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Théâtre de Patrick Cintas
Deuxième tableau de Bortek

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 Article publié le 16 juin 2013.

oOo

Cuisine. Marie Pipi prépare la soupe. Elle dispose le couvert, verse le contenu d’une fiole dans la soupière. La porte s’ouvre. Entre Marco, qui se débarrasse de son manteau. Il s’assoit à table.

 

MARIE-PIPI — La soupe est prête !

 

MARCO-POLO — Sers-moi sans réserve, ma femme.

 

MARIE-PIPI — Tu as eu une dure journée, n’est-ce pas ?

 

MARCO-POLO — Je me suis écorché les mains pour un maigre salaire, est-ce ce que tu veux dire ?

 

MARIE-PIPI — Mon existence à moi est moins pénible, je crois, à part l’ennui.

 

MARCO-POLO — Je ne peux être tout le temps à tes côtés.

 

MARIE-PIPI — Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.

 

MARCO-POLO — Ah ? Que disais-tu, que j’ai compris de travers ?

 

MARIE-PIPI — Les pauvres ont de l’intérêt à parler d’autre chose que de leur misère.

 

MARCO-POLO — Le travail est dur, la maison peu confortable, mais nous avons à manger tout les jours. Que Dieu me permette longtemps de te procurer les ingrédients que tu accommodes si bien.

 

MARIE-PIPI — Il nous faut parler d’autre chose.

 

MARCO-POLO — Laisse moi manger, puis je te parlerai d’amour, ma femme. C’est là la meilleure conversation qu’un homme puisse tenir à une femme. Au diable les mots et le sens qu’on leur donne.

 

MARIE-PIPI — J’aime t’entendre parler comme cela, mon mari. Finis ta soupe. Elle va refroidir. Elle est plus efficace quand elle arrive chaude dans l’estomac.

 

MARCO-POLO — Je ne sais pas. Celui-ci me tourmente depuis quelque temps. Trop de soucis, et pas grand chose pour les régler.

 

MARIE-PIPI — Cela ira mieux tout à l’heure. Je vais chauffer le lit.

 

MARCO-POLO — Oui, c’est ça, ma femme. Chauffe la soupe, chauffe le lit. Elle me chauffe bien un peu la tête quelquefois. Elle n’est pas parfaite. Je ne suis pas parfait non plus.

 

MARIE-PIPI — Je saurais aussi te chauffer le portefeuille s’il était mieux rempli.

 

MARCO-POLO — Ah ! ma femme ! Ne fais pas de l’esprit. Cela ne convient pas à une femme d’avoir de l’esprit. Qu’en ferais-tu, d’ailleurs. Et puis en ai-je moi même assez pour supporter le tien ? Aïe ! Cet estomac. Je travaille trop et ne gagne pas assez.

 

MARIE-PIPI — Finis ta soupe. Elle est encore chaude.

 

MARCO-POLO — C’est peut-être cette chaleur soudaine qui le fait souffrir. Il fait si froid dehors. Travailler par ce temps, c’est inhumain.

 

MARIE-PIPI — Tu dis n’importe quoi, mon mari.

 

MARCO-POLO — Ne te mêle pas de ce que je dis.

 

MARIE-PIPI — Je te chaufferai toi aussi.

 

MARCO-POLO — Aïe ! Je ne sais si c’est l’estomac ou autre chose.

 

MARIE-PIPI — Cela passera. Jamais le corps n’est à son aise en hiver.

 

MARCO-POLO — Ah ! oui ? Et de quoi souffres-tu ?

 

MARIE-PIPI — Du mal d’amour.

 

MARCO-POLO — Cela ne fait pas si mal. Au moins l’organe concerné y trouve quelque plaisir.

 

MARIE-PIPI — Si l’on sait s’y prendre.

 

MARCO-POLO — Insinuerais-tu que je n’ai pas ce talent ?

 

MARIE-PIPI — Rien d’autre que nous n’avons pas d’enfant pour prouver ce que tu dis.

 

MARCO-POLO — Des preuves, je t’en donne toutes les nuits.

 

MARIE-PIPI — Il y a des voisins qui jasent. Tant d’années de vie commune ! et pas un enfant pour témoigner de notre amour à la face du monde.

