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Vadrouilles d'un cruciverbiste
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 Article publié le 7 mars 2021.

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Derrière les grilles

De mes mots croisés

Les lettres s’étrillent

J’en suis épuisé

 

Je pars en voyage

Loin de mes sentiers

Et de mes sillages

Reviendrai-je entier

 

Je roule carrosse

Sur l’or et l’argent

Tiré par des rosses

Et des pauvres gens

 

Deux heures de trotte

Des chemins perdus

Au pays des grottes

J’y serai rendu

 

Pour tenir la bride

J’enrôle un cocher

Sans tache et sans ride

Qui parle aux rochers

 

Que de jours de rame

D’ornières de rail

Soudain c’est le drame

La joie le mirail

 

Que de jours torpides

Je reste chez moi

La phrase insipide

Sans le moindre émoi

 

Comme vous mes cagnes

Je ne jappe plus

Mes mâts de cocagne

Sont tous vermoulus

 

Ma harpe éolienne

Et mon dulcimer

Pour un temps s’aliènent

Dans un port de mer

 

Je prends en patience

Mon mal de rimeur

Ramenant sa science

Partout où l’on meurt

 

Tire ma charrette

Maître aliboron

Encore une traite

Et nous y serons

 

Ma mie rafistole

Mes méchants habits

Cousus de pistoles

J’en suis ébaubi

 

A la belle estelle

Au fort de l’été

Que de tarentelles

M’auront transporté

 

J’ai ma ribambelle

De pions de morpions

De trousseurs de belles

De vrais principions

 

Cœur doux bouche amère

Savoir qui je suis

C’est là ma chimère

Et je la poursuis

 

Sur mon dos ma malle

Pleine de rameaux

De fleurs hiémales

De givre et d’émaux

 

Mes lurons en foire

J’en perds mon dormir

Mon manger mon boire

N’ont su que gémir

 

Quand je fais carrousse 

Que je paye en vers

La servante est rousse

Au cabaret vert

 

Je suis à la proue

D’un castel ailé

Les gabians trouent

Mon chant déferlé

 

Je cours aux tripailles

Comme un échappé

Château de Ripaille

J’y aurai fripé

 

Fringuez diligences

Pleines de plaisirs

Comme à la régence

Pour ne pas moisir

 

 

Je file à Suresnes

Musette et bidon

Ma petite reine

Nez dans ton guidon

 

Douze automobiles

S’insurgent plein pot

Les radios jubilent

J’en reste capot

 

Je traîne en guimbarde

Un œuf sous le pied

J’y fume et bibarde

Comme un vieux troupier

 

Temps de demoiselle

Du bleu et du gris

Bigorneau sans ailes

Je pleure et je ris

 

J’attelle des cygnes

A mon char à bancs

Où ma pute insigne

Trousse des forbans

 

Dans ma camionnette

Chargée de gravois

Contre la planète

J’élève la voix

 

La paroisse tinte

Ses coups de midi

Tout change de teinte

Tout est étourdi

 

Cahotez roulottes

Sur mes airs blessés

La lune est pâlotte

Mon chien hérissé

 

Je pince et je gratte

A faire pitié

Ma lyre est ingrate

Comme ma moitié

 

Je tisse des proses

Noue des vers nouveaux

Des bouquets moroses

Des vers de caveau

 

Mes âmes damnées

N’ont plus le piquant

Des folles années

Des lestes cancans

 

Je trouve le songe

Dans mon char à boeufs

Mon songe est mensonge

Mon verset verbeux

 

A la sarbacane

Je tire les Rois

Leurs gens de chicane

Et tous leurs charrois

 

Je parle aux statues

Des charivaris

Des rouges battues

De cors et de cris

 

C’est moi que l’on sacre

Torcheurs échansons

Mon jeu de massacre

Mes balles de son

 

Ma cour ma couronne

Mon sceptre de fer

Ma chasse mon trône

Mon Dieu mon enfer

 

 

Mon hast mon armée

Mes trois-cents vaisseaux

Une bien-aimée

Et mes grands vassaux

 

Mon verre un cépage

Le vin du château

N’oubliez pas pages

La fève au gâteau

 

Des détours d’horloge

Et l’intrigue prend

Les premières loges

Et les derniers rangs

 

Sur ma pétrolette

J’enlève un moment

La reine Gillette

A ses pieux amants

 

Le cheval de Troie

Qui planque en ses flancs

Ma trôlée m’octroie

Le choix de mes plans

 

Je laisse ma guette

Et j’attrape un tram

Un tram en goguette

Un tram am stram gram

 

Je passe pour être

Un gueux revêtu

Un salace reître

Bossu et tortu

 

Plus rien ne m’emporte

Sur mes canevas

Je ferme ma porte

J’y vais ou j’y vas

 

Je laisse aux périples

Des plumes Les vents

M’en rendent le triple

Parfois j’en revends

 

Je siffle à Montrouge

Je souffle à Saint-Cloud

Sec comme un carouge

J’y plante mon clou

 

Vieux poète à gages

En mauvais arroi

Pour poser bagage

Je cherche un endroit

 

Un coin où m’étendre

Où m’asseoir un peu

Un coin de pain tendre

De vin sirupeux

 

Un coin de lavande

De hameau ruiné

De chiche provende

De ciel moutonné

 

J’étais sur tes traces

Le cœur au métier

Chantre de la Thrace

Et de mon quartier

 

Selon sa jugeotte

Chacun joue son jeu

J’ai eu des bougeottes

Des ciels orageux

 

Ce que mes neuf aiment

Le faire est péché

Le dire blasphème

Trou du cul bouché

 

 

Les morts de mes guerres

Sont ensevelis

Morts d’hui de naguère

Sous des éboulis

 

Tire ma civière

Sur mes frais labours

Jusqu’à la rivière

Mon cheval rebours

 

On me sort en planches

De mon corbillard

Sont là barbes blanches

Fées et chevillards

 

Je n’ai fait qu’un somme

De Pontoise à Sceaux

A Sceaux nous y sommes

En mille morceaux

 

De plus de cent piques

Tout est à revoir

Les milieux topiques

L’incertain savoir

 

Je me véhicule

Là-haut dans les airs

Je vois monticules

Marais et déserts

 

Je vois terres nues

Terrains vagues bleus

Je tombe des nues

Dans mon lit moelleux

 

Le soleil se lève

Le temps dégradant

Tue tous mes élèves

Et Dieu là-dedans

 

Quand le sucre d’orge

De Moret-sur-Loing

Coule dans ma gorge

Qu’irai-je plus loin

 

Derrière les grilles

De mes mots croisés

Les lettres s’étrillent

J’en suis épuisé

 

 

Robert VITTON, 2016

 

 

Ripaille : château sur le bord du lac de Genève où Amédée, duc de Savoie, qui fut depuis antipape sous le nom de Félix V, se retira et fut accusé de se livrer à la bonne chère, d’où faire ripaille.

 

Trôlée : bande de gens allant ensemble.

 

Caroube ou carouge : fruit du caroubier, gousse longue et plate contenant une pulpe très douce au goût. Hésitations sur le genre, l’Académie donne le masculin, Littré et les botanistes optent pour le féminin, Larousse et Robert proposent les deux genres. Pour des besoins métriques, je choisis cette fois le masculin.

 

 

 

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