmes au pouvoir et de pouvoir qui ont et auront durablement le dernier mot, élaboreront des synthèses plus ou moins bancales, justifieront leurs choix politiques au nom de principes plus ou moins clairs.

Les synthèses sont toujours des compromis, le fruit d’un long travail d’arbitrage interministériel qui prend en compte les contraintes budgétaires en tentant de les concilier avec ce qu’on estime souhaitable d’entreprendre.

On verra là un salutaire tâtonnement, une démarche raisonnée et raisonnable qui consiste à écouter l’avis des experts, mais en fin de compte ce sont les gens de pouvoir qui décident, et ils ne sont pas armés intellectuellement pour affronter les enjeux nouveaux. Ils tendent constamment à proposer les vieilles recettes : l’enfermement, l’ostracisme et la stigmatisation.

Nous ne sommes pas sortis d’affaire. D’autant plus que la situation ne cesse d’évoluer, que les rapports de force changent, fluctuent, sans parler des acteurs du conflit si nombreux et qui poursuivent chacun des buts propres, souvent opposés, même quand ils déclarent être dans le même camp.

Se mettre d’accord sur le plan intérieur n’est pas tâche aisée pour les raisons qu’on a dites. Il semble qu’au niveau international ce soit franchement impossible.

C’est donc l’histoire qui tranchera !

Ah l’histoire, ce fatras bariolé de fatalités travesties en destins, ce ramassis putrescent où achèvent de pourrir ensemble des actions et des actes menés sur la foi de décisions prises en toute méconnaisance de cause aux conséquences incalculables.

Humus fécond du devenir, fumier riche de fleurs à venir, mais au prix de combien de vies sacrifiées !

 

Jean-Michel Guyot
16 juin 2016

 

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