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Article publié le 20 décembre 2020. oOo Le chauffeur est, et de loin, la partie la plus dangereuse de l’automobile. Léo Campion
Ma pauvre guimbarde Au bout du rouleau, Tu bois comme un barde Et pisse de l’eau.
Tu es carriole, Et je suis penchant À la gaudriole Après le couchant.
Tu es ma chignole, Mon vilebrequin ; On prend des torgnoles Comme des faquins.
Allons ma bousine Trouer le bousin ; Tu sors de l’usine Et je suis zinzin.
Va, mon véhicule, Sur les chemins creux… Avance et recule, Je suis amoureux.
Quand je me voiture Une Putiphar, J’ai de l’aventure Dans les nénuphars.
Je me dis : Arrête Ton triste tacot, Ton char, ta charrette, Et paie ton écot !
Vous dites : Mais qu’est-ce Que tout ce tintouin Qui gâte ta caisse D’Issy à Saint-Ouen ?
Ma vieille bagnole, Peut-être un peu trop, Carbure à la gniole Et moi au Cointreau.
Tu trembles, carcasse, Le clan des méchants Te pousse à la casse Des fourbes marchands.
Dans ta carapace, Pleins phares plein pot, Qu’est-ce qui se passe Dessous le capot ?
Ma pauvre brelingue, Que de crevaisons ! Le temps nous déglingue Plus que de raison.
Ma décapotable, Ô mon toit ouvrant, J’embarque, intraitable, Mes amours à cran.
Le pied à la planche, La radio à fond, Je troue des nuits blanches, Des sommeils profonds.
Ma caisse à manettes, Au soleil des loups, Sous tes savonnettes, Qui sème des clous ?
Ma fringante tire, Aux premiers venus Conte les martyres De mon pays nu.
Ma bête vorace D’air et de goudron, Ta putain de race Broute mes chevrons.
Je prends des virages Sur tes vieux chapeaux De roue pleins de rage, J’entame ma peau.
Mon tas de ferraille, Bloc rubigineux, Je fends tes entrailles, J’éclate tes pneus.
Tousse et pétarade Dans mon monde entier, Et me laisse en rade Dans mon bas quartier.
Du plomb dans tes ailes, Tu vas zigzaguant. J’ai quelques ficelles Dans ta boîte à gants.
Et tes allumages Avec leurs retards, C’est vraiment dommage Tous ces racontars.
On a la colique, Parfois, mon coucou, Des vents italiques Pour marquer le coup.
Ma vieille gazette, Les mouches, les taons, Piquent tes mazettes Tu as fait ton temps.
J’entends vos sarcasmes, Bande d’érudits ! Je traite son asthme Et je l’ébaudis.
Que de garagistes Se renvoient l’éteuf, Comme des légistes Devant mon teuf-teuf.
La station-service Soigne mon moulin Et flatte ses vices En faisant son plein.
Robert VITTON, 2020
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