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Pourquoi y a-t-il encore ce qu'on appelle poésie ?
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 Article publié le 30 octobre 2022.

oOo

Il y a qu’il y a ce qu’on appelle - pour combien de temps encore ? - poésie et, partant, des poètes ; je ne suis qu’un poète parmi d’autres.

Tout poète n’est que parmi.

La poésie n’est ni une ni indivise ; qui plus est, une république des poètes n’existe pas, et si jamais elle devait exister, il se trouverait bien quelques Platon pour tenter de l’en chasser comme une malpropre.

*

Il connaît la hardiesse de l’idée développée jusqu’au bout, dussent les ombres grossières où les hommes ont élu domicile en périr.

Emmanuel Levinas, Le pharisien est absent, in Difficile liberté

*

Je commencerai par reprendre à mon compte une réflexion de Blanchot à propos de Berlin divisé en l’appliquant à ce qu’est la poésie pour moi la lisant et l’écrivant :

La poésie est ce lieu sans lieu où la réflexion sur la nécessité et l’impossibilité de l’unité s’accomplit en chacun de ceux qui y demeurent et qui, y demeurant, ne font pas seulement l’expérience d’un séjour, mais d’une absence de séjour.

Profondément divisés sur la question de la poésie, je pense que poètes et critiques ainsi que le public et quelques universitaires nous nous posons tous, sans toujours en avoir pleinement conscience, le problème de la division que Blanchot souleva en son temps dans un texte peu connu sobrement intitulé Berlin. (Je passe rapidement sur l’histoire rocambolesque de ce texte égaré, retrouvé dans une version italienne, retraduit en français puis finalement retrouvé dans sa forme originelle en français.)

La division me semble être au cœur de la poésie contemporaine, division que Berlin illustra de manière éclatante avant que l’histoire ne tournât au tragi-comique avec la Chute du Mur puis la fameuse Réunification.

Le Berlin d’après-guerre est une ville morcelée, fragmentée mais aussi et surtout divisée en deux blocs antagonistes relativement poreux avant l’érection du fameux Mur, soit une ville unique en son genre, qui fut la capitale tardive d’une nation elle-même initialement morcelée puis progressivement « unifiée » d’abord sous le coup de butoir napoléonien qui imposa la Confédération du Rhin puis dominée par la Prusse militarisée.

Initialement, c’est une ville parmi tant d’autres qui acquiert progressivement une autonomie par rapport au pouvoir aristocratique et qui se voit appelée à symboliser tardivement une unification précaire sans cesse en proie à des forces centrifuges toujours à l’œuvre de nos jours, le fédéralisme étant la solution de fortune et de bon sens adoptée après-guerre dans les territoires occupés par les Américains, les Anglais et les Français, puis élargie aux Länder de l’ex-RDA. Il n’existe peut-être pas de nation plus plastique que l’Allemagne depuis la création du Saint empire Romain-germanique : l’on pourrait superposer numériquement des centaines de cartes de cette Allemagne introuvable ; on y verrait une espèce de blob sans cesse en expansion-réduction au cours de son histoire.

Pour l’heure, Berlin est devenue la capitale d’un Etat fédéral ; elle se caractérise essentiellement par un dynamisme culturel indéniable, un renouveau architectural et une spéculation immobilière effrénée.

Au moment où Blanchot rédige son texte, on ignore tout des thèmes qui agitent ne monde de 2022 : crise environnementale et climatique, montée en puissance des biotechniques et de l’intelligence artificielle, et j’en passe. Les problèmes sont tout autres : en Europe, pour les plus clairvoyants, l’heure est déjà au post-communisme, à ses conséquences vertigineuses, et ce dès avant mai 68. La France en pleine reconstruction ne jure que par la technique et le pouvoir gaullien fait régner une chape de plomb sur un pays terne et triste qui s’adonne aux joies de la consommation et dans lequel seule une élite intellectuelle brille de mille feux, hélas incapable malgré, et peut-être même à cause de son immense culture, de saisir les enjeux de ce qui, culturellement, sociologiquement et économiquement se trame aux USA. Les utopies libertaires californiennes sont encore en gestation en 1961 et personne de sérieux à l’époque - nos fameux intellectuels - ne prend réellement la mesure de l’ampleur culturelle et existentielle d’un phénomène aux aspects si divers qu’ils ne peuvent entrer dans aucune théorisation du réel disponible à cette époque, ce qui, au fond, est heureux, l’essentiel se faisant et se trouvant ailleurs : dans les arts, tout particulièrement dans la littérature et la musique, ainsi que dans les modes de vie inventés à l’époque. Je ne vois qu’Edgar Morin dans son Journal de Californie pour avoir ressenti l’ampleur du phénomène, mais c’était déjà bien tard, en 1969.