 

MARCO-POLO — Qu’est-ce que j’y peux ? Tu n’es pas faite pour enfanter.

 

MARIE-PIPI — Pourquoi moi ?

 

MARCO-POLO — Il ne peut en être autrement. Cela se voit bien, non ?

 

MARIE-PIPI — Ce qui se voit, c’est que nous vieillissons bien piteusement.

 

MARCO-POLO — Dieu sait ce qu’il fait. Ce n’est pas à nous de deviner ce qu’il fait. Et ce qu’il fait est bien fait. Qui oserait dire le contraire ?

 

MARIE-PIPI — Je peux le dire, moi.

 

MARCO-POLO — Pas si fort, ma femme. Si l’on t’entendait tenir de pareils propos, et par les temps qui courent.

 

MARIE-PIPI — Je dis ce que je dis, et si Dieu s’en offense, c’est qu’il ne vaut pas grand-chose.

 

MARCO-POLO — Es-tu folle ! Tais-toi !

 

MARIE-PIPI — Nous faudra-t-il prier le diable pour qu’un enfant me remplisse le ventre.

 

MARCO-POLO — Cesse, veux-tu ?

 

MARIE-PIPI — Ou bien j’irai chercher le diable pour qu’il me fasse un fils !

 

MARCO-POLO — Ah ! putain ! vas-tu te taire ?

 

MARIE-PIPI — Fais-moi taire, allons mon petit mari, fais-moi taire !

 

Elle saute sur le lit.

 

MARCO-POLO — Aïe ! Maudit estomac ! Je ne me sens pas en forme, ce soir. Tu vas parler toute la nuit et nous envoyer au bûcher, je crois.

 

On frappe à la porte.

 

MARCO-POLO — Tiens ? Quelqu’un qui s’inquiète, ou qui croit avoir mal entendu tes propos.

 

MARIE-PIPI — Lui diras-tu que c’est le jeu qui nous excite ? Ou bien ne le détromperas-tu pas ? Que vas-tu faire, mon mari ?

 

MARCO-POLO — Tais-toi, ne jouons plus !

 

Il ouvre la porte.

Entre Bortek qui s’assoit à table.

Il regarde Marie Pipi sur le lit.

 

MARCO-POLO — Ça par exemple ! Me direz-vous ce que vous venez chercher ici ?

 

BORTEK — Un asile pour la nuit. Je ne crois pas que vous soyez si riches, mais il y a de la soupe sur la table, et j’ai faim et froid.

 

MARCO-POLO — Si j’avais su qu’on pouvait se procurer le gîte et le couvert de cette manière-là, je ne me serais pas mis dans l’idée que le travail honore son homme.

 

BORTEK — Il m’arrive de travailler, savez-vous ?

 

MARCO-POLO — Pas si souvent que ça, si j’en juge aux os qui saillent ça et là.

 

BORTEK — Le travail n’est pas un droit, et puis n’est-ce pas cette misère qui sauve le monde ? On dit cela partout. C’est une opinion partagée par tout le monde.

 

MARCO-POLO — S’il vous plaît de vous charger de mes péchés en échange d’une soupe, nous avons un marché à conclure d’abord.

 

BORTEK — Vous parlez comme le diable.

 

MARIE-PIPI — Marco !

 

MARCO-POLO — Que voulez-vous dire ? N’êtes-vous pas un gueux qui traîne la savate de soupière en soupière ?

 

BORTEK — Je suis ce que je parais être.

 

MARCO-POLO — Ah ! Ah ! Ah ! Vous autres les gueux vous avez bien le loisir de cogiter ! Je travaille moi, et je n’ai pas de temps à consacrer à ces sortes de finesses. Si vous pensez que je parle comme le diable, c’est que cela vous regarde quelque peu. Auquel cas vous n’êtes ni gueux ni bel esprit.

 

MARIE-PIPI — Méfie-toi, Marco !

 

MARCO-POLO — Je ne suis rien, moi, monsieur le traîne-savate. Rien qu’un pauvre travailleur qui accepte de vivre sans poser de question ni répondre à celle des autres. Je connais mon chantier et ma maison, et les ruelles qu’il me faut emprunter pour aller de l’un à l’autre. Je prie Dieu tous les jours et je n’ai jamais vu le diable ailleurs que dans mes cauchemars, au moment où je ne maîtrise plus ma fatigue ni mes douleurs.

