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Article publié le 3 juillet 2022. oOo Ecrire sur la poésie - ne parlons surtout pas de poétologie ! - quel mal y a-t-il à cela, si c’est un poète ou une poétesse qui en parle avec toute la pudeur qu’implique une position toujours inconfortable, jamais tout à fait acquise ? En parler de vive voix est toujours possible, certains s’y sont exercé avec plus ou moins de réticence, plus ou moins de brio mais il faut garder à l’esprit qu’un écrivain, a fortiori un poète, sera toujours plus à l’aise dans ses écrits que dans ses prises de paroles, même si ces dernières ont été longuement méditées avant d’être proférées, même si une parole brillante, une verve étonnante est toujours à sa portée. Paroles et écrits, de toute manière, peuvent servir tôt ou tard à confondre la personne d’un écrivain que d’aucuns veulent réduire au silence en détruisant sa réputation, en le tournant en ridicule, en l’attaquant sur sa moralité, peu importe. Derrière toute attaque se niche l’envie ; les principes moraux sont de pure façade, et si d’aventure il existe des gens pétris de principes, alors il y a fort à parier que c’est la mauvaise foi qui innerve et irrigue la virulence de leurs propos polémiques. Une naïveté mauvaise anime aussi parfois quelques excités qui prêche l’Amour à tous les étages. La talent, ça ne pardonne pas ! Tôt ou tard, il se trouve des personnes bien intentionnées pour vous faire tomber du piédestal où certaines d’entre elles vous avaient mise. * Proférer des paroles en réponse à une question, n’est-ce pas les projeter violemment en avant de soi dans le souci d’aller bien au-delà de la question posée ? Un œil frondeur, toujours aux aguets, un verbe haut prêt à la riposte cinglante mais aussi une écoute attentive, une chance laissée à l’adversaire paraissent être les qualités indispensables pour faire front. On peut sauter par-dessus la question, on peut la contourner, on peut tourner autour d’elle longuement, la renifler, l’examiner sous toutes les coutures et décider ou non d’y répondre, comme on peut tout simplement en contester la pertinence et la validité et ainsi refuser tout net d’y répondre. L’écrit, quant à lui, brasse plus ou moins tous ces possibles mais en sens inverse : les questions posées ne sont jamais que des étapes dans le corps du texte, destinées à relancer le propos, à l’infléchir dans un sens ou dans un autre sans jamais s’attacher définitivement à des réponses provisoires faites à des questions qui n’ont pas valeur d’absolu sans être pour autant de pure rhétorique, le hors-texte pesant alors de tout son poids, comme une réserve de paroles, au double sens du terme : réservoir et réserve quant au désir de les laisser s’échapper trop vite, poids que le texte s’emploie à délester au fur et à mesure qu’il lâche ses questions qui viennent toutes s’écraser sur la roche tarpéienne du Dire qui menace tous les interlocuteurs.
* Le point d’interrogation ? un point affublé d’un petit signe en forme de serpent : le serpent, toujours prêt à dévorer le minuscule point disparaît broyé par les réponses qui n’en sont pas vraiment.
Jean-Michel Guyot 21 juin 2022
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