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 Article publié le 29 décembre 2011.

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à la mémoire de Michael S. Hart

 

La RAL,M est née l’année même où l’édition parisienne « attaquait » les Américains sur un terrain où ils ont de l’avance et même de l’argent. Huit ans après, ces grandes familles de l’édition française ont baissé les bras. Farcies de diplômés de HEC, elles manquent d’ingénieurs véritables et d’auteurs compétents autant dans le domaine commercial qu’en littérature. Autre french theory

 

Texte et support

Le système proposé alors outre Atlantique depuis quelques décennies représente l’édition moderne. Il est simple comme un bonjour :

Imprimer les ouvrages à la demande, ce qui met fin à la pratique du tirage initial cher aux éditeurs français dont la logique commerciale est détruite ;

Imprimer à proximité du lecteur et ce n’importe où dans le monde, ce qui diminue considérablement à la fois les frais de port et l’influence des transporteurs.

Proposer en même temps l’ouvrage dans sa version numérique lisible sur un petit instrument dénommé en France « liseuse » particulièrement utile aux lecteurs qui aiment chercher et trouver rapidement.

Nous sommes actuellement tout prêts de disposer de ce système, avec peut-être quelques aménagements à la française qui, comme d’habitude, en diminueront la modernité, mais sans vraiment affecter sa portée. L’édition moderne est à l’édition traditionnelle ce que l’Internet est au Minitel. C’est dire...

Il n’en reste pas moins que la RAL,M, publieur numérique, et Le chasseur abstrait, éditeur en librairie, sont sur les rangs depuis huit ans déjà. Et nous sommes prêts :

Nous connaissons ce nouveau métier sur le bout des doigts ;

Nous sommes en mesure d’en former les acteurs, auteurs comme éditeurs ;

Nous en avons bavé et ce n’est pas fini !

Le livre et le fichier numérique vont donc se côtoyer pendant longtemps :

De mauvais augures prévoient que le livre va disparaître. Disons plutôt qu’il va changer, laissant la place à l’imagination des artistes et des typographes.

Le fichier numérique va lui aussi changer ; de simple imitation du livre qu’il est encore aujourd’hui, il deviendra le lieu même d’une nouvelle écriture dont quelques auteurs nous donnent aujourd’hui mieux qu’une idée.

Au fond, nous continuons sur notre lancée et sans doute selon une courbe démographique dont nous ne connaissons pas tous les secrets.

Ce qui change, ce qui évolue, c’est à la fois le support et le contenu lui-même.

Le contenu, ou le texte, a d’ordinaire plutôt tendance à s’adapter au support, quelquefois jusqu’au paroxysme de la doctrine. On voit encore de farouches partisans du « livre en papier », beau pléonasme qui n’est souvent qu’un cache-misère, hélas. Toutefois, de singulières beautés s’en détachent encore.

Cette tendance, sans promettre de se renverser comme la vapeur des locomotives, modifie ses trajectoires au point que le support rend possible d’autres manifestations du texte.

C’est une belle discussion qui sera du plus bel effet sur nos tables dans l’avenir tout proche qui nous enterrera finalement.

L’aventure du texte, d’Aristote à nos jours, est tout de même un aussi bel enseignement à mettre entre toutes les mains. Travail d’auteur aussi.

 

Œuvres et genres

Mais ce qui ne changera pas, quoiqu’on fasse pour mentir peu ou proue, ce qui demeurera la pierre de touche de la littérature, c’est l’auteur.

Des définitions viennent d’ailleurs pallier la seule vérité que ce concept, qui est aussi une réalité, impose à l’esprit en proie aux désagréments de la gloire et de la reconnaissance si chers aux écrivains en général.

Ainsi, la Loi, en France, définit catégoriquement la notion d’auteur, la renvoyant à un seul contrat d’édition suffisant d’après elle pour octroyer ce titre si envié.

Mais la Loi est une tricheuse. Elle ne dit jamais la vérité. Elle négocie ou impose. Elle est inutile quand on souhaite en savoir plus.

Chez le Chasseur abstrait, nous avons nous aussi notre définition de l’auteur :

quand l’écrivain est l’auteur d’une œuvre, on l’appelle auteur ;

quand l’écrivain écrit dans un ou plusieurs genres, on l’appelle écrivain de genre.

On applique à la littérature une pratique déjà en usage dans l’industrie cinématographique qui distingue le cinéma d’auteur du cinéma de genre.

Voilà pour le titre d’auteur.

Il va sans dire que l’auteur, tel que nous le voyons, est aussi l’auteur du support de son texte que l’éditeur, Le chasseur abstrait en l’occurrence, doit mettre en œuvre.

L’écrivain de genre (polar, poésie, roman, etc.) n’en connaît pas moins son métier. À l’éditeur de le présenter dans les créneaux qui lui correspondent sous peine d’énerver le libraire qui apprécie toujours les marques tangibles de professionnalisme.

Logiquement, l’écriture de genre ne devrait pas être un loisir, mais c’est pourtant ce qu’elle est de plus en plus. Il y a là un paradoxe insurmontable au niveau de la librairie, c’est-à-dire de la vente du livre.

De son côté, le véritable auteur devrait être mis à l’abri des duretés de l’existence. Hélas, c’est rarement le cas. Son seul ami, le plus souvent, est bel et bien son éditeur.

