L’idiot français par excellence. Il exprimait quelques idées qu’il avait sur les autres, ceux qui n’habitent pas en France. « Vous préciserez, ajouta-t-il, que par habiter j’entends qu’on en est originaire, disons, depuis une date respectable. » Il souriait en disant cela. Selon lui, les Français se sont assagis. Ils ne lisent plus « toutes ces choses qui nous sont venues d’Amérique à une époque où nous sortions épuisés d’une guerre pour se préparer à entrer trahis dans une autre plus terrible encore ! » Cette idée de vouloir être moderne alors que ce n’est même pas nécessaire. « Nous avons tout, dit-il en me montrant quelque chose dans l’espace autour et au-dessus de nous. Une langue qui gagnera à être celle de tout le monde sans exception. Des institutions qu’on nous envie parce que nous ne dévions pas. Et cet esprit à la fois serein et clair ! Que pensez-vous de cette sérénité et de cette clarté ? » Je ne répondis pas et regardai ailleurs comme si quelque chose devait arriver de ce côté de notre conversation. « Les choses les plus simples sont-elles modernes ? Non, n’est-ce pas ? » Je voyais des femmes sur le chemin. Il y a toujours un chemin à portée de la main. Il ne s’y passe jamais rien. « Ah ! Oui ! s’écria-t-il. Le toujours et le jamais de votre nation ! Cette impossible satisfaction… si vous me permettez d’appeler satisfaction l’ajustement précis des deux éléments qui vont former un tout pour notre plus grand plaisir… entre l’éternité… qui est à la fois une croyance et une nécessité intellectuelle… et le néant… espace peu probable qui est une espèce de fourre-tout qui ne contient rien de durable… » Les femmes entendirent sa voix rocailleuse et tiède comme peut l’être l’eau d’un aquifère. C’était peut-être là qu’elles se rendaient, chaudes et claires. Il souleva le coin de sa casquette pour les saluer, mais elles ne répondirent pas. Ce n’est pas ainsi qu’on rencontre les femmes ici.