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 Article publié le 4 novembre 2018.

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Il y avait un drôle de type au 7e district : un balayeur. Fred le croisait chaque fois qu’il s’amenait pour signer le Registre des Vérifications. Ce type le regardait en coin sans cesser de balayer. Il traînait derrière lui un seau de plastique attaché par une ficelle à sa ceinture. Le seau le suivait comme un petit chien. Jamais ils ne s’étaient adressé la parole. Ils se regardaient sans insistance et ensuite chacun allait son chemin, le type entre les bureaux qui s’alignaient strictement et Fred au guichet où l’interlocuteur était un robot de la cinquième génération OUT. Mais certain jour, Fred eut à demander pardon pour que l’autre lui cédât le passage. Le seau procéda aussitôt à un mouvement semi-circulaire, ce qui laissa à Fred assez d’espace pour y mettre ses pieds et les croiser pour aller de l’avant. Mais l’épaule du type occupait un étroit couloir et celle de Fred la heurta au niveau de la clavicule. Fred s’excusa mollement, comme si cet évènement ne revêtait aucune importance. Ce n’était pas l’avis du balayeur.

« Qui me touche m’emploie ! s’écria joyeusement celui-ci.

— Ah mais c’est que… commença Fred.

— Je travaille ici gratos, compléta le technicien.

Il cligna un œil complice.

— Moi je viens payer ! fit Fred qui retrouvait un peu de cet humour perdu en chemin.

— Ah si je comprends ! »

Le balayeur, parti pour s’esclaffer sans mesure de temps ni de hauteur, se ferma la bouche d’une main aussi crasseuse que vigoureuse. Fred n’avait jamais observé des ongles aussi longs dans le genre humain. Il recula.

« Frank Chercos, dit le balayeur. J’ai encore raté le concours d’entrée…

— Vous m’en voyez désolé, dit Fred qui tentait de reprendre l’initiative de la conversation.

— Ne le soyez pas ! Cet enculé de Russel…

Là, Frank pencha sa tête sur une épaule.

Vous connaissez Roger Russel… ?

Un temps que Fred emploie à se pincer la lèvre inférieure.

Ne dites pas le contraire, je vous ai vus ensemble…

— Je n’ai pas dit le contraire… Au contraire je…

— Avec lui on a vite fait de s’enculer…

Frank imita le mouvement avec une frénésie qui amusa notre Fred.

On vous voit souvent à la télé…

— À la télé, non ! Sur les réseaux… Je ne peux rien empêcher. Roger non plus…

— Mais on ne vous voit pas vous enculer, je dois le reconnaître. C’est une question de suggestion, n’est-ce pas… ?

— La chose est laissée à l’imagination de chacun… Je suppose…

— Et vous supposez bien !

Frank se pince lui aussi la lèvre, semblant imiter son interlocuteur.

Vous m’avez vu à la télé… ?

— C’est mon père qui regarde la télé…

— Bien fait pour lui ! C’est que… chaque fois qu’ils donnent des nouvelles du 7e, on me voit en train de faire ce que vous voyez que je fais.

Il donne un coup de pied au seau qui tournoie. Aussitôt, un vérificateur s’agite derrière son bureau, mais ne dit rien.

— Et bien au plaisir, monsieur… dit Fred en esquissant un pas de côté.

— Au plaisir de vous revoir et même plus… ! Mais je n’ai pas retenu votre nom…

— C’est dans les réseaux…

— J’ai oublié… ou je ne sais pas lire…

— Fred…

— Fred tout court… ?

— Mon ami luce m’attend dehors… aussi je vous salue bien…

— Moi de même, Fred. Moi de même ! »

Fred gagna le trottoir où Frank le suivit. Le seau bringuebalait. Frank frappa la roue d’une bicyclette pour épousseter son balai. Il souriait en regardant luce qui lui fit un petit signe engageant mais sans plus pensa Fred. Ils s’éloignèrent et accélérèrent le pas dans la 4e. luce avait faim. Elle avait repéré un resto italien. Elle adorait la cuisine grecque. Fred ne comprenait pas ces étrangetés narratives. Enfin, se dit-il, si vous aimez la cuisine grecque, vous ne le dites pas alors que vos pas se dirigent vers un italien… Si c’était un resto grec, alors tout rentre dans l’ordre… Imaginons un instant qu’elle ait confondu le drapeau italien avec l’espagnol… Il commanda un Hot Dog sans oignon.

 

 

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