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 Article publié le 9 janvier 2022.

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Me dire votre ami, jamais n’oserais.

Tout au plus, suis-je votre semblable, votre frère, celui que Baudelaire apostrophe au tout début des Fleurs du Mal et qu’il appelle de ses vœux ; en cela donc quelque peu hypocrite, c’est-à-dire avançant à pas de velours dans le maquis foisonnant de vos écrits d’hier et d’aujourd’hui.

Je lis comme d’autres se désaltèrent, à cette nuance près qu’en poésie je suis un boit-sans-soif pour la raison que je veux dire ici : ce que je lis provoque en moi un doux hypnotisme kaléidoscopique qui vibre en moi et s’irise en mots qui me viennent de toutes parts au moment de ma lecture, comme si un texte nouveau perçait constamment sous les lignes lues et caracolait en parallèle du vôtre.

Ce phénomène tout de même assez étrange n’est apparu que tard dans ma vie.

Plus jeune, je lisais avidement, je m’imprégnais, je m’enivrais : une ivresse sainte, pour ainsi dire, comme, par exemple, quand je lisais à haute voix dans ma petite chambre de mon HLM un poème de Breton, de Baudelaire ou de Lorca.

Je ne lis plus guère à haute voix, je ne sais trop pourquoi - On est allé jusqu’à dire que j’avais une belle voix… peut-être… - en revanche, mes lectures poétiques depuis quelques années font vibrer tout mon être linguistique rassemblé dans la ferveur d’un poème : je deviens parfois une espèce d’arbre à paroles qui frémit sous le vent d’une parole autre que la mienne.

Il me faut donc m’imposer silence, ne pas céder trop vite à ce démon nouveau qui m’habite et me pousse pour ainsi dire à répliquer sans plus attendre.

Ce démon, comme j’aime à l’appeler, ne me tourmente pas ni ne me hante. C’est un ami, et dans ma grande solitude, sa compagnie est fort appréciable.

Ainsi, seul devant un poème, me voilà trinité déchirée.

Triple buse !

Je suis le rapace et sa proie et l’air qui convole en justes noces avec l’ambiance allègre ou sombre du poème qui vole à tire-d’aile vers son accomplissement.

Flots de mots pris dans un flux de parole plurielle ouverte aux quatre éléments, le feu n’étant pas le moindre des compagnons.

Comme si le poème-phénix emportait dans son vol toute la présence terrestre possible et imaginable pour s’embraser et mourir afin de renaître, ainsi de cycles en cycles magnifiant le langage dans le monde et le monde dans le langage, infime écart que le poème explore en en forgeant la réciproque mise en abyme.

 

Jean-Michel Guyot

4 janvier 2022

 

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