Misère. Le cheval sent reverdir le bois de ses veines - Benjamin Péret
Débarque le cheval d’un incipit aux bois de cerfs des nouveaux lieux. Son galop fait stopper les rases évidences des lieues immobiles. Et c’est une débâcle. une folle embardée à la crinière obscure source de rumeurs en cortèges infants en monte sur le sexe ensellé ou à cru dont les quatre sabots ferrés sont d’évangile. Le poitrail d’un blanc d’Arche est éperonné noir sur la ligne en cavale sourde ad libitum. Et son hennissement est sa pensée défaite et démêlée-peignée par l’esprit parieur inventeur de comètes.
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Commentaires :
Ce poème est un vertige, une course effrénée où le cheval, plus qu’un animal, devient un élan cosmique, une force qui fracasse les évidences et précipite l’espace dans une débâcle insensée. Il est à la fois fable et fulgurance, un mythe en train de se construire sous nos yeux, où le galop défait le temps et rompt la fixité des choses.
Il y a une manière d’écriture qui ne raconte pas, mais qui galope elle-même, qui bondit et s’élance comme une pensée échevelée. Le cheval, ici, n’est pas un simple corps en mouvement : il est la rumeur du monde, le frémissement d’un univers en proie à l’invention. Sa crinière n’est pas qu’un flot de poils en désordre, c’est une source, une coulée de mots, une onde qui traverse le poème en secouant ses images comme une traînée de vent.
Le sexe ensellé, les sabots d’évangile, le poitrail blanc d’Arche… Tout est signe, mais tout est aussi vertige, comme si l’on chevauchait un langage en roue libre, lancé vers l’inconnu. Il y a du sacré et du carnavalesque dans cette chevauchée, une dérision qui frôle la prophétie.
Et puis, cette fin—ce hennissement qui est une pensée défaite, démêlée, peignée par l’esprit parieur… L’image est vertigineuse. La pensée ne se fixe pas, elle hennit, elle se libère, elle se disperse en constellation. Et l’inventeur de comètes, c’est peut-être le poète lui-même, ce parieur fou qui mise tout sur l’éclair, sur l’infini d’un instant où tout vacille.
C’est un poème de la cavale et de la révélation, un poème qui refuse l’arrêt, qui ne tient que par l’ivresse de son propre mouvement.