Au moment où Blanchot rédige Berlin, nous ne sommes que quelques années seulement après que « le Mur de la honte » a été érigé, à une époque donc où sa chute, absolument inenvisageable, ne servirait pas de sitôt de marqueur pour une époque finissante censée augurer sinon inaugurer la soi-disant fin de l’histoire, une formule hégélienne qui résume à elle seule toutes les illusions que cette vision simpliste des forces en présence entraîna après 1989 jusqu’aux profondes désillusions qui marquent notre époque présente qui voit de nouveaux dangers extra-européens composer avec de vieilles lubies nationalistes, elles bien européennes, mais pas seulement.

Je citerai encore cette phrase-clef de Blanchot qui inaugure chez lui une réflexion sur la nécessité de l’écriture fragmentaire et sur l’abstraction du monde, terme clef sur lequel j’aurai l’occasion de revenir plus loin :

Comme problème de la division, il faut dire que Berlin est un problème indivisible.

Quoi de plus concret qu’une ville a priori ? C’est dans cet a priori même que se loge une abstraction tenace et indélébile qui frappe tous les bâtiments et tous les monuments, des plus humbles aux plus majestueusement symboliques. La porte de Brandebourg n’est alors plus qu’une ligne de démarcation entre deux mondes hostiles et la statue de la Victoire guère plus qu’un monument dérisoire.

Une abstraction que j’ai fortement ressentie lors de mon séjour à Berlin en avril 1986 et que je retrouve curieusement sous la plume de Stéphane Pucheu, lorsqu’il écrit dans Magnus ou le cavalier paru en 2022 :

L’esprit de la sentinelle, l’esprit de recherche, l’observation, la mémoire… tout avance de concert dans ces formes géométriques apparemment monolithiques dont les divisions dessinent avec un exacte précision les axes, les avenues, les édifices, les façades, les places, les intersections… à nouveau les axes, les ensembles commerciaux, les unités régaliennes… ainsi que bien d’autres éléments urbains.

Qu’en est-il d’une ville divisée en deux ? Ses habitants se voient et se savent frappés d’abstraction.

Tout est politique en 1961 et quoi de plus abstrait que des volontés politiques hostiles prétendant modeler tous les aspects de la vie en société ?

Dans Berlin à l’unité éclatée se font face deux blocs idéologiques hostiles comme l’huile et l’eau.

Ici, il faut redonner encore une fois la parole à Blanchot :

Le « scandale » et l’importance du mur, c’est que, dans l’oppression concrète qu’il représente, il est lui-même essentiellement abstrait, et qu’ainsi il nous rappelle, à nous qui l’oublions constamment, que l’abstraction, ce n’est pas un simple mode fautif de penser ou une forme apparemment appauvrie de langage, mais que l’abstraction, c’est notre monde, celui où nous vivons et où nous pensons quotidiennement.

Berlin comme mise en abyme de la division est-ouest ne pouvait manquer de susciter des œuvres littéraires puissantes mais aussi, plus tard, un foisonnement culturel largement ignoré en France tout comme le furent en leur temps l’expressionisme, la Neue Sachlichkeit, les cabarets, le théâtre brechtien…

Mais revenons à la poésie, le fil conducteur de ce texte :

La poésie n’est pas une propriété indivise, pas plus qu’elle n’est exactement divisée comme put l’être une ville coupée en deux, un point de l’univers situé en territoire hostile, comme le fut Berlin-Ouest après l’édification du fameux Mur ce 13 août 1961, en ce sens que la division inhérente à la poésie est sans date ni origine mais se manifeste de tous temps, allant jusqu’à renvoyer, hélas, à des temps si reculés qu’ils ne peuvent être évoqués sans que l’on se complaise dans un exercice de fiction fort périlleux qui confine au mythe, à ceci près qu’il s’agirait alors, si nous nous lancions dans une telle « aventure » d’un mythe de mythe, un mythe nouveau et frelaté raccroché à ce que nous savons des mythes anciens gréco-romains, mais aussi, on l’oublie trop souvent, scandinaves.

Cette sorte de nouveauté rétroactive censée renouer avec un passé à jamais perdu ne serait, en somme, que pure fiction, du vent dans du vent comme peut l’être une baudruche gonflée à l’hélium et qui s’en va très haut éclater et se perdre dans l’air raréfié de la stratosphère.

La division inhérente à la poésie donne à vivre concrètement - dans la chair des mots qui prend naissance sous notre langue, chair évasive de notre chair concrète - la nécessité de son unité en même temps que sa radicale impossibilité, nécessité et impossibilité de l’unité qui sont bien, à mon sens, la matière et la matrice de toute poésie.

Si la poésie était une, si elle était unifiée sous une même bannière, elle cesserait aussitôt d’exister pour n’être plus qu’un instrument de propagande parmi d’autres, comme ce fut le cas en Union Soviétique sous Staline.

Vertige de la mort au sein de la vie, interruption d’être et séparation imminente mais retardée tant que le temps nous dure, procrastination de la mort au sein du vivant même qui prépare mentalement et physiquement les vivants que nous sommes à l’échéance de leur déchéance dans la disparition, enjoignant les plus optimistes d’entre nous à se reproduire de toute nécessité pour espérer durer dans une lignée, ce faisant, confirmant de génération en génération la négativité de la mort dans la vie et la négativité de toute vie placée devant le fait sans cesse accompli de la séparation des vivants, amer avant-goût de la séparation définitive que sera la mort de l’un des vivants à nous familiers abandonnés au « bon souvenir » des proches survivants que nous sommes appelés à être et qui n’auront pas pu retenir celui qui s’en est allé malgré lui, malgré nous.

