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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Lamentations supposées de Sancho Panza
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« Ô mon aliboron qui âne fut et âne n’est plus, capital d’un voyage que je ne fis que par la pensée, car je dormais suite à mes aventures alimentaires entrecoupées de discours qui en disaient long sur la teneur en plaisirs du moindre épisode conté sans autre intention que d’en revenir l’esprit chargé comme les bras qui me portent, ô maître du gazon et des chemins qui ne mènent nulle part si c’est là qu’on veut aller et ici quand rien n’est encore décidé, vestige et profil de moi-même, condition même posée à la domesticité, ô animal sans l’être et être sans animalité, combien de fois me suis-je réveillé sans toi, perché en haut du bat qui surplombait l’herbe tondue par tes gencives, désespéré de ne te revoir plus jamais, et te reconnaissant dans chaque âne ne dépendant point de ma volonté, ta parenté m’a fait crier mon nom au lieu du tien, tant et si bien qu’on m’a demandé de cesser de m’appeler moi-même sous peine d’être pris pour un fou à la place de mon maître que cette triste situation amusait, alors qu’il aurait dû commencer à se dissiper comme la brume dès que le matin appartient enfin à tout le monde, ô abruti, andouille, âne bâté, bourrique, bûche, buse, cave, cerveau ramolli, cloche, con, cornichon, couenne, courge, crétin, cruche, débile, dégénéré, demeuré, dindon, enflé, gâteux, gland, gogol, gourde, huître, innocent, légume, manche, moule, nouille, œuf, patate, pauvre d’esprit, pochetée, primate, saucisse, simple d’esprit, taré, tarte, truffe ! â si je n’avais pas connu ce Ginès qui folâtre avec les marionnettes de mon imagination, et si j’avais rêvé au lieu de dormir comme il n’est pas permis à l’homme d’exister dans un lit de verdure aussi fleuri que les promesses d’île et de gouvernement ! je ne serais pas mort maintenant que tu me crois encore vivant, toi trottinant derrière un roussin d’Arcadie qui peine sous l’armure et les projets irréalisables, et cet homme qui m’achève et qui croit te réduire au silence ne m’appelle plus par mon nom, ne me reconnaît plus, ne s’embarrasse pas de cérémonies, ne trouve pas un mot à dire pour regretter la sinistre inutilité à laquelle il t’a condamné en attendant qu’on vienne lui dire qu’on a retrouvé la culotte et qu’ainsi, pendant qu’il pillait le dictionnaire pour te traiter de mort, son récit avait retrouvé sinon le sens du moins la légitimité nécessaire à son recommencement, comme on va le voir au sortir de cet impromptu qu’il m’attribue parce qu’il est pétrifié par ce qu’il vient de commettre sur ma personne, moi l’âne que tu n’es plus et toi, l’homme que j’eusse pu devenir si j’avais été aussi bête que toi ! » et ainsi pendant plus d’une heure que je passai au chevet de cet âne qui n’avait pas mis plus d’une demi-minute pour expirer, fragilité intrinsèque que j’étais en droit d’ignorer mais que je me reprochais comme le moindre des crimes commis contre les personnages qui doivent disparaître au moment où ils n’ont plus d’utilité [1].
