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 Article publié le 8 juillet 2018.

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Merci à vous mes élèves, vous n’êtes certes pas nombreux (quatre parois cinq) mais les moments que je passe avec vous sont délicieux.

En me proposant pour donner des cours de Français, gratuits s’il vous plait, dans le charmant petit village qui nous a accueillis avec mon épouse, je ne pensais pas que cela allait être si divertissant.

Ici la Catalogne espagnole. Avec sa langue que j’assimile peu à peu, ses velléités indépendantistes viscérales venues d’une trop flagrante exploitation de la part de l’Espagne, doublée de plus d’une permanente humiliation. Le gentil « généralisimo » Franco n’a jamais pardonné à cette province sa résistance acharnée pendant la guerre civile du siècle passée. Et comme ceux qui ont dirigé le pays par la suite, sous la tutelle d’un roi impuissant nommé lui-même par le dictateur, ont perpétué ses méfaits, la situation est devenue explosive.

El Priorato est une « comarca », subdivision territoriale d’une province espagnole, essentiellement rurale d’où sort un vin hors du commun, n’ayant rien à envier à bien des châteaux français. Dangereuse graduation que ce jaja-là mais avec ou sans lui, il me semble que l’anecdote eut été la même.

Voici la géo-politico-localisation faite. Mais mon propos aurait pu se conter en tout autre lieu.

Après mon dernier cours de l’année, mes gentils élèves donc m’ont invité au seul bistrot du village pour une petite collation du soir, accompagnée d’un petit coup à boire bien entendu. Ma charmante fille elle aussi était présente et, théoriquement, nous devions ne parler que la langue de Voltaire. Ce fut un pot-pourri de Castellan de Catalan et de Français fort divertissant où, pour une fois, la politique n’eut mot à dire.

Enrique, Henri, ici Enric, n’aime pas l’hypocrisie, il se fout de plus éperdument des conventions. Il n’a d’autre langage que celui de son cœur et du bon sens. Il y a lulure que le loustic en question n’a point de honte. Ceux qui ont appris à le connaître savent que jamais au grand jamais il serait capable d’une infamie et que la nature chez lui reste honnie présente. En toute circonstance…et qu’il n’a pas à en rougir.

Agapes terminées, ma fille et votre serviteur prenions congé de mes élèves. Il y avait là d’autres tables où siégeaient quelques citoyens, tous connus car dans un village de trois-cents âmes…difficile de totalement ignorer son voisin…

Levées de ma chaise où mon cul était resté longuement plaqué, mes trippes m’ont averti d’un moment d’émotion intense.

Concis et sans détour. Ce fut bref. Extrêmement bruyant, retentissant même D’une netteté, d’une précision incomparable. Pas la moindre intention d’une quelconque dissimulation pouvant flétrir l’instant magique. Et d’une force qui aurait pu faire voler la perruque du vieux chauve de la table derrière moi, si je n’avais pas été culoté. Violence contrôlée, digne descendante d’une des trompettes dont les murs disparus de Jéricho se souviennent encore.

Rien de coincé, rien d’hésitant, pas de petit souffle annonciateur, pas de multiple répétition tant la perfection fut atteinte à l’immédiat. L’incroyable « canonaso » (coup de canon espagnol) a retenti.

Alors que le temps suspendait son implacable vol, l’assemblée a retenu son souffle et tous les regards se sont braqués sur moi quand ma fille a hurlé (comme s’il avait été nécessaire de préciser l’auteur de l’exploit) :

-Papa !

En me tournant je n’ai pu lire aucune dégout sur les visages, sinon une intense stupéfaction et, je l’ai bien vue, de l’admiration de la part de certains. Une femme d’âge mûr resta en pamoison bouche grande ouverte alors que son époux, juste à côté, en laissa choir sa mâchoire inférieure. Je lus les pensées environnantes

-Cela existe ! Merci mon Dieu de me l’avoir fait découvrir !

Ou encore :

-Cet homme est extraordinaire, il a fait d’un seul pet une œuvre d’art !

Et plus encore :

-Pourrai-je le faire un jour ?

Mais pas un seul :

-Beurk ! Quelle abomination !

L’anecdote arrivera certainement aux oreilles de monsieur le maire ; mais il connait déjà le Français fraîchement installé. Ce loustic, écrivaillon talentueux (toujours inconnu) qui a vécu longtemps de sa peinture, est un de ses amis. et le chef du village découvrira en lui un autre don.

Une forme d’expression, de savoir vivre qu’il ne me plaît plus de cacher.

 Et quoi qu’en pensent les biens intentionnés… Oserai-je dire une élévation de l’âme ?

- Serviteur !

 

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