La communication est en ce sens l’affirmation universellement humaine, par-delà toutes les convictions religieuses et autres mais aussi toutes les langues parlées en ce monde, de la séparation inhérente à la condition humaine.

Poésie en devenir et devenir de la poésie ne font qu’un, se meuvent dans le cercle infini que constitue, au sein de la plus stricte finitude, le langage, que l’on pourrait ainsi définir comme pouvant se vouloir être et se voulant pouvoir être l’advenue du langage, rien que du langage, hélas, la poésie étant toujours en avant d’elle-même au moment même où elle se réalise, soit l’abstraction par excellence.

La communication rend la poésie non seulement possible mais nécessaire aux yeux de qui veut affronter la mort en en jouant le jeu dans la vie même sans jamais tomber dans le travers de la folie du déni de cette dernière, déni toujours enclin à ériger les contre-feux dérisoires des religions.

Toute poésie est adresse et invocation, pauvreté et privilège (René Char), prière adressée à ce qui fait retour dans l’éloignement de la séparation et qui se retourne en présence verbale.

De toute nécessité, il faut qu’il y ait séparation pour qu’il y ait espoir de retour et retour de l’espoir, le langage exprimant ce retour du retour par les tours et détours de poèmes ouverts au recours de la séparation.

Seule la séparation rend possible le recours au retour qu’est la poésie comme acceptation de la mort dans la vie même.

En cela, la poésie est division inachevée, inachevable, étrangère à toute absoluité : pousser la division jusqu’à un absolu est l’impossible même, en raison du fait sans cesse réitéré qu’il n’y a poésie que si celle-ci, toujours en suspens entre être et néant, se renouvelle constamment en se divisant, le devenir-poésie de la parole plurielle engendrant une pluralité de langages poétiques qui dépassent et complexifient, en le ramifiant indéfiniment, le potentiel poétique de la parole qui n’existe que de s’actualiser dans ses éclats multiples. (Pierre Boulez)

Le donné ne se satisfait jamais de n’être que donné ; dans la pensée humaine, le donné table sur sa relance et sa régénération, le langage rendant manifeste ce fait tout simple que les hommes usant de langage font le jeu du donné en s’adonnant à sa manifestation toujours renouvelée.

Le langage donné - une langue singulière, maternelle ou non - comme manifestation verbale de tout ce qu’il y a à voir et à entendre, à percevoir et à ressentir, voilà le terreau fertile que la poésie se donne pour tâche de féconder !

Qui dit mieux ?

Le langage comme ferment et levain du donné qui ne lève que relevé - aufgehoben : conservé en même temps qu’aboli - par le langage, soit l’abstraction.

Œuvre abstraite n’existant concrètement que dans l’ouvrage des mots à l’œuvre, la poésie autotélique invente sa cause formelle, sa cause matérielle, sa cause finale et sa cause motrice.

Cette œuvre abstraite est une chose tangible sous la forme d’un recueil de poèmes, dans lequel chaque poème, chaque vers du poème, chaque mot du poème relié aux autres mots de chaque vers de chaque poème du recueil participent d’un monde qui n’existe que soutenu par une parole inspirée par la force motrice du souffle poétique, souffle qui voit la rencontre, chez le poète, du monde des choses et des mots du monde, le langage étant, non pas une chose parmi tant d’autres, mais cet instrument qui permet de les organiser, de les évaluer et de les rendre absentes à des fins de maîtrise du réel protéiforme, instrument qui, en poésie, et rien qu’en poésie, se retourne contre l’homme censé être son seigneur et maître, le poète étant cet homme singulier qui n’instrumentalise pas le langage à des fins économiques, commerciales, policières ou politiques mais donne la parole à la parole nue ouverte sur le monde.

Un monde qui fait irruption par la fenêtre de la poésie - l’œil de la maison en germanique ! - qui rend possible non pas sa saisie ni non plus sa pure et simple vision mais son advenue dans le langage qui ne sublime rien de ce monde mais en propose une interprétation sans cesse reprise, révisée, corrigée, affinée et ce jusqu’au bord du silence. Le non-dit des blancs et des interruptions espace ce Dire elliptique qu’est la poésie qui ne se réalise jamais mieux que dans l’élégance d’une économie verbale qui propose une épure du monde.

Ce qui nous amène à penser - et cela dérange fort ceux qui ont du mal à articuler leur parole en tel ou tel discours, faute de maîtrise technique, mais aussi et surtout parce qu’ils ne parviennent pas à soutenir l’abstraction la plus grande au sein du monde le plus concret, le plus vif, le plus aigu, le plus saillant, le plus vulnérant, le plus dangereux qui soit - que la pensée est plus complexe encore que le réel, ce qui peut certes décourager et même rendre sceptique l’honnête homme, celle-là donnant à celui-ci l’impression que la pensée dévoie son instrument qu’est le cerveau exclusivement exploité à des fins supranaturelles, scientifiques ou métaphysiques.

