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Du coq, de l'âne, j'aime les ressorts...
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 Article publié le 9 octobre 2022.

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Du coq, de l’âne, j’aime les ressorts qui rebondissent en moi, libérant le trop lourd sens de sa charge d’espérance, le laissant à la soudaine-souveraine errance de son Dire amoureux du multiple.

 

Je caressai dans le sens du poil une femme amoureuse ; elle m’en sut gré, offrant à mon avidité sans bornes un lieu où me débaucher. Havre de paix, ses cuisses ouvertes ? Que nenni ! Elle en fut assez vite pour sa peine, se refusant à me suivre sur des chemins qu’elle jugeait par trop escarpés.

 

La verticalité poétique ne vaut que si l’on dévale la pente douce ou abrupte du sens commun à la manière d’un skieur aguerri une pente neigeuse ou si l’on s’efforce d’atteindre des sommets de compréhension encore jamais atteints, ce qui demande un effort de lecture considérable, une endurance alpine, un souffle appris au contact de l’air le plus rude qui soit, celui de montagnes qui demeureront longtemps après notre passage.

 

Si tout n’est qu’affaire de sensibilité, alors chacun est libre de faire son petit numéro. Numéro d’équilibriste, s’entend, sur la corde raide du bien commun et du respect dû à la personne humaine dans nos sociétés. Libre oui, mais poussé par quelle sourde contrainte, et quelle injonction venue de certains dans notre société qui tirent profit de nos affects et désirs ?

 

Je ne vois pas une seule société, quelle qu’elle soit, pour laquelle primeraient l’individu et ses désirs sur le groupe, la caste, la classe et surtout l’Etat, quelque forme qu’il prenne, qu’il soit démocratique et libéral, autoritaire, autocratique, aristocratique ou dictatorial. La personne humaine est contrainte de servir et d’être utile, que cela passe par le travail et les devoirs du citoyen ou que cela implique le sacrifice de sa vie sur l’autel d’une patrie, au service d’un chef charismatique ou d’un dieu omnipotent dont se sert une caste aristocratique ou néo-aristocratique pour asseoir et étendre son misérable pouvoir.

 

Nous ne sommes que de la viande en sursis. Choyés dans l’enfance, dans le meilleur des cas, adolescents attardés fréquemment, la rude réalité s’impose à nous dès que nous nous mettons à travailler pour le compte d’autrui.

 

Nos écrits valent à peine mieux que les traces que nous laissons dans la neige.

 

La valeur n’attend pas le nombre des années, que l’on songe à Mozart enfant, exploité par son cher papa au côté de sa sœur où à Rimbaud brûlant la chandelle par les deux bouts et échouant sur les côtes de la Mer Rouge en commerçant patenté !

 

La valeur la plus grande est accordée bourgeoisement à ce qui dure, aristocratiquement à ce qui brûle pour l’honneur, une valeur désormais désuète. On ne parle plus guère de bourgeoisie de nos jours mais la valeur accordée à l’utilité demeure ancrée dans nos sociétés post-modernes.

 

La dépense, c’est-à-dire les dépenses induites par la consommation de services et de biens matériels, est tolérée et même encouragée pour peu qu’elle serve l’économie ; de dépense ostentatoire, luxueuse, ruineuse comme le potlatch, il ne saurait être question. A dose homéopathique, on tolère des dépenses superflues utiles aux profits commerciaux, or c’est de dépense sans frein dont nous avons besoin, soutenue par toute une symbolique intégrée dans des rituels de consumation durant lesquels le pire - la mise à mort de victimes expiatoires, l’orgie - n’est plus à craindre dans la mesure où elle soude une société, l’expurge pour un temps de ses démons.

 

La catharsis vise le rétablissement d’un équilibre en passant par une phase symbolique de crise aiguë durant laquelle le tragique s’expose. Reste à définir ce qui est désormais tragique pour nous. La mort d’un enfant, par définition injuste et prématurée, quoi d’autre ? On n’écrit pas de tragédie sur une base aussi étroite, un téléfilm tout au plus.

