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Dictionnaire Leray
SÉRIES (ÉCRIRE PAR -)
[E-mail] Article publié le 21 mai 2017. oOo Plus d’un poète a dit – ou écrit : « J’écris par séries ». Denis Roche, par exemple, a expliqué crânement :
D. Roche, La poésie est inadmissible
La notion de série est assez clairement circonscrite ici : c’est une continuité temporelle qui induit une certaine rythmicité. La série est la condition d’une homogénéité recherchée, sur le plan du rythme notamment. Je ne suis pas sûr de pouvoir dire les choses si clairement, pour ma part. Je n’écris pas « par séries ». Quand on écrit ainsi, on a des séries bien délimitées qui se succèdent. Ce qui les garantit, c’est une certaine homogénéité de forme ou d’intention. La question « qu’est-ce qu’une série ? » n’offre pas de réponse stable dans l’univers de la poésie. On peut prétendre écrire par séries, déceler des séries chez tel ou tel poète… La question à poser serait plutôt : « où n’y a-t-il pas série » dans un poème ? Balayons de suite l’idée qu’un seul élément ne constituerait pas, en soi, une série. Elle trouble inutilement les esprits. La série unaire est rare, c’est vrai. Mais elle ne saurait être niée dans l’univers si complexe et nuancé de la série, telle qu’elle fut dite – et l’est encore aujourd’hui. Il y a des séries. Nous ne pouvons garantir qu’il y ait des non-séries. C’est assez embarrassant en soi. Peut-être sont-ce des séries de même thème ? Peut-être sont-ce des séries de formes métriques identiques ? Peut-être sont-ce des séries purement chronologiques de poèmes écrits les uns après les autres, au fil des jours ? Et plus avant, le sérialisme de la phrase conduit à la phonologie toute entière du poème, Les architectures grammaticales, les liaisons lexicales, la segmentation du vers… Tout est série dans le poème, de la même façon que tout est prosodie et sens dans le poème. Je n’écris pas par séries, pour ma part. J’écris des séries, c’est vrai. J’écris sur la série à des moments, sous la série dans la plupart des cas, sous l’empire ou l’emprise de la série si l’on veut, sous un regard sériel certainement le plus souvent. Si j’ai écrit « par séries », ce fut sous l’influence d’Antonin Artaud, je crois, à cause de « L’exécration du père-mère » et toutes ces choses absolument ahurissantes qui composent ce volume de ses oeuvres dont l’impression était défaillante (il manquait des pages entières). Mais c’est un phénomène assez limité. J’ai conçu un répertoire spécifique pour ces « petites séries » homogènes dans la forme et dans l’intention mais il ne concerne que quelques blocs épars. La réalité sérielle du poème est infiniment plus mouvante. |
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