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Article publié le 14 septembre 2005. oOo traduit en français par Patrick CINTAS Apenas después del amanecer, oí el característico ruido del carrito de los ropavejeros. Siempre tiran la basura que les sobra encima de la vereda, justo donde se curva el paredón que rodea mi casa para hacer lugar a la entrada del portón de la cochera, es así que en ese escondido recodo se mezcla todo tipo de desechos de vaya a saber qué casas del barrio o de otros pueblos vecinos. Resultaría utópico pretender que el barrendero se ocupe de recoger la más mínima porquería, usualmente, al finalizar el día, la vereda se convierte en un basural privado. ¡Esto ya es demasiado !, después de escuchar unas noticias por radio que desalientan al más crédulo ciudadano argentino ¡tener que ver y oír tanta pavada ! Cierro con bronca la ventana al tiempo que les escucho chillarme : Domingo 12 de agosto, 2001 ; Argentina (Conurbano Bonaerense).
Peu après le lever du soleil, j’entendis le bruit caractéristique du chariot des fripiers. Ils jettent toujours ce qui ne leur sert pas sur le trottoir, juste à l’endroit où le gros mur de ma maison s’incurve pour laisser place à la porte du garage, dans ce coude caché se mélangent toutes sortes de détritus venant d’on ne sait quelles maisons du quartier et d’autres des villages voisins. Il serait utopique de prétendre que le balayeur se charge d’emporter la moindre cochonnerie, et d’habitude, à la fin du jour, le trottoir se transforme en un dépotoir privé. Je courus en colère vers le portail, entrouvrit une fenêtre, prête à me disputer, et je les vis. Je ne sais pas qui de l’homme ou du chariot était le plus vieux ; et là dedans, trois gosses s’amusaient, trois têtes noires qui se ressemblaient, les plus petits ayant environ cinq ou six ans assis à l’intérieur, et sur le siège un autre de onze ou douze ans. J’entendis qu’ils appelaient celui-ci papa ; les plus petits appelaient papa celui qui était sans doute leur aîné, au moins de ceux qui étaient là, et ils étaient si occupés qu’ils ne se rendirent pas compte que j’avais entrouvert la fenêtre et que je les voyais répandant le contenu du chariot sur le seuil ! Ils avaient l’air de s’amuser d’une chose contenue dans un sac poubelle. - Nacho, quitte-moi le coude de l’estomac... que je peux pas me bouger ! Le demandeur, qui paraissait avoir cinq ans, s’adressait au père. - Ça va, Noiraud, mais d’abord laisse-moi voir si tout est bon. Ces fous ! Je sais pas si c’est une domestique ou sa patronne qui jette tout ça, mais ça tombe à point. Regarde, Noiraud ! regarde comme ça brille ! Maintenant, en plus de les regarder, je commençais à m’intéresser à ce qu’ils disaient. - Papa, laisse-moi chercher quelque chose pour moi. Tu prends toujours le meilleur. Celui qui fait maintenant le cajoleur doit avoir six ans et dans ses yeux imprévisiblement célestes, il y a des étincelles de curiosité et de désir. - Mais non, Manuel, Manolito, tu sais que jamais je vous cache rien. Pas vrai ? Nacho regarde son frère avec tendresse et plonge un bras sale et maigre dans le sac-poubelle. Il en sort triomphant des maracas, plein de sifflets, une harmonica et une trompette ; tout est en plastique aux couleurs criardes. Il jette le cotillon sur le plancher du chariot et conserve la trompette dorée, il la regarde avec ravissement, l’observe ; elle tremble dans ses mains gelées, rouges comme son visage. Il l’embouche et sans oser souffler fait un geste complice à l’adresse du Noiraud, regarde de tous les côtés, inquiet, et la met sous sa chemise tellement petite qu’elle ne réussit pas à couvrir le ventre noir. Je pense au froid, à la gelée de ce matin, au vent, qui s’est levé quand la gelée a commencé à fondre, le thermomètre en dessous de trois ou quatre degrés. Je sens ma peau hérissée comme la leur. Mais je ne veux pas sombrer dans le sentimentalisme et encore moins m’émouvoir. Ils... Ils salisssent MON trottoir ! - Allez, Manuel, attrappe-moi les sifflets que tu as jetés au fond.! Manuel se met à fouiller dans le tas et remet, solennel, harmonica, sifflets et maracas au Noiraud, qui reçoit tout ça avec les yeux brillants ; pas la trompette, non. Pendant ce temps, le père s’est mis un masque argenté qui lui couvre totalement la figure. Soudain, il se retourne et crie "Je suis un martien !". Un choeur discordant de maracas et de sifflets lui répond accompagné de rires nerveux. Manuel, d’un air repenti, rend la trompette au père ; c’était son meilleur trophée. C’en est trop ! Après avoir écouter à la radio des nouvelles qui laissent sans voix le plus crédule des citoyens argentins, être obligée de voir et d’écouter de pareilles fadaises ! Je ferme rageusement la fenêtre au moment où ils me crient : - Eh ! madame, ne vous fâchez pas. Dieu est argentin ! - Vous savez pas que c’est aujourd’hui le jour de Noël ? - Où elle vit ? J’entends les clochettes du cheval qui tourne au coin. Je cours, je traverse mon jardin et je me mets aux aguets à la porte d’entrée ; voilà le chariot et son cocher Nacho, avec son masque d’argent, jouant de cette trompette qui me paraît sonner le jugement final. Le soleil levant les inonde. Argentin, Dieu ? Moi aussi. Il faut que je me dépêche si je ne veux pas rater la messe de neuf heures. Pourvu qu’ils aient raison ! Dimanche 12 août 2001, Argentine, quartier Bonaerense.
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