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Article publié le 14 janvier 2008. oOo
Écrits d’Aurore
Nacer KHELOUZ
Monsieur buvait tranquillement pendant que Madame jetait par-dessus bord (étaient-ils sur une embarcation de rang tenir ?) des morceaux de pain aux nombreux canards qui hantent ces lieux de villégiature. Elle jetait indifféremment à gauche puis à droite tout en ne cessant jamais de se pencher vers Monsieur. Ils laissaient derrière eux un drôle de sillage blanc, fait d’écume baveuse, de miettes de pain blanc et tous les canards blancs. Ce jour-là le ciel était bien bas ; le ciel était bien blanc. Ce jour-là, Monsieur était vin blanc et Madame rouge de lèvres.
La chute de l’eau continuait son bruit sourd par endroit et immuable par d’autre. Accroché à sa coulée qui regorge, comme retenu par une main invisible : un vieux jeans qui se lavait ; se laissait laver ; qui se lavait. Toute trace d’une histoire qui semblait à jamais perdue pour tout le monde, sauf peut-être à lui-même. L’eau cependant continuait de descendre, de le caresser, d’inonder les recoins, de fouiller non sans grâce dans les poches béantes, bâillantes. L’eau lavait toujours et recommençait toujours en un murmure éternel. Il se lavait le jeans, se laissait laver et salissait les rives environnantes puis les plus lointaines. Vers la fin de sa chute, l’eau devint jeans qui se consumait, se laissait disparaître là-bas.
Me voilà dans son dos ! De sorte que le monde gagna à être vu deux fois. Sans qu’elle ne se doute de l’accomplissement de mon regard à la suite du sien. Mais les choses, elles, elles étaient vues deux fois. Elles vécurent deux fois.
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A force de...
Paris, août 2005 oOo
Moi, Cunégonde vierge cent fois violée
Kansas City, septembre 2007 |
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