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Introduction à ma traduction d'Alfred Tennyson
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 Article publié le 14 septembre 2008.

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 Ce poème, dont le titre d’origine est "The Voyage of Maeldune", est l’oeuvre de l’un des poètes britanniques les plus célèbres de l’époque victorienne : Lord Alfred Tennyson (6 août 1809 - 6 octobre 1892). Celui-ci naquit à Somersby dans le Lincolnshire, en Angleterre, dans une famille assez modeste. Son père, en effet, était directeur d’un petit collège religieux ; suite à des ennuis familiaux, ce dernier devint alcoolique. Dès son plus jeune âge, Alfred Tennyson s’intéressa à la poésie. Il composa et publia, avec l’aide de ses deux frères aînés, son premier recueil de poèmes à l’âge de dix-sept ans. Son goût pour les Belles Lettres l’emmena jusqu’au Trinity College de la prestigieuse université de Cambridge, qu’il intégra en 1828 ; mais fut contraint de quitter dès 1831, avant l’obtention de son "Bachelor of Arts", en raison du décès prématuré de son père. Dès lors, il s’employa à la composition des poèmes qui le rendirent célèbre. Parmi ceux-ci, le plus connu est certainement "The Lady of Shalott" (La Dame de Shalott) inspiré des légendes arthuriennes, qui fut publié en 1833. Cependant, le poème qui le rendit populaire aux yeux de ses contemporains est : "The Princess" (La Princesse), paru en 1847. Mais ce n’est qu’en 1850 qu’Alfred Tennyson parvint au pinacle de sa gloire littéraire, lorsqu’il fut couronné en tant que "poet laureate" ( c’est-à-dire, poète lauréat : la plus haute distinction poétique en Grande-Bretagne), succédant ainsi au très célèbre William Wordsworth. Cette année-là, il épousa une amie d’enfance, Emily Sellwood, dont il eut deux fils. À cette époque, le poète n’était pas encore un lord ; c’est la Reine Victoria - grande admiratrice de son oeuvre - qui l’éleva à ce rang dès 1884. Il continua à écrire jusqu’à la fin de ses jours, et fut enterré à l’abbaye de Westminster - l’équivalent de notre "Panthéon" français.

Mais revenons à notre poème. Ce texte est extrait d’un recueil discret publié en 1880, Ballads, and other poems (Ballades, et autres poèmes), qui n’a jamais été traduit en français à ce jour. Quand j’ai découvert "The Voyage of Maeldune", j’en suis aussitôt tombé fou-amoureux. Ce poème, d’esprit fantastique, raconte le voyage étrange d’un guerrier celte à travers les mers d’Irlande, dans sa quête pour venger la mort de son père. Il est - d’après l’auteur - inspiré d’une véritable légende irlandaise. J’ai été frappé, tout d’abord, par ce titre mystérieux. Ce fut, ensuite, l’incantation des premiers vers qui m’envoûta complètement. Et j’ai embarqué, moi aussi, à bord de ce navire de guerre, dans cette odyssée fantastique en quête d’un idéal meurtrier - la vengeance - et m’arrêtant, à l’instar de ces guerriers celtes, dans des lieux de mystère, de volupté, et d’oubli... J’ai défié les écueils de "l’Île des Cris", j’ai résisté aux dangers de "l’Île des Fleurs", me suis enivré sur "l’Île des Fruits" - et enfin, comme dirait Nerval, "j’ai rêvé dans la grotte où nage la Sirène"... Aussi, j’ai voulu offrir à ce texte le don le plus intime qu’un poète puisse faire à un autre poète, l’hommage le plus précieux qu’Orphée puisse inspirer : le don de la traduction.

Cela n’a pas été facile. J’ai dû me heurter aux difficultés d’un texte très idiomatique, hermétique à certains endroits, où le vers et la rime jouent un rôle très fort. Il s’agit en effet d’une "ballade" anglaise, caractérisée par des stances de sept à dix lignes (d’où les nombreux renvois dans le poème, qui rétablissent l’équilibre), écrites en hexamètres. La forme, donc, est l’une des caractéristiques essentielles du poème anglais. Ce rythme de l’anglais a abouti à des soucis d’articulation dans ma traduction, le français - langue inaccentuée - ayant besoin d’être mieux"lié" que la langue de Shakespeare : aussi, je me suis senti libre d’adapter la ponctuation à l’usage français. Etant actuellement étudiant en "Master of Arts" de traduction à l’University of the West of England, en Angleterre, j’ai sollicité l’aide de ma directrice d’études - Mrs Kate Beeching - qui m’a éclairé sur les particularités techniques et idiomatiques de ce texte. Il est vrai que ce poème est écrit dans la langue anglaise du 19ème siècle, et j’ai donc été confronté à un dilemne : d’un côté, traduire ce poème dans un français d’époque ; de l’autre, l’adapter au français moderne ( le poème s’adressant à des lecteurs d’aujourd’hui). C’est là, d’après le célèbre traductologue français Antoine Berman, l’un des problèmes majeurs de la traduction littéraire. D’après lui, l’approche traditionnelle employée par les traducteurs est celle de "l’exotisation" : c’est-à-dire, le fait d’insister par des moyens quelconques sur l’aspect étrange(r) du texte. C’est précisément ce que j’ai fait dans ma traduction, en transformant légèrement l’orthographe française à certains endroits, en donnant plus de relief à certains mots qui m’ont semblé importants, et en me risquant à quelques archaïsmes dès que l’occasion s’en présentait. De la même façon, Berman dans son célèbre article soulève la question du rythme, qui, d’après lui, confère à un texte de littérature (et plus particulièrement à un poème) sa force et son mouvement. Moi, confronté à l’impossibilité - intrinsèque à toute traduction poétique - de rendre à la fois le sens, le rythme, et la rime, j’ai dès lors opté pour une version assez libre de ce poème en français.

Ma version, ainsi, n’est pas ou à peine versifiée, non-rimée ( à part de rares exceptions) ; mais, néanmoins, rythmée. Ce rythme, qui est la clef du mouvement narratif du poème, je l’ai rendu par une re- composition du poème dans un français élégant et poétique, et par des procédés stylistiques qui - à défaut de traduire la musique du poème original - rendent la voix du narrateur, sous la forme d’un discours légèrement parlé. Je suis resté fidèle à l’original autant que je l’ai pu - mais je revendique mon rôle de "poète-traducteur". La traduction poétique, pour moi, est une adaptation lettrée et érudite d’un original. Je voudrais donc dédier cette version française de "The Voyage of Maeldune" à ma muse, Mrs Kate Beeching, à qui je dois beaucoup.

Joachim Zemmour.

 

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