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Journées (Patrick Cintas) - 1ère partie
Signes de respect et d’oubli
[E-mail] Article publié le 10 juillet 2012. oOo Machado a raison : tu es poète parce que l’eau te dit ce qu’elle est : ruisseau, rigole, pluie, fontaine, canal… elle te parle de loin — d’aussi loin qu’elle demeure de l’eau — et tant que tes yeux sont fermés — résistant à la tentation de s’approcher — l’eau n’est plus un mot — plus un effet prosodique — plus rien que cette eau — et cette reconnaissance traduite — cette existence prioritaire — poète parce que tu sens ce que tu sais — et que la voix sait ce que tu dis parce qu’elle le sent. L’objet agit et n’est plus. * Raison de savoir — la lumière s’accroche avec toi — des tissus pendent dans le désert — de loin en loin le rappel d’une attente — vivre pour servir à quelque chose — ces jardins coupés de roche dure — chaque angle finissant dans une ruine — plus une trace de ce bois — quelquefois un mur bleu se devine — le linteau d’une armoire — l’empreinte d’une mort — l’acier noir d’un outil — lézard bleu — comme si le vent attendait — comme s’il était encore possible de saisir ce temps — de le peupler — une photographie témoigne d’une alliance — tu es passé par ce chemin — mais ce n’était pas toi.
* Plus loin, la route redescend d’où elle est venue — emportant ces signes d’eau et de feu — les pins ont l’odeur des passages — personne n’attend — tout le monde se retrouve — place forte des rencontres — l’eau devenue bassin — le feu conversation — l’attente promesse — et le seul visage reconnaissable revient — impose ses transparences — cette eau ne se reconnaît pas d’aussi loin — mais elle explique tout. * De loin, ces toits d’agave — ces embrasures d’olivier — le seuil au vent — rues disparues sous l’or — personne sur le chemin — pas même un animal — la nuit qui revient — la mer qui remplace l’ombre — et la lumière comme anéantie — à l’endroit même de l’eau devenue une étrangère — l’eau sans forme — sans ce frémissement signe de vie — l’eau du sommeil — et de l’appel au rêve — à autre chose — à quelqu’un — appel du silence comme signe de respect et d’oubli. * Il n’y a pas de poète en poésie — aucune voix ne répète ce qui s’est dit de toi tandis que tu montais — rencontrant peu d’animaux domestiques — les chassant parce qu’ils éparpillent ce qui s’était pourtant figé — il n’y a que des espèces inachevées — un procès au cadavre — une voix tout au plus — imaginée en force — reconstruite dans une autre langue — comme si l’eau perdait son importance —qu’elle emportait les différences — et qu’il ne restait plus rien de ce qui avait encore un sens avant que tu t’en mêles. |
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