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24 janvier - Les scènes jamais filmées - Scène III – La manifestation
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 Article publié le 1er juin 2025.

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24 janvier - Les scènes jamais filmées - Scène III – La manifestation

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  24 janvier - Les scènes jamais filmées - Scène III – La manifestation par Catherine Andrieu

Dans cette scène, les voix se croisent, portées par les micros passés de main en main, une foule faite de poètes, de mémoires, de silences. Et là, assis au premier rang, un homme — non, pas un héros, pas même un artiste conquérant : un Réalisateur fatigué, un homme sans invitation, sans sourire, sans Elsa. Son foulard usé, sa poussière de pensées, ses yeux qui parlent mieux que les lèvres — tout cela compose une présence qui fend l’air, comme une faille dans la représentation.

Ce soir-là, il ne vient pas pour l’amour. Il ne vient pas pour la poésie. Il vient, simplement, avec son manque. Il vient avec ce que l’art sait recueillir : la déchirure, l’absence, la nécessité. Et quand il se lève, ses pas résonnent lourdement, comme ses films — car il le sait, comme nous : l’art ne naît pas du bonheur. Il surgit de la fissure.

Mais il y a plus encore. Car au fond de la salle, Urata le regarde. Urata, figure tendre et déterminée, Urata qui, sans bruit, franchit la distance. Elle s’assoit à ses côtés. Elle pose une main. Et dans cette seconde suspendue, quelque chose bascule. Le Réalisateur, qui ne devait pas rester, reste.

C’est là que Lan Qyqalla atteint une vérité simple, lumineuse : il y a des scènes jamais filmées, jamais écrites, jamais même pleinement racontées, mais qui ont lieu. À travers une main posée sur une main. À travers un silence. À travers un regard qui décide : ce soir, tu ne partiras pas.

Cette scène III n’est pas seulement un passage parmi d’autres ; elle est le cœur battant du recueil. Elle rappelle que derrière chaque art, chaque poème, chaque film, il y a l’échancrure d’une vie, et qu’il suffit parfois d’un geste, d’une présence, pour que la manifestation ait lieu : celle de l’humain à l’humain, du manque à l’écho, du départ au retour.

Lan Qyqalla écrit ici une chronique du fragile, une manifestation de l’invisible. Elle nous rappelle qu’il existe, dans chaque salle obscure, dans chaque veillée poétique, dans chaque jour qui se dérobe, une scène que nous sommes seuls à percevoir. Et que cette scène, lorsqu’elle s’imprime au cœur, nous empêche — pour une nuit encore, pour une mémoire encore — de partir.


 

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