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Génèse des séries
Clusters textuels - Chantiers 21 et 22

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 Article publié le 23 décembre 2018.

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Avec l’arc noir (AAN)est une composante de L’archéologie de la série(ADLS).

Le Sens des réalités (SDR) est un miroir de cette même archéologie. Il n’y a pas de lien génétique entre le récit du SDR et celui de la série. Le projet lui est antérieur.

Il n’en admet pas moins de passerelles. C’est pourquoi on parle de miroir là où on peut parler de pleine composante pour AAN.

Le récit ruisselant est un témoin de l’archéologie de la série. Son horizon est le poème, pas la série.

Ce sont deux choses très proches mais bien différentes néanmoins.

Le journalisme est lui aussi un miroir de l’ADLS. En revanche, l’onirographie en est une composante à part entière, au même titre qu’AAN.

C’est une composante intuitivement ancrée et dont bien des aspects restent inexplorés.

Les autres relations entre les différents projets sont plus diffuses. Il faut noter que Poétique des névroses(PDN) établit une passerelle directe entre AAN, le SDR et le journalisme.

Le journalisme irrigue par principe l’ensemble des projets.

La relation entre AAN et le SDR est assez complexe aussi. On pourrait parler de miroir également mais il faudrait y ajouter une notion de négatif, au sens photographique. Si le projet du SDR est largement antérieur à celui d’AAN, leurs transformations dans le temps présentent de nombreux parallélismes. A chaque étape de mon écriture (découverte du sérialisme, théorie du rythme, émancipation du cadre universitaire, tournant rétrospectif), les deux univers sont remis en jeu et adaptent les orientations prises par leur auteur, poursuivant ainsi une reformulation qui d’une part est sans fin mais où, d’autre part, les versions plus récentes n’ont pas vocation à remplacer les essais antérieurs.

/.../

A une heure où l’on parle beaucoup du « livre numérique », certains insistent sur une notion plus large qui est celle de la « lecture numérique ». Cette notion a le mérite d’indiquer que la nature du texte numérique ne coïncide pas vraiment avec la forme du livre.

Le livre numérique, en somme, n’est qu’un artefact. Ce qui ne lui porte pas préjudice en tant que tel, bien sûr. Mais restreindre au « livre » la littérature numérique, c’est prolonger le drame de Mallarmé injustement, au moment même où précisément, nous avons les moyens de passer les frontières intransgressibles dont le grand poète a cherché à émanciper la poésie.

Certes, nul plus que lui n’a mis le Livre au centre de son oeuvre. Mais on le sait, ce centre est une absence car de Livre, au sens où le rêvait Mallarmé, il ne saurait y avoir et ce pour des raisons pratiques et techniques.

Je crains que notre époque, plus attentive au cadre juridique et économique des œuvres qu’à leur réalité artistique, même, vit sur des fondements friables. On ne peut même pas parler de passéisme car, si l’on regarde un ou deux siècles en arrière, tout ce qui écrit significativement touche du doigt le problème des limites du livre par rapport à la nature germinative et non linéaire du texte.

Il ne s’agit pas seulement de Mallarmé ou de Barthes ! Nos grands romanciers aussi ont été confrontés à l’absurdité d’un ordre linéaire auquel ils étaient condamnés, celui du livre, alignant en une série unique et close des récits dont les relations sont souvent irréductibles à la chronologie ou à une classification thématique.

Encore faut-il concevoir qu’écrire n’est pas simplement aligner des livres. C’est, au contraire, une question qu’on ne peut qu’avoir à l’esprit en permanence : qu’est-ce que j’ai fait ? qu’est-ce que c’est que ce foutoir global ? Et comment lui donner une forme ?

Je veux une forme qui rende compte de ce qu’est mon écriture - qui n’est pas si différente de celle de mes contemporains. Et je conçois aujourd’hui que cette forme m’est rendue possible du fait du développement du support numérique du texte (SNT en langage technique).

Puisqu’il est beaucoup question de « cloud » aujourd’hui, je veux moi aussi mon nuage éditorial. Il me permettra de présenter vingt-cinq ans de séries dans toute la complexité de leurs avènements respectifs.

Non seulement parce que je vais enfin pouvoir combiner la linéarité chronologique avec un réseau d’hyperliens qui permettra de glisser d’une lecture diachronique à une lecture panchronique sans effort particulier (il suffit d’un clic pour basculer de la mention de « Jeux d’œil » dans ASDSDR à la compilation un peu curieuses des textes qui ont emprunté ce titre, par exemple) mais je vais pouvoir permettre à mon lecteur (pour autant qu’il le souhaite) d’accéder aux états stationnaires des différents textes.

Quand nous parlons du SDR aujourd’hui, nous parlons certes d’un livre qui a été édité en 2009 par le courageux Chasseur abstrait. Mais ce volume, bien que déjà conçu pour rendre compte d’un texte en transformation permanente, n’a nullement épuisé la virtualité textuelle que représentent presque trente ans de tentatives narratives. Et ce n’est pas un « volume 2 » ou un essai de génétique textuelle qui résoudront cette question. En établissant un premier nuage intitulé Aux sources du sens (des réalités) je me suis appuyé sur la chronologie pour exprimer une réalité non linéaire du texte qu’on appelle depuis longtemps déjà « hypertexte » mais qui, d’un point de vue littéraire, a trouvé jusqu’ici peu de concrétisations convaincantes.

