C’est un échiquier qui tourne sur lui-même, les pions américains et soviétiques évitant de se damer directement. Leurs aires d’influence et leurs intermédiaires sont considérables, la fabrique de l’homme augmenté ou de l’homme limité étant l’enjeu cardinal. Les deux empires ont pour eux un passé glorieux qui ne laisse pas de place à la percée éventuelle de nouveaux concurrents. Les premiers de l’Ouest, les premiers de l’Est : la liberté absolue occidentale face à la grande nation des Huns.
Chez les satellites des Huns, justement, un grand groupe britannique est admiré.
Oui, Depeche Mode est adulé par une partie de la jeunesse est-allemande qui obtient la tenue d’un concert unique. La régénération de la pop’music par le biais du son électronique est en marche, et le groupe anglais, précoce, impose un tempo rapide.
Pendant ce temps, les autres grands groupes occidentaux rassemblent les spectateurs lors de concerts qui s’apparentent à des messes. De grandes places urbaines, des stades, des toits de gratte-ciel ...
The Police, Queen, Dire Straits, Simple Minds, U2, Pink Floyd...
David Bowie...
Le monde anglo-saxon et son camp chantent la puissance des villes et des conurbations. L’on sent la présence de matériaux industriels au travers des évocations et déchirements sentimentaux, en prolongement dirait-on aux tableaux de Hopper.
La décennie de la petite balle jaune installe sur son piédestal une race de joueurs nouveaux et d’abord un prototype en la personne d’Ivan Lendl. Le visage creusé pour ne pas dire émacié du Tchécoslovaque semble vivre sur la terre battue, son art de la diététique et de la rigueur technique, associés à un talent inédit, le transforment en numéro un du coup droit offensif, du passing de revers, ses yeux d’aigle comme immobiles diffusant un flux constant à la fois sur son adversaire et sur l’horizon de la concentration qui sont matériels à chaque instant, chaque échange.
Son visage et son hiératisme, sa noblesse génétique sont dupliqués sur les écrans, de Melbourne à Londres, en passant par New-York.
Puis, à la fin des années 80, le Mur tombe, et le Tchèque - pas encore harassé de victoires et de records - songe à devenir Américain.