 

MARIE-PIPI — Tais-toi, Marco !

 

MARCO-POLO — Vous voulez de la soupe ! Voilà de la soupe ! Quand au lit, il est étroit, et puis ma femme couche dedans, et je ne saurais la partager, sauf avec Dieu, qui l’aime je crois comme il aime les femmes, c’est-à-dire comme nous ne les aimons pas.

 

MARIE-PIPI — Marco !

 

MARCO-POLO — Donc, avalez ces restes, et couchez-vous devant la porte. Voilà ce que je peux vous offrir, par respect pour le dieu qui vous a créé et qui si j’en crois, n’est pas le diable. Est-ce tout pour ce soir ?

Bortek remplit son assiette. Marie s’amène.

 

MARIE-PIPI — Elle est froide maintenant. Je vais la mettre sur le feu.

 

BORTEK — Ce ne sera pas la peine.

 

MARCO-POLO — Laissez-la faire, mon vieux. Elle sait de quoi elle parle. Elle fait ça tous les jours.

 

BORTEK — Si vous pensez qu’elle sera meilleure.

 

MARIE-PIPI — Je le pense, oui.

 

Marco sort. Marie jette la soupe dans l’évier.

 

BORTEK — Mais que faites-vous donc ? Qu’est-ce que je vais manger ?

 

MARIE-PIPI — Vous avez si faim que ça ?

 

BORTEK — Suis-je ici pour autre chose que pour répondre à l’agacement de mon estomac ?

 

MARIE-PIPI — Est-ce que je sais pourquoi vous êtes ici ? Vous mangerez du fromage.

 

BORTEK — Il vous manquera. Votre mari pourrait bien y trouver les raisons d’une colère encore plus vivace que celle qui lui fait prendre l’air en ce moment. Qu’est-ce qui lui a pris de m’asticoter de cette manière ?

 

MARIE-PIPI — Vous avez interrompu notre jeu.

 

BORTEK — Vous jouiez ? De quel jeu s’agit-il ? Je peux me substituer.

 

MARIE-PIPI — Certes non. Vous ne jouerez pas dans mon lit, en tout cas pas avec moi.

 

BORTEK — Ah ? Mille excuses, madame. Je le croyais trop épuisé pour ça.

 

MARIE-PIPI — Il l’est, en effet. Il ne se passera rien ce soir.

 

BORTEK — Rien, en effet.

 

MARIE-PIPI — En effet.

 

Silences.

 

BORTEK — Pas d’enfants pour égayer ce triste logis.

 

MARIE-PIPI — Point d’enfant.

 

BORTEK — Je vois.

 

MARIE-PIPI — Vous ne voyez rien du tout. Je suis comme je suis.

 

BORTEK — Vous êtes bien comme vous êtes.

 

MARIE-PIPI — Il vaut mieux cesser de parler. Vous allez me faire la cour.

 

BORTEK — Je suis comme je suis.

 

MARIE-PIPI — Que voulez-vous dire ?

 

BORTEK — Ce que je dis.

 

MARIE-PIPI — Vous êtes bien indiscret, en tout cas.

 

BORTEK — Il vaut mieux cesser de parler.

 

MARIE-PIPI — Puisque vous le dites.

 

Silences.

 

MARIE-PIPI — Ce n’est pas vous en tout cas qui égayerez ces murs. Vous êtes triste à mourir.

 

BORTEK — Un homme qui se tait parce qu’on le lui demande est un homme triste.

 

Elle rit.

 

BORTEK — Marie ?

 

MARIE-PIPI — Oui ?

 

BORTEK — Qu’avez-vous mis dans la soupe de votre mari, que je n’ai pas goûté ?

 

MARIE-PIPI — Quelques épices qui n’auraient pas été de votre goût.

 

BORTEK — Autre chose ?

 

MARIE-PIPI — Comment cela, autre chose ?

 

BORTEK — Cette fiole, entre vos seins ?

 

MARIE-PIPI — Il n’y a pas de fiole à cet endroit-là. Il n’y en a jamais eu.