Qui ne voit qu’abstraction et concrétude interagissent sans cesse dans notre monde que nous vouons à l’abstraction pour mieux en percevoir la concrétude, savourant ceci, évitant cela ?

L’abstraction ne serait-elle pas en définitive le plus court chemin vers le concret ?

C’est ce que laisse entendre Blanchot dans son texte consacré à Berlin, lorsqu’il affirme, à propos de Uwe Johnson ayant écrit sur Berlin coupé en deux par le Mur, ceci de frappant :

Peut-être le lecteur et le critique pressés diront-ils que dans de tels ouvrages, le rapport au monde et à la responsabilité d’une décision politique quant à ce monde reste lointain et indirect. Indirect, oui. Mais, précisément, il faut se demander, si, pour rejoindre par la parole et surtout par l’écriture le « monde », l’indirect n’est pas le droit et même le plus court chemin.

Admettons au moins provisoirement ceci : le réel englobe tant la concrétude du monde que la pensée humaine qui s’y meut ou s’y endort, qui se charge, lorsqu’elle se fait recherche obstinée, d’en « révéler » les principes d’organisation élémentaires et fondamentaux.

Traductions de traductions dans l’immense espace desquelles la déperdition de sens qu’implique toute traduction fait rebondir éperdument ce même sens fragmenté-recomposé en le diffractant dans l’ailleurs d’une guise toute nouvelle en apparence seulement, celle-ci, et toutes les autres, n’étant que la traduction d’une traduction d’un texte fondateur qui n’existe pas.

Pas encore ?

Question que (se) pose la littérature qui, toujours à sa façon, pose le monde comme fini et achevé, toute littérature étant en quelque sorte postapocalyptique, car il faut bien arrêter le cours du monde pour pouvoir en parler, la métonymie étant le plus court chemin qu’emprunte en la matière la métaphore.

Qui dit métonymie dit fragments de réalité pris pour le tout et tout recomposé à partir de fragments épars.

Le dynamisme de l’auteur ne colle qu’à la dynamique d’un monde figé pour les besoins de la cause. L’auteur procède en quelque sorte à un arrêt sur des images agencées de telle sorte qu’elle nous donne à voir un déroulement, comme un film, ainsi que sa structure, et par contraste non pas exactement ce qu’il omet de montrer mais ce qui ne peut se dire, soit l’écart qui permet de disposer les images sélectionnées, le film agissant comme le révélateur et le négatif de ce qu’il désigne explicitement comme étant à voir, à entendre et à comprendre.

En ce sens, l’initial est indéfendable ; la parole divine unitaire, qu’elle existe ou non de toute Eternité - mais comment expliquer que l’éternel puisse intervenir dans le temps ? - ne peut être que paroles d’hommes qui prétendent sincèrement ou fallacieusement les avoir reçues d’un dieu.

L’omniscience divine, la vision panoramique et pluri-temporelle, l’en-même-temps de l’Eternité, appelons cela comme on veut, ne peuvent entrer en résonance avec un processus pluri-structurel tel que décrit plus haut.

La connotation religieuse d’une charge sémantique aussi écrasante qu’exaltante n’échappe à personne, dès lors que l’on parle de révélation. Une parole révélée par un dieu à des hommes, sacrée pour beaucoup, et même tabou, c’est-à-dire pouvant entraîner la mort de qui s’avise d’en contester la sacralité - une chose d’une brûlante actualité de nos jours ! - ne révèle rien qu’elle-même aux exégètes. Le surcroît de sens qui lui est accordée en vertu de sa prétendue sacralité de parole révélée ne s’acquiert et ne s’affirme que dans la parole toute humaine des théologiens.

Si la structure d’ensemble du réel échappe tant à un dieu qu’aux hommes qui en sont partie prenante - et qui se fourvoient souvent à plaisir sur les chemins balisés du dogmatisme religieux, espérant ainsi donner un sens à leur mort et s’autorisant accessoirement à donner la mort aux mécréants en toute bonne conscience - alors il ressort que toute littérature ne peut être que fragmentaire, ce qui pose problème car venant en droite ligne du romantisme allemand profondément religieux, ce que ne manquèrent pas de souligner en leur temps un Jean-Luc Nancy et un Philippe Lacoue-Labarthe.

Blanchot distingue au moins quatre types d’écriture fragmentaire :

1. Le fragment qui n’est que le moment dialectique d’un plus vaste ensemble.

 2. L’aphorisme comme horizon qui borne et n’ouvre pas, la forme aphoristique, obscurément violente, qui, à titre de fragment, est déjà complète

3. Le fragment lié à la mobilité de la recherche, à la pensée voyageuse qui s’accomplit par affirmations séparées et exigeant la séparation.