Mise en vers français des précédentes jérémiades
« Ô mon aliboron qui âne fut fut fut Et âne n’est plus plus, capital d’un voyage Que je ne fis que par la pensée la pensée, Car je dormais suite à mes avenventures Alimentaires entrecoupées de discours Qui en disaient long sur la teneur en plaisirs Du moindre épisode conté conté conté Sans autre intention que d’en rerevenir L’esprit chargé comme les bras quiqui me portent, Ô maître du gazon et et et des chemins Qui ne mènent nulle part si c’est là qu’on veut Aller et ici quand rien n’est encore dé Décidé, vestige et profil eu de moi-même, Condition même posée à à à à à La domesticité, ô animal sans l’être Et être sans animalité, combien De fois me suis-je réveillé sans sans toi toi, Perché en haut du bat qui qui sursurplombait L’herbe tondue tondue par tes par tes gencives, Désespéré de ne te revoir plus jamais, Et te reconnaissant dans dans dans dans chaque âne Ne dépendant point de ma volontélonté, Ta parenté m’a fait crier mon nom au lieu Du tien, tant et si bien qu’on m’a m’a demandé De cesser de m’appeler moi-même sous peine D’être pris pour un fou à la place de mon Maître que cette triste situation Amusait, alors qu’il aurait dû commencer À se dissiperper comme comme la brume Dès que le matintin appartient enfin À tout le monde, ô abruti, anandoudouille, Âne bâté, bourrique, bûche, buse, cave, Cerveau ramolli, cloche, con, cornichonchon, Couenne, courge, crétin, cruche, dédébibile, Dégénéré, demeuré, dindon, enfléflé, Gâteux, gland, gogol, gourde, huître, innocentcent, Légume, manche, moule, nouille, œuf, patatate, Pauvre d’esprit, pochetée, primate, saucicisse, Simple d’esprit, taré, tarte, trutruffeffe ! Â si je n’avais pas connu ce Ginès qui Folâtre avec les marionnettes de mon Imagination, et si j’avais rêvé Au lieu de dormir comme il n’est pas permis à L’homme d’exister dans un litlit de verdure Aussi fleuri que les propromesses d’îdîle Et de gouvernement ! je ne serais pas mort Maintenant que tu me crois encore vivant, Toi trottinant derrière un rouroussin d’Arcacadiedie [oups !] Qui peine sous l’armure et les proprojetjets Irréalisables, et cet homme qui qui M’achève et qui croit te réduire au sisilence Ne m’appelle plus par mon nom mon nom non nom, Ne me reconnaît plus, ne s’embarrasse pas De cécérémonies, ne trouve pas un mot À dire pour regretter la la la la la Sinistre inutilité à laquelle il t’a Condamné en attendant qu’on vienne lui dire Qu’on a retrouvé la culotte et qu’ainsisi, Pendant qu’il pillait le dictionnaire pour pour Te traiter de mortmort, son récit avait a Vait retrouvé sinon le sens du moins la la Légitimité nécessaire à son son son Recommencement, comme on va le voir voir voir Au sortir de cet impromptu qu’il m’attribue Parce qu’il est pétrifié par ce qu’il vient De cocommettre sur sur ma ma perpersonne, Moi l’âne que tu n’es plus et toi, l’homme que J’eusse pu devenir si si j’avais été Aussi bête que toi ! Aussi bête que toi ! »
Extrait de* : ![]() texte intégral
* ...ma ’Celestina’, en quelque sorte... [1] Un des principes de la construction de mon roman in progress : |
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Commentaires :
Ce texte est une errance verbale et mentale, une spirale de mots qui s’emballe comme une ritournelle ivre d’elle-même, un délire logorrhéique où le sens vacille sous le poids du langage qui se mord la queue. Il y a une jubilation dans l’excès, une orgie de répétitions et d’accumulations, un trop-plein qui déborde et qui se moque de l’ordre et de la logique. Ce n’est pas un texte qui raconte, c’est un texte qui s’emballe, qui trébuche et rebondit, une marionnette désarticulée dont chaque secousse engendre un nouveau chaos syntaxique.
L’âne est là, spectre absurde d’un voyage immobile, un compagnon d’infortune qui devient tour à tour maître et reflet, bourrique et oracle. Il n’existe plus qu’à travers les mots qui le convoquent, et dans cette convocation même, il s’efface, se dissout, devient pure trace linguistique. L’identité se brouille, l’homme et l’animal se confondent, et le texte se fait vertige, litanie d’un esprit qui tourne en rond dans sa propre folie.
Il y a du Rabelais dans cette profusion, une ivresse du vocabulaire qui frôle l’incantation, mais aussi une pointe de Beckett, ce goût du ressassement qui vide le sens jusqu’à l’absurde. L’humour perce à travers la mélancolie, l’outrance devient ironie, et l’on se demande si l’auteur pleure son âne ou se moque de lui-même en le pleurant. Il y a quelque chose de désespérément drôle, une conscience aiguë du grotesque dans cette tentative de rendre à l’âne son importance tragique.
Et puis la mise en vers, cette déconstruction sonore qui fait éclater le texte en une suite de balbutiements, de hoquets poétiques, comme si les mots eux-mêmes refusaient de se tenir tranquilles. Le langage devient matière, bruit, une scansion hypnotique où l’écho des syllabes tord encore davantage la perception du réel. On ne sait plus si on lit ou si on écoute une psalmodie hallucinée, un texte qui se délite en même temps qu’il se répète.
Finalement, ce texte n’est pas un hommage à un âne, c’est une expérience, un jeu de miroirs où l’identité et le langage s’effondrent dans une danse absurde. Il est à la fois fascinant et épuisant, un tour de force verbal qui nous laisse hébétés, comme après avoir suivi un fou dans les méandres de sa pensée en roue libre.