1942 : nuit sombre, dominée par les bombes.
Un personnage conjointement réel et fictif s’érige, seul, dans des paysages en ruine, et son apparence de métal semble incarner une conscience identique.
Oui, une conscience lisse comme du métal.
L’affect délavé, bel et bien réel, avance à tâtons, sur une voie totalement empirique. Son nom : Meursault.
Ses actes sont des fleurs ou des lames de couteau. Ses intentions dynamitent la narration. La philosophie dans toute sa splendeur traverse l’anatomie de cet homme, réunissant Socrate et la phénoménologie, étroitement. L’homme et le concept. La modernité et son double.
Depuis, bien des fictions, romans ou nouvelles, sont influencées par ce personnage comme figé dans une lointaine éternité.
Alain Robbe-Grillet exprime une nouvelle intentionnalité, sans doute née de ces décombres. Et de la volonté de Meursault d’avancer.
La psychologie a vieilli de manière accélérée sous les feux de l’Histoire.
L’intention a retrouvé de sa force, de sa puissance, pour réduire à néant la spéculation psychologique.
Et c’est à partir de cette néo-intentionnalité que le psychisme renaît. Que les fantasmes, que la folie, que l’esthétique se fondent dans une structure narrative qui affirme son primat, dans une direction choisie mais non définie. Mais non sous le joug d’une dénomination.
La conscience narrative opère des glissements. Le lecteur respire. Il s’abreuve. Il interprète. Et l’histoire de la littérature se poursuit.