4. Et je cite là intégralement ce qui me paraît décisif :

Enfin une littérature de fragment qui se situe hors du tout, soit parce qu’elle suppose que le tout est déjà réalisé (toute littérature est une littérature de fins des temps), soit parce qu’à côté des formes de langage où se construit et se parle le tout, parole du savoir, du travail et du salut, elle prétend une tout autre parole libérant la pensée d’être seulement pensée en vue de l’unité autrement dit exigeant une discontinuité essentielle. En ce sens, toute littérature est le fragment, qu’elle soit brève ou infinie, à condition qu’elle désigne un espace de langage, où chaque moment aurait pour sens et pour fonction de rendre indéterminés tous les autres ou bien (c’est l’autre face) où est en jeu quelque affirmation irréductible à tout processus unificateur.

Mission autotélique qu’aucun dieu n’a programmée, sorte de Destin vide de contenu, simple contenant aux dimensions inconnues à remplir de tâches, Destin fils d’un labeur acharné accumulé par des centaines de générations, à l’image de l’univers abandonné à la dérive de son sort ni heureux ni malheureux, telle m’apparaît la littérature, et singulièrement la poésie.

Il y a communication entre les humains, c’est-à-dire retour du retour tel que défini plus haut, dialectique de la séparation et du revirement de celle-ci par le truchement du retour de la présence via la verbalisation qui avalise la séparation comme unique recours.

 

Jean-Michel Guyot

26 août 2022

 

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Commentaires :

  Histoire du cahier vert (nouvelle) par Patrick Cintas

En ce moment (c’est l’automne), les hirondelles sont sur les grues. Je devrais dire : sur les ailes des grues. Demain, les hirondelles ne seront plus (là), et les grues ne seront toujours pas des gruidés et leurs ailes redeviendront des flèches et le grutier entrera dans sa cabine et la toiture écosystémique du futur centre culturel de la Cartoucherie (le quartier de Toulouse où je vis) continuera de se couvrir car l’hiver approche et la Russie n’a toujours pas perdu le Nord ni la guerre. Au sein de l’Hôtel d’Assézat, palais des floralies locales et de leurs odeurs de sainteté, Jean-Pierre Siméon, « qui n’est pas d’ici », veille au grain, car il ne pleut toujours pas sur Toulouse alors qu’il a plu à Albi qui a donné son nom à l’Histoire, Toulouse n’ayant rien donné sous cette forme, sauf à se retrouver en homophonie dans le New Valois de William Faulkner, roman hemingwayen tout compte fait, avec le même sens pourtant, ce qui ne peut constituer une homonymie. Qui ne chie pas au moins une fois dans sa vie n’est plus de ce monde. Pitié pour lui ou elle.

Sur le pont des Catalans je considère la série des ponts jusqu’à l’île du Ramier qui ne vaut pas celle de la Cité du point de vue germanique, car j’ai l’œil dans ma longue vue et du bon bout, il y en a deux et je sais faire la différence entre un et un. Deux et deux font quatre. Vous connaissez la suite.

Non, ce n’est pas dans le jardin de Raymond VI que je me livre à ces intenses réflexions. Ni chez le Bistrologue. Je vois… (j’ai l’œil dans la longue-vue, ne l’oubliez pas en lisant) je vois la Poésie !

Ach ! Mystische Poesie

Initialement, j’ai cru comme beaucoup que la Poésie ça se récitait. Je mets récitait au lieu de récite parce que c’était il y a si longtemps que je ne me souviens pas de tout. Mais je me souviens très bien de cette seule vérité valable pour moi comme pour les autres à cette époque de bombe atomique cubaine que la Poésie c’est ce qui se récite et ce qui ne se récite pas n’est pas toujours aussi intelligent ni juste que ça voudrait en avoir l’air.

C’est plus tard que j’ai su ou cru savoir que la Poésie ne se récite pas forcément, ce qui voulait dire soit qu’il existait (même remarque que pour récitait) une autre Poésie, soit que l’une ou l’autre n’en était (idem) pas. Et c’est ainsi que je ne suis pas devenu poète, ni tout seul en me la caressant, ni avec les autres en prenant garde de ne pas me faire enculer : on sait quel prix Roland Barthes attachait aux joyaux de Tony Duvert.

Jusque-là, je n’ai pas vu ni indivis ni divis, sauf à me tromper de sens et à me retrouver ailleurs où il n’est plus question de Poésie mais de s’en sortir ou pas. Par contre, j’avais (imparfait toujours) bien compris que le prix Nobel allait et va encore aux métaphoristes d’obédience pindarique et non pas aux poètes véritables comme le fut, entre autres grands baiseurs face au collecteur de prépuces, Charles Bukowski. C’était, mais ce n’est plus hélas, un premier pas vers et non pas dans la Poésie, car on est prié de ne pas se lever dedans, malheur ou pas, c’est une question de principe.