 

Peut-être nous reste-t-il la tragédie des migrants économiques ou politiques ? Le drame de l’exil aboutira un jour peut-être à des tragédies bien réelles qu’aucune symbolique ne sera en mesure de prendre réellement en charge. La guerre à nos portes est choquante, mais pas au point de nous inspirer des tragédies : il n’y manque ni la pitié ni l’effroi qui nous saisissent mais le concernement.

 

Tant que nous ne sommes pas personnellement impliqués - chair meurtrie, maison détruite, proches morts atrocement - nous n’en voulons rien savoir de profond, quant à ceux qui sont directement impliqués dans une guerre, militaires combattant, civils à la merci du pire, ils n’ont évidemment pas le recul nécessaire ni le loisir, et par conséquent pas la volonté, de se lancer dans l’élaboration d’une tragédie : ils la vivent dans la peur et la rage, la haine et le ressentiment. Pas de catharsis pour eux mais un profond trauma.

 

 

Manquent donc des sujets consensuels qui nous impliquent tous et toutes au point de nous faire trembler, nous mettant à la fois en face et à l’abri du pire dont l’humanité est capable.

 

Faute de catharsis, plus encore de rites expiatoires, nos sociétés ne savent que se livrer à la guerre-spectacle.

 

L’oubli, tant vanté par Nietzsche de son vivant, était un remède nécessaire pour combattre l’odieuse exploitation de l’histoire mise au service de l’impérialisme teuton, mais les virulents avatars de cet impérialisme ont donné la Shoah que beaucoup préfèrent ignorer pour dormir tranquilles et pourquoi pas recommencer les mêmes saloperies un de ces quatre.

 

N’en doutons pas : tout sera un jour oublié, c’en sera fait de l’humanité telle que nous la connaissons.

 

Ce qui nous distingue, c’est la volonté de dire comme nous le pensons ce que nous pensons, sans artifices, sans fard, sans afféterie mais en laissant toute la place à la complexité la plus grande qui se peut concevoir. Le commun beugle ses opinions, braille en meutes, aucune liberté là-dedans, aucune expression digne de ce nom.

 

Les mythes sont en sommeil, les Muses caduques.

Ne subsistent hélas, et que trop, les marchands de gloire nationale, les trafiquants d’identité qui jouent tous avec des pans entiers de leur histoire nationale. Ces mythes de pacotille, on les appelle généralement des idéologies. A l’heure où en Europe un puissant mouvement de démythologisation est en marche, on voit se réamorcer des tentatives visant à hausser au-dessus de l’humanité telle ou telle nation. Turquie, Chine, Inde n’échappent pas à cette tentation démente de se croire supérieures à nous. Dans un avenir pas si lointain, leur déconvenue sera immense. Ces nations putrescentes courent à la catastrophe, leur décomposition lente sera un jour explosive. Leur disparition fera grand bruit mais n’émouvra que ceux qui plaçaient leurs espoirs en elles.

 

Irréfragable…

Voilà bien le mot qui, indiscutablement, me séduit le plus depuis quelque temps déjà, peut-être parce qu’il détonne dans mon époque pleine de convulsions et de doutes, mais, en premier lieu, c’est la magie de sa sonorité qui opère clairement en deçà du sens qu’il porte : converge donc grâce à lui un doute quant à l’époque dans laquelle nous vivons bon an mal an et sa beauté sonore proche de ce Frage allemand qui signifie « question ».

Pas question, donc, que je m’en sépare de sitôt !

 

Quelle époque, je vous le demande, ne fut pas convulsive ?

 

Le long de l’Allée du Roy à Eecke, au fin fond des Flandres françaises, un père et sa fille s’amusaient lors de leurs promenades à décapiter les hautes orties qui peuplaient les bords de ce chemin au nom pompeux ; elles étaient à leurs yeux autant de têtes de fâcheux et d’emmerdeurs qu’avec une cinglante branche de saule ils tranchaient joyeusement. Le souvenir jubilatoire de ces hécatombes ne les a pas quittés depuis lors.

 

 

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