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Yggdrasill
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 Article publié le 27 avril 2013.

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L’arbre à feuilles décline les quatre saisons. Toutes s’inclinent devant lui au gré de leurs humeurs, la morte saison n’étant pas la moins agréable pour l’arbre ainsi mis au repos forcé, tandis que le feuilleton, lui, feuillette le réel infatigablement.

Le réel feuilleté, poussières de mots.

Ses saisons ne s’inscrivent plus dans l’écorce du hêtre - ce Buche natal qui donna notre livre - mais dans l’être tout entier exposé à tous les vents de tous les climats.

Et ce n’est pas la croissance qu’il recherche, fût-elle infinie, mais la sérénité d’un appui fragile en ce monde, sorte d’Yggdrasill déserté qu’il faut sans cesse repeupler avec des pensées nobles et des gestes hardis, des peuples souverains et des personnalités venues de tous les horizons de la pensée humaine.

Le livre-univers a failli à la tâche de rendre compte du monde en expansion.

Toujours à la traîne des événements, il n’éclaire rien que lui-même, et telle la chouette de Minerve qui ne prend son envol qu’au crépuscule, sa frêle lumière ne joue pas le jeu du monde, mais y renvoie dans une impuissance telle que tous ses auteurs, ces lucioles, sans exception, tôt ou tard, s’exceptent du jeu pour ne plus l’écrire.

Les livres, ainsi, débarrassés de toute ambition totalisante, proposent des points de vue, plus rarement une sensibilité qui ne dure qu’un temps, avant de disparaître de la surface du monde-écorce qui n’a plus lieu d’être.

Le feuilletoniste, lui, reprend à son compte le projet du livre, mais à la racine : c’est la profondeur qui lui importe.

Il entend, en toute bonne foi, prospérer dans le réel obtus pour, à force de racines qui plongent loin dans l’avenir, soulever la terre et la relever comme on relève une pierre tombale : les traces d’un passage importent seules, dispersées qu’elles sont dès leur apparition, généreusement disséminées sur l’ensemble de l’arbre à feuilles, le frêne géant, gênant, et tortueux à souhait.

Devenu l’arbre à souhaits qui encombre la fontaine morte, il ne s’embarrasse pas de la distinction passé-avenir, mais lance sa jactance dans le lait noir du présent pour en faire une mixture absolument translucide, et qu’il tend à tous ceux qui ont la soif rivée au corps, amoureux qu’ils sont encore, et plus que jamais, d’une sagesse irisée.

L’infini boit du petit lait, mais le sacré se désole. Massacre du printemps…

Son feuillage bariolé lorgne vers des mondes connus-inconnus.

Le chant du coq n’y résonne ni plus ni moins souvent que les croassements du sage corbeau ou les glatissements de l’aigle royal. On a même vu une antilope brouter à ses pieds en bonne intelligence avec la chèvre Heidrun. Un lion débonnaire, parfois, vient se prélasser à l’ombre de son monde.

Ainsi est-il loisible d’affirmer désormais, et résolument, que la littérature française n’existe plus, et qu’à ce cadavre putréfié s’est substituée une littérature d’expression française qu’il faut chercher au quatre coins du monde.

Jean-Michel Guyot

6 avril 2013

 

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