Fort de ce principe, et sans interroger Jean-Pierre Siméon qui habite l’Ariège (ce qui n’a aucun sens), j’ai tenté, je dis bien tenté, d’écrire un vers qui ne ressemble pas au suivant mais lui va comme un gant et de doigt en doigt on écrit un premier poème avec à la fin un point aussi peu final que possible, à moins de croire en Dieu et d’assimiler le poème à la prière ainsi que le recueil au bréviaire. A frolic of his own (Gaddis).

Jusque-là, ça ne se divise pas, ni par zéro ni par un, ni par un de ces innombrables nombres qui n’en finissent pas de dériver sans jamais donner un sens aux cimetières ni aux champs de bataille, ni à la mer des Sargasse où nage le Pequod comme si l’existence n’avait pas de fin à force de tourner en rond qu’on est —excusez la tournure germanique de ma toute nouvelle phraséologie, j’ai dix ans à peine et je ne connais aucun luth constellé, même si je ne pèle pas aux tempes comme le Gide de Cravan, je grandis au Pays Basque où bleu le ciel est —quand pleut il ne.

Oui, oui, je me rappelle Berlin et après Cabaret on avait vu Théorème dans la même soirée et sur le même strapontin, ô Châtelet ! Que c’en était de la belle Poésie ça ! Pas Cabaret ni Théorème, mais la nuit en sortant de ce cinoche, à deux heures du matin et plus. Dix-huit ans et le Monde avait connu Woodstock et ses petits enfants de la bourgeoisie, ni révoltés ni brûlés par le soleil noir de la mélancolie : la Culture à la place de l’Art. Encore un prix Nobel. Ça commençait mal, cette fin de jeunesse ! Mais au bout de la rue de Rennes où s’accroupissent les rupins le boulevard croisait d’autres existences… Ah ! Il faut que je m’en souvienne et je m’en souvenais (jeu du présent et de l’imparfait, encore) —

Mais au bout de la rue de Rennes

où s’accroupissent les rupins

le boulevard croisait d’autres existences…

Les rupins, leurs mioches, futurs gardiens des maisons d’édition, des galeries d’art, des lieux de cultes, des boutiques branchées… faute d’avoir pu entrer à l’ESSEC, à Saint-Cyr ou chez Bocuse. Et comme l’un ne va pas sans l’autre (voir plus haut), les remontés du stade, de l’arène et des conservatoires du pignon sur rue. Dix ans et plus que j’avais commencé, et c’était pas le début !

La Poésie, ça n’existe pas, comme Dieu et le tralala. Mais qu’est-ce que ça attire comme parasites ! Que des mauvaises fréquentations ! Des instituteurs, futurs professeurs (tu parles, Charles* !), et des professeurs, des fois chercheurs, rarement trouveurs. Des bouloteurs de la fonction publique. Des m’as-tu-vu du service rendu avec ascenseur et parapluie. Des cracheurs de salive et des feux clignotants. Et de la Poésie en veux-tu en voilà. De la chanson au bon cœur à la dissertation au bon genre. Et ça prenait (voyez si ici le présent est de mise) de la place ! Si bien que la Poésie, qui était passée de la récitation à l’écriture en ce qui me concernait, possédait le terrain comme si je n’avais jamais risqué ma peau et mes vertèbres dans un match de rugby à XV ! Ailier droit que j’étais. Seul ! Seul ! Poussez-vous ! que ça hurlait les uns et les autres, en chansons et aphorismes, en slogans et en sentences, du genre « toute poésie qui la la la au point de rencontre du … et de la … est poésie par essence… » ou par existence, je ne me souviens pas de tout, c’est si loin, et le temps, vois-tu… Ach ! comme gueulait le Boche qui crevait dans une bonne page de BattlerBritton. Hache ! agonisait celui qui était destiné à jouer le frisé au sein de notre si poétique dramaturgie constructrice du récit déjà faussé par l’imagination.

Mais les Schleus étaient morts et enterrés quand on joua Cabaret et Théorème au cinoche du Châtelet. Et les alentours du Montparnasse se peuplaient des futurs propriétaires de l’édition et de l’art, de la culture même. Et si je ne voyais en effet toujours pas la Poésie se scinder comme noyau, toute parasitée mais entière, la culture ressemblait à un Berlin qui aurait pris une bombe à fragmentation (ne poussons pas le bouchon nucléaire, ça ferait, futur, trop convenu) de dimension cette fois universelle, avec autant de conneries que l’Humanité peut en concevoir quand elle se mêle de ce qui ne la regarde pas parce qu’elle y comprend que dalle.

Que peut comprendre de la Poésie un fauteur de chansons ? Que peut envisager de poursuivre, jusqu’aux étoiles (le luth) l’ergoteur qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ? Que donne celui ou celle (filles et fils) qui cherche le pouvoir et ne trouve pas autre chose pour satisfaire son goût de l’artifice, du coup dans le dos et de l’ivrognerie argentifère ? On est bien loin, Jehanne, du cahier soigneusement calligraphié et illustré, bien loin aussi de l’adolescence qui en riait, de ce cahier, sans le jeter au feu toutefois et même sans maîtresse au milieu. Nous n’eûmes pas de vacances cet été-là, à Paris, ni à Toulouse toujours jalouse de la chance qu’elle a, Albi (voir plus haut la remarque à ce sujet).