 

BORTEK — Faites-voir.

 

MARIE-PIPI — La belle excuse ! Il faut être plus adroit avec les femmes.

 

BORTEK — Je ne crois pas manquer d’adresse. Je vous aime bien.

 

MARIE-PIPI — Moi pas. Mangez votre fromage et allez dormir.

 

BORTEK — Je ne dormirai pas ce soir.

 

MARIE-PIPI — Vous ferez ce qu’il vous plaira.

 

BORTEK — Ce qui me plaît, non. Mais je le ferai tout de même.

 

MARIE-PIPI — Dormir ?

 

BORTEK — Dormir, oui, mais j’ai autre chose à faire avant que de dormir.

 

MARIE-PIPI — Faites-le, pourvu que ce soit digne.

 

BORTEK — Nous avons à parler tous deux, au sujet de cette fiole.

 

MARIE-PIPI — Mais de quoi parlez-vous ? Ah ! peut-être du remède que j’administre à mon mari à cause de son estomac qui le fait souffrir. Il pesterait s’il savait que je tente de le soigner à son insu. J’agis selon ma conscience, c’est tout.

 

BORTEK — Quelle folle vous faites !

 

MARIE-PIPI — Que dites-vous ?

 

BORTEK — Je dis que vous êtes folle, de vous livrer à ce jeu dangereux. Ces poisons se reniflent, ma bonne amie, et il vous en coûtera la tête un de ces jours.

 

MARIE-PIPI — Mais de quoi parlez-vous ?

 

BORTEK — Je parle des brûlures d’estomac de votre époux, et de la cause qui les augmente jour après jour, jusqu’à ce que la mort l’emporte au diable.

 

MARIE-PIPI — Quand bien même j’empoisonnerais la vie de mon mari, en quoi cela vous regarde-t-il ? Les femmes souvent empoisonnent la vie de leurs maris. Cela ne mérite pas une telle enquête. Je parle au figuré, bien entendu. La fiole est aussi une figure de l’esprit. C’est ce que vous voulez dire, n’est-ce pas ? Il n’y a point de femmes dans votre vie ? En avez-vous jamais connues ? Il semble que non. En tout cas pas de femmes dignes de ce nom. Des putains, peut-être, quoiqu’il faille avoir le sou pour ça. Ce qui n’est pas le cas.

 

BORTEK — Mon cas n’intéresse que moi.

 

MARIE-PIPI — Le mien semble vous intéresser, et je ne suis pas d’avis de vous voir continuer de vous y intéresser. Si vous avez fini de manger, sortez. Voulez-vous un peu de tabac ? Un peu de fumée vous aidera à vous endormir, et à chasser les mauvaises pensées qui peuplent votre esprit.

 

BORTEK — Si je vous disais...

 

MARIE-PIPI — Ne me dites plus rien.

 

BORTEK — Attendez de savoir ce que j’ai à dire !

 

MARIE-PIPI — Je ne veux pas le savoir.

 

BORTEK — Il ne vous baisera pas ce soir.

 

MARIE-PIPI — Vous non plus. Je penserai à autre chose.

 

BORTEK — J’y penserai moi aussi.

 

MARIE-PIPI — Ah ! Oui ?

 

BORTEK — Oui.

 

MARIE-PIPI — A quelle chose donc ?

 

BORTEK — Au mal qui ulcère l’estomac de votre mari.

 

MARIE-PIPI — Vous n’allez pas recommencer !

 

BORTEK — Je dis que je vais y penser, comme vous y penserez. Nous ne dormirons pas cette nuit. Il nous faudra supporter les ronflements de ce malade.

 

MARIE-PIPI — Peut-être savez-vous ce que vous voulez.

 

BORTEK — Plaît-il ?

 

MARIE-PIPI — Je dis que vous savez ce que vous voulez.

 

BORTEK — Je le sais.

 

MARIE-PIPI — Mais je doute qu’une femme vous donne du plaisir cette nuit.

 

BORTEK — Ce n’est pas ce que je demande.

 

MARIE-PIPI — C’est ce que vous dites.

 

BORTEK — Je n’en dis rien du tout.

 

MARIE-PIPI — Vous ne vous écoutez pas parler. Vous êtes obsédé par cette idée.

