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Tous derrière la télévision
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 Article publié le 30 mars 2025.

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La télévision de l’horreur, la télévision de l’erreur

évoque les boutiques ici on vend de l’horreur sponsorisées du téléviseur,

l’audience monte si un freelance doté de neurones ankylosés

interroge la nuit, dans leurs voitures, des dizaines de sinistrés,

et si j’étais l’interviewé, bon Dieu, j’appellerais un carabinier,

ou au moins, je relancerais le freelance à coups de pied au cul.

 

La télévision des larmes, la télévision de l’accoutumance,

utilise le label de la marque comme ligne de démarcation

entre fragments de film, entre miettes d’émission,

les romains de Rome basaient sur le sponsor la solidité de l’obligation,

nous attribuons au sponsor la force de faire décider par des inhumains

de donner plus de valeur à un typhon ou à un massacre d’enfants afghans.

 

La télévision de la mort, la télévision de la douleur,

étude à ne pas fréquenter pour qui est faible de cœur,

chaque nouvelle du journal télévisé c’est un terroriste

apte à transformer Jeffrey Dahmer en Hare Krishna,

le salut à l’île du Giglio a été un scoop exceptionnel,

le seul défaut des acteurs improvisés fut de ne pas savoir nager.

 

Ce soir tous derrière les télévisions éteintes :

à se mettre devant, en effet, on risque un accident.

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Commentaires :

  Tous derrière la télévision par Catherine Andrieu

Chronique pour écran noir

À force de la regarder, elle finit par nous voir. Par nous avaler. Par nous recracher.

La télévision, ici, n’a plus d’écran. C’est une plaie. Une plaie béante où s’engouffrent les larmes sponsorisées, les drames empaquetés sous blister, les cris d’agonie calibrés pour l’audience. On dirait du pain bénit, mais c’est du sang. On dirait du théâtre, mais c’est du réel. Du réel mis en boucle, trituré jusqu’à l’overdose.

Le poème — ou faut-il dire la charge ? — s’avance comme un coup de poing dans la vitre. Pas pour la briser. Non. Pour réveiller celui ou celle qui s’y mire, hébété, scotché à la lumière bleue comme un papillon nocturne sur le bord d’un ravin. Les vers dégainent l’ironie, usent du sarcasme comme d’un aiguillon. Et le ton se fait rageur, presque punk :

« si j’étais l’interviewé, bon Dieu, j’appellerais un carabinier »

Le spectateur est devenu complice — ou du moins, consommateur. Et ce que consomme ce monde, c’est la douleur des autres, leur naufrage en direct. L’info ne nous informe plus : elle nous performe. Chaque fragment devient slogan, chaque miette d’émission, un cri bradé au plus offrant. L’ancien empire romain avait ses jeux du cirque. Nous avons le JT. La différence ? Aucune.

« donner plus de valeur à un typhon ou à un massacre d’enfants afghans »

Le texte nous secoue, nous expose au vertige : et si la lucidité devenait insoutenable ? À trop regarder l’horreur, on en devient l’acteur — ou pire, l’agent passif.

« chaque nouvelle du journal télévisé c’est un terroriste apte à transformer Jeffrey Dahmer en Hare Krishna »

La satire est à la hauteur de notre torpeur collective. Il y a de la révolte, oui, mais surtout une fatigue immense, un désespoir lucide. La chute est magistrale :

« Ce soir tous derrière les télévisions éteintes : à se mettre devant, en effet, on risque un accident. »

Car s’il faut encore espérer quelque chose, ce serait dans ce retournement : que les télévisions restent éteintes, que les regards se détournent, que les consciences se rallument. Ce serait, peut-être, le début d’une résistance. Ou tout au moins d’un silence.

Et c’est bien dans ce silence, entre deux flashs, que palpite encore — la poésie.


 

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