Voilà comment un simple cahier à couverture de plastique vert est devenu ce que peu considèrent comme de la poésie. Il a fallu traverser cette fausse pléiade comme Jean Bart montrant au roi comment il avait échappé aux Anglais, bousculant cette fois les personnages les mieux placés du point de vue de la Cour : « Comme ça, Sire ! » jouant des coudes parmi les perruques poudrées. Il n’y a pas d’autres poésies possibles dans ces conditions, même si ce n’est pas de la Poésie, si c’est autre chose, qui y ressemble toutefois, qui s’en approche, qui travaille, qui donne des coudes dans les côtelettes des éditeurs, galeristes, conseillers, ministres, et encore je passe les féminins pluriels sinon ça devient orgiaque, comme histoires à raconter aux petits enfants que c’est déjà des cons. Il n’y a pas d’autres vocations. Encore qu’il n’y ait rien de missionnaire dans cette sale histoire de vie à ne pas revivre sous peine cette fois d’y mettre fin non sans pratique exercée d’une forme de terrorisme qui ne dit pas son nom parce qu’il ne l’a pas trouvé, ô Poésie !

Tu parles si ça puait ! De la sueur, des aisselles d’enfants de la bourgeoisie, la grande et la petite, celle qui se croit mais qui peut, ya qu’à les voir se bousculer sur les planchers des salles polyvalentes de nos villages et sous les tringles plus commodes des théâtres des villes qui n’ont plus de théâtre que le nom, parce que les prénoms, tintin ! On n’appelle plus personne. On s’appelle. Ça Roland Barthes qui finit par criser parce que Tony préfère les cuculs et les biroulettes. En plein repas éditorial. Faut le faire. Et encore, j’y fais qu’allusion, pour rester neutre mais sans la fermer à jamais, la porte que j’ai sous le nez.

Certes, on ne peut pas empêcher un oiseau de chanter. Ni même de se cultiver et de partager sa culture avec plus con que lui, car comme disait Dali : « Lé plou con, c’est céloui qui paye. » Et que ça paye. Des Gainsbourg, des Baschung, des plagiaires qui réussissent encore mieux, du point de vue pécunier, que Molière et Camus réunis. De l’adolescence en vente libre. Avec ou sans dealers. Une fois que c’est parti, on n’arrête plus. Ou alors c’est qu’on est mort, mais on va citer personne pour ne pas blesser les familles qui devraient avoir honte mais qui préfèrent encaisser. N’est-ce pas que c’est la faute des familles ? Et elles s’étonnent qu’on les haïsse.

Bien sûr, comme à peu près tout le monde, le cahier vert, je l’ai perdu. Ah ! n’allez pas croire que j’ai fait exprès de le perdre, que c’est arrivé parce que je l’ai voulu et que je l’ai voulu parce que j’avais changé. Rien à voir. Ou alors il s’est envolé vers d’autres cieux et je n’en ai rien su. Je me souviens de Maurice Carême, de Robert Desnos, de Paul Fort, de Jacquou le Pré vert et de tonton Charlie et de son chat, du vieil et inévitable Hugo Nox. Rien sur le Desdichado, mais ça se récitait sans esquinter les papilles qui n’ont pas encore subi les assauts du goudron et de l’éthanol. Ça faisait poétique et on devait savoir pourquoi, sauf que maintenant on ne sait plus, ni même comment et encore moins avec qui. Il est bien gentil, Marcel, mais on a beau essayer, sur nous ça ne marche pas aussi bien que sur lui. Il devait s’y connaître mieux que nous, qu’on a que Modiano et Ernaux comme Proust, d’après Alfred et la planchette qui lui sert de jugement. Oui-Ja. Comme si on était né avec la Poésie à la place de l’anus et que la merde n’en était pas. Voyez là encore l’usage que je fais de l’imparfait alors que c’est maintenant que ça se passe. Le Montparnasse habité tout autour par des maisons d’éditions, des galeries d’art, des boutiques qui savent tout mieux que nous qu’on est des cons si on n’achète pas. Rennes, Raspail, Saint-Benoît, Germain le Saint, Michel la fontaine, ils sont tous là, dans les antres de la pierre, placements sans diplômes ébouriffants, mais avec ce qu’il faut pour que ça tienne debout et que la famille ou le parti croie, mais pas dur comme fer (n’exagérons rien), que ça pourrait marcher, que des Ernaux yen a des tas, qu’il suffit de tomber dessus, comme on fait avec les cyclistes des trottoirs en sortant de son chez-soi, que c’est papa qui crache et maman qui allonge et s’allonge, ou alors on fait ça tout seul, avec encore plus de saloperies sur la langue et dans les mains. Pédants et salauds à tous les étages et le gaz au cul des bons ouvriers.