 

Usages éditoriaux

Tout cela est bien beau et bien clair. Mais la réalité a aussi ses usages et ceux-ci ne sont pas toujours en adéquation avec la pertinence et l’équité. Pas même avec la rigueur qui s’impose pourtant à l’esprit quand on s’engage dans la création littéraire et dans sa publication.

Car entre la création et la publication, dirais-je pour paraphraser T.S. Eliot, l’ombre s’interpose, car le Royaume t’appartient. Autrement dit, les objets de la création de l’esprit doivent subir l’épreuve, et quelquefois l’outrage, des filtres que la vie sociale impose à toute manifestation hors les murs.

Écrivez chez vous, publiez même sur l’Internet, on vous foutra une paix royale. Au pire, vous subirez les sarcasmes de quelques détracteurs aussi solitairement isolés que vous, auquel cas vous interdirez les commentaires.

Par contre, si vous frappez à la porte d’une maison d’édition et que la porte s’ouvre, c’est d’abord par politesse de l’hôte, car s’il en manque, la porte demeure close et vous choisissez rarement d’attendre plus longtemps que vos forces vous le permettent.

Et si d’aventure, car c’en est une, on vous invite à entrer, c’est qu’à l’intérieur on a estimé, sous toute réserve, que vous connaissez le règlement intérieur et les usages, autrement dit la ligne éditoriale.

Dans un premier temps, on vérifiera que vous ne disposez d’aucun outil de trahison.

Après tout, si vous n’aimez pas le café de la maison, vous pouvez bien aller gobichonner celui de la maison d’en face.

En général, on est assez sage pour appliquer à la lettre la recommandation de Prévert : laissez passer l’café si ça lui fait plaisir…

 

Usages dans le monde

Mais, contrairement à ce que dit la Loi pour gonfler les rangs des associations d’auteur et favoriser les aides à l’écriture et à l’édition, un seul bouquin, voire deux, ne feront pas de vous un auteur. Pas dans le sens où l’entend le monde. Tel quel, vous demeurez un écrivaillon. Il est admis que six ou sept bouquins sont nécessaires pour mériter le titre d’auteur. Ce n’est qu’à ce prix que vous devenez « sociétaire ». Sinon, vous n’êtes que stagiaire ou au mieux prétendant.

Et quand on parle de bouquins, il ne s’agit pas de faire passer des vessies pour des lanternes : par exemple de simples fascicules, dits « plaquettes », qui ne peuvent en aucun cas faire usage de bouquins, seront considérés comme des vessies.

Et peu importe que vos six ou sept bouquins minimum (plus mille pages bien remplies) aient été édités aux frais de l’éditeur, sur votre propre compte, avec l’argent des pauvres ou de papa qui en a en trop.

 

Synthèse chez Le chasseur abstrait

Nous avons évoqué ici, trop rapidement hélas, les questions relatives au texte et à ses supports anciens ou modernes ainsi que celles qui concernent la qualité d’auteur tant du point de vue de la vérité que de celui, moins relatif, de la réalité.

Depuis le début de notre activité, nous avons fait savoir clairement que les vieilles idées sur l’édition ne nous intéressent pas. D’ailleurs, tous ces vieux débats sont toujours entachés de mauvaise foi de la part de leurs promoteurs.

Et nous avons témoigné tout aussi clairement de notre capacité à diffuser des œuvres et des ouvrages.

Notre spécialité, c’est l’œuvre.

Elle est rare, c’est entendu. Elle est imprévisible. Elle va où elle veut ou nulle part ou ailleurs…

Nous sommes moins à l’aise sur le terrain des genres. Par exemple, des centaines de polars nous ont été proposés : nous n’en avons publiés aucun. En poésie, nous ne faisons pas mieux que la plupart des éditeurs professionnels. Etc.

Mais au lieu de mentir comme le font les gardes champêtres, nous établissons clairement des lois de comportement éditoriaux :

D’abord, l’auteur doit en être un aux yeux du monde. C’est-à-dire qu’il doit impérativement lui opposer un travail conséquent, œuvre d’auteur ou travail de genre, l’une ou l’autre. Or, cela ne se fait pas en un coup de cuillère à pot. Et à moins d’avoir déjà travaillé ou œuvré dans l’ombre pendant des années, il faut longtemps pour arriver devant le monde avec une bonne quantité de livres ou de textes. Dix ans ? Plus ? Voilà une réalité que l’écrivain doit regarder bien en face. On ne raconte pas d’histoires à un éditeur qui connaît le travail littéraire et qui a en plus une pratique professionnelle du commerce du livre de genre.

Et puis, l’éditeur doit en être un aux yeux de ce monde auquel on n’échappe pas si on met le nez dehors. Il faut travailler quatre-vingts heures par semaine pour accomplir à peu près la moitié du travail qui devrait être fait ! Évidemment, il faut respecter d’autres usages : ceux du livre, bel objet de papier noirci à l’encre et au texte, qui se vend en librairie uniquement, quand il se vend ! Et maintenant ceux de l’Internet et des pratiques numériques ! Quel monde !

Alors comment voulez-vous avancer dans ce monde si vous n’en prenez pas le temps et si vous ne travaillez pas d’arrache-pied ?

Bien sûr que le loisir, qui est souvent tout ce qui reste du temps, a sa place dans la littérature et l’édition ! Mais à la condition d’entrer, le mot n’est pas trop fort, dans les usages que le monde pratique parce que ça l’amuse ou parce que c’est important. Les usages et non pas les idées qu’on se fait, bien souvent parce qu’on tire la couverture à soi.

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Patrick Cintas

 

 

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