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IV - Nous voulons exprimer la vie dans sa forme originale...
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 Article publié le 11 juin 2007.

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IV

 

Nous voulons exprimer la vie dans sa forme originale. Cette vie précaire et complexe, avec ses afflictions inguérissables - en tous ses instants, atomes et molécules -, avec son assourdissement et sa violence sans cause, peut difficilement être séparée de nos veines et veinules. Nous ne comprenons pas la raison de telles créations sans valeur et sans substance en-dehors d’elles. Peut-être cela explique t-il pourquoi la littérature et lart bourgeois doivent encore être compris par nous, alors que nous désapprouvons complètement l’inutilité de créations bourgeoises. De temps à autre, comme la femme de Yajnavalka, et parfois comme un insecte, nous sommes enroulés autour de cette vie mortelle.

Nous ne négligeons pas les évènements dans l’espace et dans le temps, car, pour quelque raison obscure, nous sommes tous enfermés dans les limites de lespace et du temps. Mais consigner tous les évènements dans le langage adéquat nest pas notre travail et nous n’acceptons aucune compromission.

Nous voulons suivre nos « visions » dans un monde indépendant, en dehors du monde de toutes réalités et imaginations, cette « vision » mettant un terme à tous les conflits entre le bien et le mal en un vide bizarre. La « vision » libère l’individu des chaînes de ces deux-là ; à savoir : ce que la « vision » est et ce qu’elle n’est pas.

Nous ne sommes ni optimistes ni pessimistes. Nous ne posons pas la plume sur le papier dans des programmes préalables : il y a des fois où même pas une seule ligne ne naît de la plume, bien que la tête soit surchargée d’une foule d’idées. D’autres fois, les évènements les plus insignifiants se glissent hors de nous, paralysant notre esprit conscient tout à fait comme latome. Et, jusquà ce que nous donnions une forme écrite à de tels sujets, nous ne sommes pas délivrés de notre auto-torture diabolique et d’un incurable mal de tête.

Aucun écrivain n’a de « conseils » ou de « message » pour le monde, aucun des grands hommes tels que Jésus, Bouddha et Ramakrishna nest le sauveur du monde. Parce que porter ou acquérir le salut sont par elles-mêmes des choses impossibles. Le salut est contre les lois de toute la création. Le concept de salut est absolument en contradiction avec celui de la création pour quiconque, si ce n’est pour les morts. De ce point de vue, toute notre création est simplement la création de bulles qui ne peuvent être jugées par aucune théorie, la vérité changeant à chaque seconde. L’écrivain lobserve en son propre moi, et dans une telle situation, la distance entre deux lignes consécutives de son écrit est celle d’une existence entière et ces écrits dans lesquels cette distance est supprimée ne sont pas « vrais », mais de simples constructions.

Si l’on veut qualifier dart ce que nous écrivons et si l’art était le seul moyen de la révélation de la vérité absolue, alors nous sommes plongés en même temps dans la poésie et hors d’elle.

Notre maintenant est changé tout entier, mais le futur est resté tout à fait le même, nos imaginations créatives étant penchées sur un gémissement vide. Tous les évènements actuels apparaissent simultanément ça et là et disparaissent dans l’ »Ewigkeit[13]« , à cause de cet amour non démontré dont nous attendons tout, notre vie durant. Nous sommes tous en mouvement vers le centre de la terre à travers toutes nos agitations, nos destructions, toutes nos croyances, toute notre indifférence. Ni analyse ou jugement, ni optimisme ou pessimisme obscurs - soit la totalité des visages et des masques qui nous tiennent enfermés pour l’instant -, mais suivre le courant incessant des évènements semble le seul travail de l’artiste : observer leurs visages hideux, la lumière et l’ombre de leurs allées et venues, le courant sans nom du temps.

Tous les piliers abattus du présent et du futur complètement confondus, comment l’artiste pourrait-il embellir la terre qui, ne pouvant mourir, attend la mort ?

« Un monde où il n’y a plus de place pour l’être, pour la joie, pour le loisir actif, est un monde qui doit mourir. Aucun peuple ne peut vivre en dehors de la beauté. »

Camus, « Carnets »

À cause de cette chute hors de la poésie, cette maladie incurable, la détérioration actuelle de notre ethos moral semble avoir en grande partie dévoré notre existence. La troisième signification de la vie, outre la technologie et les contrats de commerce, pourrait être retrouvée seulement dans la poésie. La philosophie aussi a échoué à nous expliquer l’immense massacre de nos sentiments. Parce que la philosophie n’est pas aussi salubre que la poésie : elle ne peut en même temps apparier l’agonie ignorée de la terre avec notre divine conscience. Désormais, c’est la poésie, sans doute, qui peut assurer à cette vie éphémère et à la planète moribonde « une vie sans cesse »[14].


[13] Ewigkeit : éternité.

[14] En français dans le texte.

 

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