C’est que l’hypertexte, pris pour soi, est une chose un peu gratuite. On n’écrit pas plusieurs textes à la fois. On peut en écrire plusieurs dans une même période mais on écrit toujours un texte. L’établissement de diagrammes ou de tables de correspondances est un autre travail.

Il faut que l’hypertexte réponde à un besoin réel, de l’auteur comme du lecteur. L’approche diachronique et rétrospective est sans doute celle qui permet le mieux de comprendre les bénéfices, pour la littérature, du support numérique.

Il fut un temps où Jacques Neefs voyait avec angoisse disparaître la génétique textuelle à l’horizon du traitement de texte généralisé.

En réalité, nous le voyons aujourd’hui, jamais la génétique textuelle n’aura été si bien outillée, pour peu que les auteurs fassent les choses proprement.

Nous pouvons stocker une quantité indéfinie de versions stationnaires, ce qui aurait été impossible quand nous écrivions sur papier exclusivement, pour des raisons purement pratiques.

Quand vous avez écrit trois ou quatre mille pages de choses diverses, vous êtes bien obligés de faire le ménage et de supprimer les manuscrits. L’outil informatique permet, au contraire, d’archiver et de comparer les versions, d’en préserver chaque étape (pour autant que l’auteur le souhaite ou même à son corps défendant). C’est pourquoi j’ai voulu généraliser le principe hypertextuel expérimenté avec Aux sources du sens (des réalités) à l’ensemble de ma production textuelle. On pourra voir, désormais, comme les séries se croisent, se transforment mutuellement, évoluent selon des rythmes qui ne sont jamais connus d’avance.

En réalité, il ne s’agit pas de « génétique textuelle » au sens strict. Mais il n’est pas rare, de nos jours, que le livre se confonde avec son propre engendrement. C’est pourquoi les outils de la génétique textuelle viennent abonder un travail d’écriture dont l’enjeu n’est pas muséal ou bibliographique, comme on pourrait le penser, mais proprement textuel.

On croit bien souvent que le numérique revient à une dématérialisation des productions culturelles. C’est une courte vue. On attend encore que la côte des tableaux des maîtres du passé s’effondre sous prétexte que les images en sont reproduites à l’infini sur le web !

Pour le texte, c’est pareil. L’ordre numérique permet d’envisager de vastes corpus à entrées multiples, un « Livre » comme l’eût rêvé Mallarmé. Mais qui pratique l’écriture numérique en se posant la question de savoir ce que ça change réellement se rend vite compte que, par une ironie de la technologie, le numérique ne fait au contraire que souligner la réalité matérielle du texte, comme de toute production artistique.

Et quand on a commencé à écrire avec une machine à écrire de type Underwood, qu’on a connu l’information antérieure au système Windows, qu’on a découvert le scan à une époque où il fallait environ quinze minutes pour finaliser la reproduction d’une seule page (en mode image), c’est toute votre pratique de l’écriture qui s’est moulée dans ces transformations successives. Et vous regardez curieusement ces liasses de papier produites en un temps où écrire, c’était remplir une feuille ou des feuilles dont chaque émission serait unique.

On se rend compte, rétrospectivement, de la déstabilisation qu’a pu engendrer cette série d’évolutions technologiques. Ainsi de ma première machine à écrire électrique, qui comportait une mémoire interne limitée en capacité mais qui permettait de garder des textes en mémoire, ce qui était une révolution. Et pour autant, quelle panique !

La forme que prenait le texte avec ce nouvel appareil était bien différent des grosses lettres gravées sur le papier par la machine mécanique.

Le nuage éditorial que je projette ne comportera pas simplement des textes en nombre et sans omettre les variantes (quand elles sont significatives, bien sûr). Il intégrera un certain nombre de fac-similés et le lecteur comprendra assez rapidement, j’espère, qu’il ne s’agit pas d’une simple coquetterie nostalgique de ma part mais de la seule réponse possible à une question que je me pose secrètement depuis mes premiers essais, peut-être : comment restituer sur un support donné une forme produite sur un support différent ?

Il ne s’agit pas seulement de supports informatiques : les cahiers remplis de dessins ou de textes dont l’écriture part en vrille, leur transposition même sur une machine à écrire traditionnelle est déjà une trahison. Quand il s’agit de schémas comme j’ai pu en produire un certain nombre pour Avec l’arc noir, en particulier, la mise en forme des notes est une réécriture, c’est-à-dire presque obligatoirement une œuvre nouvelle.

J’ai conscience de vivre des conditions de travail extraordinairement privilégiées, qui me permettent de construire « mon » Livre avec plus de ramifications et une structure infiniment plus souple que ce qui m’aurait été donné trente ans auparavant. Je deviens mon propre bibliothécaire. L’indexation, la datation, la prise en compte du support physique deviennent des outils quasi obligés de mon travail d’écriture.

L’auteur est-il condamné à devenir son propre bibliothécaire ? Rien n’est moins sûr, même si la question se posera toujours de savoir si l’on ne passe pas sa vie à écrire un seul et même livre (mais c’est une question rhétorique : la réponse est évidemment positive). Mais le principe du nuage éditorial est sans doute un des apports les plus stimulants et les plus réjouissants à la création littéraire d’aujourd’hui. Elle ne repose pas, c’est vrai, sur une philosophie de la rareté. Au contraire, elle nécessite une production abondante. Mais ça, c’est quand même la base, non ?

 

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