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 Article publié le 6 avril 2005.

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Épitaphes

Notre monde est plein d’épitaphes
Et je le cours pour m’émouvoir
Les capitaines les matafs
D’eau douce de bateau-lavoir
Ne sont pas près de me revoir

Nous sommes vos fils vos entrailles
Fauchés dans les coquelicots
Dans les blés gourds sur la muraille
Nous chantions sous des calicots

Ci-gisent sous la brume grise
Trente-six balles dans la peau
Des anges la bouche en cerise
Ils n’ont ni fusils ni drapeaux

Ci-gisent sous trois pieds d’argile
Des bonnes des petites gens
Sans une phrase d’évangile
Sans un mot d’or un mot d’argent

Ci-gisent -le nombre est de taille-
Mille pelés mille poilus
Et trois cents chevaux de bataille
Sous l’herbe noire des talus

Ci-gît une armée en déroute
Sans voix sans vivres sans barda
Sur le grand pré les moutons broutent
La barbe dure des soldats

Dormez en paix sous les victoires
Sous les défaites combattants
Dans nos tristes livres d’Histoire
Vous et moi perdons notre temps

C’est là que gisent les Quarante
A quatre pas du pont des Arts
Nous chantres n’avons point de rentes
Pour reverdir notre bazar

On me troue comme une écumoire
On me crève comme un canon
Au front du temple de Mémoire
Je ne veux pas rougir mon nom

Je m’éveille entre quatre planches
On vous a mis ablativo
Tous en un tas dans ma nuit blanche
O mes aminches mes gavots

Nous étions las de l’existence
Nous sommes là main dans la main
Plus rien n’avait de l’importance
Nous avions fait notre chemin

Comme on dit sur la Canebière
Il était bon comme le pain
Hier au comptoir humant sa bière
Et là dans son frac de sapin

Ci-gît dans sa boîte à malice
Ravi à l’affection des siens
A trente lieues de sa complice
Un thaumaturge un magicien

Qui gît sous cette molle terre
Devinez Un homme qui fut
Mauvais coucheur bon locataire
Sa grosse caisse sent le fût

C’est là sous les flots en goguettes
Que gît l’Invincible Armada
Ma fée tire de sa baguette
Des tempêtes de résédas

Dans ces ruines de porcelaine
Dorment mes pauvres éléphants
Un vent gris et léger halène
Il pleure comme l’olifant

Je suis sous deux empans de sable
On a écrit sur mon parpaing
Ci-gît un être impérissable
Il égrenait du Richepin

"Voilà ma vie, ô camarade !
Elle ne vaut pas un radis
Ça commence par une aubade
Ça finit en De Profundis !"

Je gis et vous entre deux âges
Que ferez-vous de vos vieux os
Quand vous n’en n’aurez plus l’usage
De la poudre pour les oiseaux

J’erre dans mes contrées en cendres
Mes mies ne s’y promènent point
Sur leur ciel bas de palissandre
Mes morts parfois tapent des poings

Notre monde est plein d’épitaphes
Et je le cours pour m’émouvoir
Les capitaines les matafs
D’eau douce de bateau-lavoir
Ne sont pas près de me revoir

1999

 

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