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La Justine de Jacky et celle d'Alfred, c'était...
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 Article publié le 25 novembre 2018.

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La Justine de Jacky et celle d’Alfred, c’était la même. Avec maman, ça leur faisait deux points communs. À mon avis, deux de trop. Et l’avenir allait me donner raison. J’avais pas tellement envie de me retrouver dans ce genre de mélo. J’étais venue dans l’espoir de me requinquer en vue d’une prochaine histoire susceptible de me mériter un chèque provisionné et je mettais les pieds dans une de ces histoires que maman inventait sans intention commerciale.

Bien sûr, y avait Bobby. Mais y avait aussi Johnny. Et la mère de Bobby qui avait l’œil sur moi chaque fois que je débarquais en ville pour les emplettes de la semaine. J’arrivais au volant de la guimbarde de maman avec Alfred à la place du mort. C’est fou ce qu’on trimbale comme morts quand on conduit !

La vieille Rosy apparaissait à tous les coins de rue avec sa lorgnette. Mais je n’avais pas revu Bobby, même de loin. Je l’avais dans la peau. J’y pouvais rien. Un gosse ! Mais quelle queue ! Et quel corps pour les yeux ! J’avais pas assez discuté avec lui pour évaluer le niveau de son intelligence. Nous n’avions pas parlé d’autre chose que de cul, me semble-t-il, mais là il faudrait que je relise ce que j’en ai écrit plus haut.

Et puis j’avais tenu parole. Pas un mot de trop. Alfred avait été mis au courant dans un bar où il avait été écluser sans moi. Jamais j’aurais dû le lâcher dans la meute des jacassiers qui pourrissent toujours l’ambiance avant d’en fixer les règles. Alfred était si influençable ! Un jour il est remonté dans la bagnole en me faisant la gueule. Je me suis douté qu’il avait appris. C’était tellement frais. En pleine formation. In progress. On n’en soupçonnait pas la fin. Des pisse-copie étaient à l’œuvre, préparant le lit d’une littérature qui finirait par porter mon nom. Mais qu’est-ce que je foutais là à attendre ?

Alors forcément on en a parlé. Il n’avait jamais douté de moi. Mais il n’avait pas les moyens de fermer ces clapets aussi facilement qu’on prend la plume pour tenter de gagner sa vie.

« Tu peux pas laisser faire ! grognait-il sans prévoir d’aboiement. T’as un avocat. Qu’il agisse, nom de Dieu !

— Il est mort…

— Comment ça il est mort… ?

— Écoute, Al… Tu me connais… S’il me prend l’envie de raconter les circonstances de cette mort, j’ai qu’à me mettre au travail et peut-être que ça se vendra au kilo sur la place. Tu m’écoutes, merde ?...

— Qu’est-ce que je ferais à ta place ô luce… ?

— Je te demande pas de t’y mettre, mec. Je peux t’appeler mec… ?

— Mmmm…

— Je vais me tirer d’ici… Voilà ce que je veux…

— Et pourtant je sens que quelque chose te retient… La vengeance… Contre qui…

— Je sais pas si je peux t’en parler…

— De toute façon je peux rien faire pour toi… »

Mais trois jours ne se sont pas écoulés avant qu’il remarque la lorgnette de Rosy. Comme je l’avais traitée de vieille dans une conversation précédente, il me demanda si je parlais de la même personne. Il avait du mal à me suivre. Mais après tout je ne lui demandais pas de trottiner derrière moi en me posant des questions qui ne m’aidaient pas à avancer aussi vite que je voulais. Je restais parce que j’avais besoin de la queue de Bobby. Et il fallait que je me casse sous peine de passer des années de jeunesse déjà perdue derrière des barreaux bien trempés. J’en avais rien à foutre, moi, des amours de maman.

Mais on n’en était pas encore là. Jacky n’était pas encore entré dans l’existence d’Alfred. Et maman ne se doutait pas que la sienne allait s’achever dans la tragédie. Alfred se renseignait dans les bars où je pouvais pas mettre mes pieds de scandaleuse étrangère venue foutre la merde dans une merde déjà bien avancée question histoires à ne pas raconter. Il construisait sa nouvelle nouvelle, ne l’oublions pas. Il était en plein processus créatif. Et avec des moyens qui faisait de moi, pour l’instant du moins, sa nouvelle héroïne. Il ne pouvait pas rater ça. Je le connaissais assez pour savoir qu’il forcerait ma propre porte si c’était dans l’intérêt de sa littérature. Sa récente réussite commerciale lui donnait des ailes. Et comme il ne savait pas tout, il allait bientôt se transformer en fusée.

J’attendais que ça me tombe dessus. Et en attendant, je cherchais le moyen de remettre la main sur la bite exemplaire du jeune Bobby. Le jour où vous assisterez à une telle érection, vous n’agirez pas autrement. Et je ne vous parle pas des sensations éprouvées rien qu’en surface.

Ça n’allait pas traîner. Le choper à la sortie du collège était prendre un risque inconsidéré. Et m’approcher de sa maison me jetterait à tous les coups dans les griffes de sa lionne de mère, la Rosy qui n’était ni vieille ni laide comme le constatait maintenant tous les jours ce vieux Freddy. Il y avait la nuit. Mais la nuit, le chaton dormait dans sa maison. Les petits cailloux sur la fenêtre attireraient du monde. Et j’ignorais tout de ses données.

Comme maman n’était pas connectée, mon esprit haletant s’est tourné vers les connexions publiques genre bibliothèque. Un endroit où je risquais de le rencontrer inopportunément. J’imaginais la pâmoison. Je me ferais remarquer. Je l’étais déjà assez comme ça.

Il me restait Alfred. Mais avant de lui demander un pareil service, il fallait que je le mette au parfum de tellement de choses qu’il finirait par s’embrouiller dans sa propre histoire. Il m’en voudrait à mort d’être la cause d’une déconfiture commerciale. Jamais je n’avais été aussi seule. J’ai fini par choisir la nuit.

Pendant que j’y réfléchissais, ce qui me rendait nerveuse et impropre à la conversation, tant du côté d’Alfred que de celui de maman, Jacky a repris le chemin de la maison. Et cette fois, il n’a pas fait demi-tour avant d’atteindre la clairière où la maison de maman est posée comme un château de cartes. Il a garé son pick-up sous les arbres, ce qui a provoqué la panique du poulailler. maman est sortie. Je l’ai vue se décomposer. Et Alfred, qui se tenait derrière elle, lui aussi prêt à intervenir chez les poules, ne s’imaginait pas une seconde qu’il tenait là le sujet de son prochain succès au pays des lectures faciles et renouvelées jusqu’au possible. J’étais moi-même à la fenêtre, une jambe dehors, mais ce n’était pas la fenêtre de mon enfance. Je l’ai déjà dit : je couchais avec maman, pas avec Fred avec qui je n’avais jamais envisagé de partager ce plaisir. Jacky avançait dans ses bottes d’ouvrier amateur de western. Je me disais que ça venait de commencer. Tout ce qui avait précédé ce moment relevait du pop-corn et de la cannette. La culotte de maman était bonne pour la trempette et la mienne se préparait à la repousse des poils.

 

 

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