C’est vrai que quand on pète on fait pas autre chose, sauf de se préparer à rire ou à faire comme si c’était pas soi, selon les circonstances. Du beau monde. Ça choisit selon doctrine mise en jeu par pur souci commercial. On est rarement convaincu chez ces gens-là. On se force, on s’oblige plutôt, parce qu’on a de la politesse et que la politesse, Roland Barthes a fini par laisser tomber et par chercher à se faire casser la gueule par son Tony, en pleine célébration du rite littéraire qu’à un doigt près c’était de la poésie et rien d’autre. Mais c’était du roman et Roland Barthes est rentré chez sa maman à lui tout seul en chialant comme un gosse sauf que les gosses ça n’a jamais mal au cul sans constipation ou délices du martinet, ô comtesse !

Et l’autre qui nous met de la métaphore à la place de la poésie. Lui qui n’en a jamais écrit. En tout cas jamais publié. Ça avait dû le titiller de temps en temps. Ça vous titille tout le monde, la Poésie. Mieux que l’intelligence. Qu’on éprouve soudain le besoin de la publier ou qu’on s’en foute finalement que ça n’ait pas convaincu la belle d’un soir ou d’une semaine. On ne baise pas aussi facilement chaque week-end. On passe de la poésie à la main sans interruption. Et on finit par jouir quoiqu’il arrive, à moins qu’il n’arrive vraiment rien et que c’est la faute à la poésie. On a alors le choix entre la prose de l’essayiste ou du romancier, voire du journaliste ou pire du conteur si on se sent taillé pour l’imposture et son « spectacle vivant. » Tout le monde sait ça. Qu’on soit puissant par filiation ou misérable par hasard. Qui ne tente rien n’a rien. Ou s’il a, il n’en profite pas comme on revient des champignons.

Pindare et ses enfants. « Je lui ai volé plus d’une métaphore, » avoue l’un en parlant de l’autre pour ne pas le nommer. Perdue la noble faculté de demeurer naïf et entier devant ce qu’il convient d’appeler la beauté, avec ou sans Sade d’ailleurs. Perdus ces mots qui venaient naturellement comme s’ils avaient pris racine dans le cœur et entrepris de traverser l’esprit pour l’éclairer et le donner à lire, avec ou sans luth. Perdus et il faut craindre, avec Alfred, qu’on ne s’y retrouvera sans doute jamais plus. Or, sans les mots qui vinrent d’abord, avec leurs objets et leurs ombres et reflets, nous ne parlons plus, nous jacassons, nous médisons, nous répétons ce que l’autre veut entendre, nous communiquons au lieu d’observer. Que de trajectoires égarées à cause du manque de goût et de culture de ceux qui possèdent et ne donnent pas !

Certes l’assassinat punitif, naguère envisagé comme action directe, n’est pas non plus très poétique, avouons-le, à regret. Ça manque de rimes. Une grande claque dans la gueule, dit le poète, ça sert à rien, mais ça soulage. On peut voir les choses comme ça, histoire de sauver sa peau en ces temps de collaboration. Encor faut-il s’y voir avant que d’y aller, écrit Boileau (si je ne me trompe pas). Naguère encore, ce détachement frise la frivolité, ce me semble. Est-elle seulement de mise à l’heure de se mettre à la table où personne, même par courtoisie, ne vous a invité à prendre la parole ? N’est pas hôte qui veut. On a alors tout loisir d’attendre.

Pourtant, cette perspective de saint-glin-glin s’est quelque peu raccourcie, comme en un tableau baroque, depuis que les moyens de communication sont entrés dans nos maisons. Mais, dit Valère Novarina, « plus on a de moyens de communication, et moins on communique. » Entendre par là que la Poésie ne passe pas par ces canaux creusés on ne sait trop comment dans la transparence de l’air qui nous entoure et qu’on a de plus en plus de mal à respirer sans risquer d’y laisser des plumes, voire la peau qui les laisse parfois pousser sur nos membres énervés. Quelle allure de poulet échappé de l’abattoir nous avons alors ! Et les héritiers se marrent. Ils voient les poulets plumés, donc sans plumes et non avec comme le laisse entendre cette épithète mal venue, errer sur leurs trottoirs et entre copains se caressent les joues et le menton, comme fait papa au Conseil et comme maman aime à l’imiter au dessert en se touillant la langue qu’elle a pas plus française que tout le monde, la salope. Mais est-on invité à ces repas familiaux d’un autre empire que le nôtre pour en témoigner ? Nous voilà condamnés à imaginer ces conversations, ces attouchements, ces parodies d’inceste, ces haleines sucrées comme des petits Jésus avant le massacre. Condamnés à ce roman on est. Et on s’y laisse aller. Tournant le dos à ce qui aurait pu être de la Poésie, revisitant ces personnages par les seuls moyens de l’hypothèse ou du fantasme selon le prix à payer.

Ach ! L’anche ti pissare ché zuis et l’anche ti pissare ché restérais. Gué za fousse blaise ou non ! Mein Backpfeifengesicht !

 


* …sauf que Ricardou et Jeury le furent… mais c’était des faux… J’en connais d’autres que c’est des faux, alors… comme quoi faut pas généraliser comme dans la Bible.


 

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