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 Article publié le 19 février 2023.

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La musique creuse le ciel.

Charles Baudelaire

 

Il n’y a de création que dans l’imprévisible devenu nécessité.

Pierre Boulez

 

La musique est tout ce que l’on écoute avec l’intention d’écouter de la musique.

Luciano Berio

 

I want to show you different émotions

I want to ride you through sounds and motions

Jimi Hendrix

*

Autrefois, une nécessité intérieure, telle que décrite par Vassily Kandinsky, faisait pendant et contrepoids à ce qui fut appelé la théorie de l’art pour l’art chère à Théophile Gautier.

L’art pour l’artet la nécessité intérieure me paraissent être encore de nos jours les deux arches d’un pont des Arts toujours en construction.

Work in progressajouta un certain James Joyce, en cela bien inspiré car rien d’acquis ni d’achevé ne se présente durablement à nous, l’achèvement étant toujours provisoire, le bâti servant pour ainsi dire de tremplin à des audaces architecturales nouvelles, à cette nuance près que la tyrannie du nouveau ne doit en aucun cas peser sur le devenir des Arts.

Des stases et des intertextualités complexes sont de loin préférable à une course à la nouveauté qui a tôt fait d’épuiser les meilleurs créateurs.

Je distinguerais volontiers les musiques qui tournent joyeusement en rond sans se soucier d’apporter du nouveau, telle la rock music qui n’est plus depuis longtemps que l’ombre d’elle-même et les musiques éruptives populaires ou savantes qui nous étonnent de jour en jour.

Les arts, et singulièrement la littérature et la musique, n’auront cessé de s’interroger sur leur place et leur devenir dans l’espèce d’économie générale que dessine en ce monde l’ensemble des activités humaines dont les acteurs tantôt se jalousent, tantôt se méprisent, coopèrent aussi parfois plus ou moins durablement.

L’incertitude quant à l’avenir, faut-il en avoir peur ?

Si les conditions de vie du grand nombre deviennent intolérables au point de laisser présager une vaste déflagration dévastatrice - il se trouvera toujours de gros malins pour tirer les marrons du feu… - je dirais que oui.

 Primum vivere ! ou comme le disait Brecht : Zuerst kommet das Fressen, dann die Moral ! La bouffe d’abord, la morale après !

C’est précisément cet élément d’impondérable incertitude qui accompagne musique et littérature dans ce qu’elles offrent de meilleur. Pour que l’avenir soit assuré d’un futur, sans préjuger des diverses tournures qu’il prendra par la force des choses, une organisation sociale juste et équitable est nécessaire. Vaste programme !

Notre incertitude quant à l’avenir se nourrit et s’informe d’un passé plus ou moins lointain qui nous échappe pour une part non négligeable, l’imagination, comme le souligne Georges Duby, étant l’indispensable béquille de l’historien qui travaille avec « des vestiges, les traces laissées par des hommes du passé ». Ainsi, le passé n’est jamais aussi mort que lorsque l’imagination de ceux qui viennent après coup ne travaille pas ce riche matériau éparpillé.

Non pour en faire des raisons nouvelles d’espérer on ne sait quelle parousie qui serait le signe de la fin des temps, l’art n’étant jamais aussi vivant que lorsqu’il spécule sur sa nécessaire mutation pour ne pas mourir d’ennui.

Il ne s’agit pas de recoller les morceaux épars du passé, en espérant ainsi construire sur des bases éternelles un édifice enfin achevé, comme si le passé entièrement reconstitué par l’imagination étayées par de solides informations factuelles était à même de forclore l’avenir indécidable.

La dialectique passé-avenir n’existe que de se dissoudre dans un présent mouvant.

Musica est ars bene movendi, disait Augustin il y a de cela fort longtemps.

La pensée et le mouvant, pour reprendre ce beau titre de Bergson qui disait « Percevoir, c’est se souvenir. », voilà un diptyque audacieux en diable : penser le mouvant, se mouvoir dans la pensée, voilà qui interdit toute synthèse lénifiante qui arrêterait le temps qui est notre lot à tous.et à toutes. 

Ce temps, qui, de tous temps et en tous lieux, fut le docile et ductile matériau de toutes les musiques du monde. Des sons qui font sens pour strier le silence qui aura toujours le dernier mot. Organiser des silences au sein d’une musique, c’est donner à respirer au sens qui ne se décide-dessine que d’avancer dans le temps rythmé.

Temps qui, plus que jamais, porte les émotions suaves ou paroxystiques qui se meuvent entre les humains, parfois les opposent autant qu’elles peuvent les rassemblent pour le meilleur dans des musiques et des poèmes qui portent à incandescence, et parfois dans la plus grande indécence, ces mouvantes émotions.

Musique et poésie, ensemble ou séparément, comble de l’être en devenir en perpétuelle action dans la combe de notre être qui pense le mouvant. 

 

Jean-Michel Guyot

10 février 2023

 

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