- « Ballades » à travers sites, lieux et mémoire
Tout en pérégrinant dans les villes et les campagnes, les sens en alerte accrochent parfois, sans le vouloir, une image, un son, un mot, un paysage subitement plus beau, plus intense que tous les autres. Et alors naît chez le poète cette envie irrépressible de fixer l’instant, de le momifier dans quelques vers sans en extraire l’âme et l’essence. Plus encore, de l’envelopper de sens et de valeur humaine pour lui donner vie éternelle. Un regard à droite dans l’immensité désertique du Sahara, un palmier solitaire se détachant dans le ciel de Gourara, c’est « Le palmier de Gourara ». Lorsque je lève les yeux au-dessus de mon village, trois petites collines savamment disposées dessinent une silhouette, c’est « La femme endormie », elle me conte chaque nuit un pan de mon histoire engloutie, nihilée. Une rencontre fortuite et fugace avec un vieux couple montagnard de Tunisie et c’est « La force de l’âge ». Les villes aussi ne sont pas exemptes de poésie pour qui sait regarder à travers la géométrie. Une petite gargote, place du Barail, contient toute son âme dans son enseigne : « Au tout va bien ». Un chat des rues m’a montré un jour une devanture derrière l’hôpital : « Au nom de la rose » ; plus qu’une enseigne, un sacerdoce dédié aux fleurs et aux animaux. La poésie, finalement, ne s’invente pas ; elle est déjà présente dans la vie des gens, des choses, dans l’air du temps.