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Article publié le 20 décembre 2020. oOo La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. Albert Einstein
Je perds l’équilibre Je dois avancer Je roule en roue libre Avant de danser
Entre deux étapes Trimeur du trimard Le gars se retape Au zinc au plumard
Le chemin de terre D’os et de noyaux Qui mène à Cythère Me tord les boyaux
Ma paupière cligne C’est mon grand braquet Je passe la ligne Je l’ai mon bouquet
Quand j’en suis au pire Accroc au goulot Je change un empire Contre un vieux vélo
Les pognes poisseuses Au dos le bidon Je fonce en danseuse Nez dans le guidon
Ma petite reine Mouille mon maillot Pour elle j’étrenne Des sentiers royaux
Mézigue et ma muse Allons en tandem Ma muse s’amuse De tout moi idem
Jamais il ne freine Mon flemmard biclou Toujours à la traîne À la queue lou lou
Je vais ma draisienne Pied deçà delà Voir mon Arlésienne Sur son tralala
Ma grosse bécane Comme un char d’assaut Réveille la Cane- bière en soubresaut
Cycle à demoiselle Mon deux-roues léger Soudain a des ailes Et vole au verger
J’y croque des pommes Des jolis tétons Puis je fais un somme Plein de rogatons
À l’embarcadaire Nous sommes des cents Chameaux dromadaires Chevaux bâts blessants
Je vois des voitures Un flot grossissant Ma pauvre monture En perd son accent
Je vois des carrosses Qui vont cahotant Tirés par des rosses Dans le mauvais temps
Je vois la patache La chaise à porteurs Le gail à l’attache La chaise à moteur
Mes décors féeriques De rayons de miel Je file euphorique Sous des arcs-en-ciel
Pays paysages Plaines monts et vaux Rondes de visages Gens moutons chevaux
Montées et descentes Boues goudron pavés Une rue passante Un endroit rêvé
On cogne à ma porte Je sors du sommeil Des belles m’apportent Des baisers vermeils
Ci-gît sous la dalle Un cycliste qui Perdit les pédales Et prit le maquis
Graveur d’épitaphe De louanges d’or J’aspire une taffe Et je me rendors
Quatre trois deux une Une roue suffit Pour gagner ma thune Des métiers, j’en fis
Un peu acrobate Grand ribouis nez rou- ge habits flottants batte… Un vrai bouche-trou
Porteur de nouvelles Fantasque livreur Vendeur sans cervelle Infâme coureur
J’ai pris des tangentes Gars toujours partant Roulé sur mes jantes Mais j’avais vingt ans
Chaussé de carouges Jambes de coton - Moi lanterne rouge Loin du peloton
Je grimpe une route Comme un vieux démon Pleine de choucroute Qui passe les monts
Sonnent les matines Je file mon nœud Sans une rustine J’ai là du bon pneu
Je suis un balèze Qui dort sur les bancs, Qui file à l’anglaise Sur de longs rubans
Quand ma fin est proche Comme un vieux tocard À bout je m’accroche À un autocar
Belle je t’emballe Dans tes falbalas Et je te cambale Quand je fais du plat
J’ai mes tours de France J’y prends des couleurs Malgré les souffrances Les cris les douleurs
Je suis en haleine, Sur les hauts sommets Ma caboche est pleine J’y prends et j’y mets
Un vent froid m’enroue En gorge un miton Qu’ai-je dans mes roues Sont-ce des bâtons
J’ai dans ma musette Une gourde d’eau- de-vie des noisettes Un schlass deux sandow
Ainsi le temps passe Et nous, nous passons Dans nos carapaces Nos caparaçons
J’ai appris le morse Et l’espéranto Je prends sans amorce Les fées des châteaux.
Je la hais je l’aime Ma vie sans collier De jeune homme blême De vieil écolier
J’y ai bu l’eau claire Et le petit lait J’y ai voulu plaire, Avec mes couplets
J’avais la jeunesse Je sais que j’ai plu J’avais des finesses Je ne les ai plus
Des œufs je m’en poche, Je t’en fris, Caron ! Au fond de ma poche, Je te garde un rond.
Tous ceux de ma classe, Du monde d’avant, Ont tenu leur place De morts, de vivants.
Ils ont été drôles, Souvent emmerdants, Dans leur propre rôle Toujours de perdants.
Robert VITTON, 2020
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