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Sur l'impérialisme de l'écrit
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 Article publié le 25 novembre 2010.

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Toute fiction digne de ce nom, c’est-à-dire ambitieuse, est forcément impériale.

 

Si l’on part du postulat qu’il existe deux sortes d’artistes majeurs, à savoir ceux qui trouvent d’emblée un style et un système, ceux qui acquièrent un style polymorphe par le biais d’une évolution constante, l’acquisition ou l’obtention de son propre style est le résultat d’un travail, d’un cheminement qui prend plus ou moins de temps selon le degré de talent et d’abnégation.

A la source, de multiples chocs – qu’ils soient sentimentaux ou autres – facilitent l’expression, favorisent le langage. La maîtrise de la langue, qui ne cesse de s’améliorer au cours de sa vie, c’est-à-dire de ses lectures, de ses interactions, de sa création, arrive progressivement à un degré d’autonomie signifiant la formation d’un monde spécifique, résumé par le style.

L’esprit ouvert se nourrit de toutes les sciences, de tous les domaines. La fiction, comme naturellement, procède à leur absorption linguistique : influence, digestion, dépassement.

Ce monde fictionnel devient un empire.

Qui dit innovation dit maîtrise particulière de la langue et conquête ou annexion d’espaces, de territoires nouveaux encore inexplorés par la littérature. La personnalité de l’écrivain, toujours ouverte, ne cesse de se fortifier.

Cet empire a donc ses propres fortifications puisqu’il lutte en permanence contre les éventuelles invasions – les effets de mode par exemple – potentiellement nuisibles à son expansion, à son équilibre interne toujours en consolidation.

Qu’il s’agisse de la rénovation d’un genre, du bannissement de la psychologie traditionnelle, de l’abolition de certaines frontières entre les genres – évoquant un certain syncrétisme – en d’autres termes d’une littérature nouvelle ou à venir, c’est l’esprit impérial qui œuvre, conscient non pas du sens de ses futurs écrits mais de la tâche à accomplir afin de parvenir au meilleur équilibre, au meilleur résultat. Cet impérialisme est une force, une conviction qui va chercher très loin les éléments nécessaires à l’élaboration d’un texte ou d’une structure et qui, en définitive, considère que tout n’est que pré-texte. L’imagination est elle-même impériale puisqu’elle est capable de tout.

Ce monde en soi, cet empire ne s’agrandit, ne se modifie que s’il parvient à céder certains territoires, devenus exsangues, au profit d’autres, prometteurs. Céder, annexer, céder, annexer… tel est le rythme, le battement de cet impérialisme qui possède un seul et unique moteur : la liberté.

On saisit la différence avec l’impérialisme militaire qui forcément, tôt ou tard, montre ses limites. Les conquêtes napoléoniennes ou du roi Soleil, pour ne citer qu’elles, en sont de brillantes illustrations. On saisit la différence et, conjointement, la source est la même puisqu’il s’agit de conquérir. Seulement en littérature, le primat est accordé à la notion de péremption : en effet, dès qu’un texte est achevé, il est déjà dépassé et ne peut être utile qu’à l’élaboration du prochain. Cette mécanique va de pair avec le renforcement de la confiance en soi. Simultanément érigée, cette confiance donne une vision claire du champ littéraire : de vastes déserts ou d’immenses contrées inhabitées sont à investir.

Qu’y a-t-il à la source de l’écrit ?

Le désir de liberté.

Quelles balises bordent les autoroutes de l’écrit ?

Celles de la liberté.

La destination finale de toute œuvre ?

La liberté…

Ce travail impérial s’apparente à un placide rouleau compresseur, une machine invisible qui œuvre sans cesse pour son renouveau, pour éviter toute statique. Le renoncement l’emporte sur l’accumulation… pour exprimer un sens différent, ultérieurement.

Finalement, la création d’un style évoque celui d’un empire qui sait habilement demeurer ouvert afin de conserver sa force, sa capacité d’amélioration ou d’innovation.

En littérature – et dans tous les domaines de l’art, d’ailleurs – il y a toujours de nouveaux espaces à conquérir.

 

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