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Le sel de la terre
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 Article publié le 11 octobre 2005.

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Il aurait dit : « Vous êtes le sel de la terre ! » et cette parole obscure ne cesse de m’étonner. S’agissait-il de proclamer que l’homme seul donne leur saveur aux choses de cet ici-bas ? Qu’il assaisonne l’étant, par l’acte et le verbe, et le tourne ainsi vers Dieu ou vers l’être ? Ou, au contraire, qu’il avive la blessure de ce monde, réensanglantant la plaie béant dans la chair du monde entre présent et présence, ici-bas et ici même ? Toujours est-il qu’il y a du sel et du sang dans la béance patente, bien que quasi invisible le plus souvent, qui sépare moi de moi, nous de toi et il d’elle et toi de je, et l’homme du pays comme du paysage, ad libitum...

Se plaçant devant l’image de la nature telle que l’a recréée puis bellement fait imprimer le photographe japonais Shinzo Maeda, le locuteur a voulu tenir son verbe dans cette faille qu’il a nommée silence. Le silence des choses en appelle longtemps, longuement à la patience de l’homme pour faire advenir entre nous la paix des choses. Malgré bonds et frissons, il s’agit d’interroger puis de capter au miroir des mots tout comme au miroir du sel « ce qui se cache en pleine lumière ».

Car les choses ont leur inclination : elles nous proposent, c’est-à-dire « placent devant nous », des figures plus ou moins libres, plus ou moins ouvertes dont il nous faut appréhender le plus justement possible la polarisation. Malgré les contraintes nues et sans arguties des inexorables lois physiques, elles laissent paraître des affinités qui ne sont, la plupart du temps, que souffles, traces, indices et qui s’offrent à notre lecture-écriture inventive et fugace. Ces signes, toutefois, sont autant ceux de l’appétance et de l’attirance que de la mort ou de la fatigue... Il y a à faire, au contact des choses de la terre, l’expérience vive de l’usure, de l’émoussement, de l’amuïssement : nous y apprenons à tenir « l’être » (sans le tenir) pour le peu, le fugitif, l’évanouissant qui n’embue que faiblement le tain des mots... et ce peu devient notre « lumière silencieuse et noire », seule lueur qui vaille dans les reflets du sel.

 

Shinzo Maeda : Les Alpes Nipponnes, Oku Mikawa et Arbres et Brindilles, trois volumes de photographies, parus en 1987 chez Benedikt Taschen, Cologne.

10 octobre 2005

 

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