 

BORTEK — Obsédé, oui, mais pas par cette idée.

 

MARIE-PIPI — Et par quelle idée alors ?

 

BORTEK — La même qui vous obsède.

 

MARIE-PIPI — Rien ne m’obsède. Je vais rêver sans doute. Ni plus ni moins.

 

BORTEK — Nous rêverons de la même chose.

 

MARIE-PIPI — Et quelle est cette chose ?

 

BORTEK — Un grand trou dans l’estomac de votre mari.

 

MARIE-PIPI — Je l’aime trop.

 

BORTEK — Seulement...

 

MARIE-PIPI — Seulement ?

 

BORTEK — Il y a aussi des manifestations cutanées.

 

MARIE-PIPI — De quoi ?

 

BORTEK — Une peau qui devient noire comme le charbon, des yeux rouges comme braise, des pustules sur la langue, le nez qui saigne.

 

MARIE-PIPI — Mon Dieu, qu’est-ce que ceci !

 

BORTEK — Un cadavre d’homme empoisonné.

 

MARIE-PIPI — J’espère que sa mort sera douce.

 

BORTEK — Elle ne le sera pas. Il hurlera de douleur. Tout le voisinage tendra ses oreilles perverses. Il doutera peut-être lui-même. Il a forcément entendu parler de ces sortes de choses. Elles lui viendront à l’esprit. Il vous regardera avec horreur, et il comprendra peut-être. Il faudra lui fermer la bouche, pour qu’il ne crie pas ce que son cœur lui inspire. Mais cela ne servira à rien. La pourriture de son corps parlera à la place de sa bouche. Il y aura des témoins. On vous posera des questions. Vous n’y répondrez pas.

 

Silences.

 

MARIE-PIPI — Si vous êtes policier, vous perdez votre temps.

 

BORTEK — Je n’ai pas de temps à perdre, et je n’en perds pas.

 

MARIE-PIPI — C’est ce qui semble, oui. Tout ça parce que vous mourez d’envie d’entrer dans mon lit. Voilà tout l’objet de ces discours.

 

BORTEK — Puisque cette idée semble avoir votre faveur, achevez-le ce soir, et livrons-nous à la débauche. Je sais tout.

 

MARIE-PIPI — Vous ne savez rien.

 

BORTEK — Je vous dis que je sais tout.

 

MARIE-PIPI — Vous affabulez. Vous avez bien l’air de vous nourrir de fables.

 

BORTEK — Il y a cette fiole.

 

MARIE-PIPI — Quand bien même il y aurait une fiole, en quoi son contenu vous soucie-t-il ?

 

BORTEK — Je me soucie de vous.

 

MARIE-PIPI — Parce que vous m’aimez !

 

BORTEK — Oui.

 

MARIE-PIPI — Nous nous connaissons si peu. Ce ne serait pas convenable.

 

BORTEK — Sans cette fiole, ce ne serait effectivement pas convenable.

 

MARIE-PIPI — Vous êtes un maître-chanteur.

 

BORTEK — Votre voix n’est pas si mauvaise.

 

MARIE-PIPI — Je vais chercher mon mari. Vous vous expliquerez avec lui.

 

BORTEK — Vous le ferez ?

 

MARIE-PIPI — Je le ferai.

 

BORTEK — Et bien, faites.

 

MARIE-PIPI — Vous êtes un ignoble personnage.

 

BORTEK — Vous, une empoisonneuse, ce qui ne me déplaît pas.

 

MARIE-PIPI — C’est ainsi qu’on vous plaît.

 

BORTEK — Entre autre.

 

MARIE-PIPI — Vous êtes pervers.

 

BORTEK — Vous ne saurez plus jamais me mentir.

 

Silences.

 

MARIE-PIPI — Comment avez-vous su ?

 

BORTEK — La fenêtre, là. J’y vole la nourriture de votre chat.

 

MARIE-PIPI — Je n’ai plus de chat.

 

BORTEK — Je l’ai mangé.

 

MARIE-PIPI — Vous êtes un fou dégoûtant.

 

BORTEK — Je cherche à vous plaire.

 

MARIE-PIPI — Vous n’y réussissez pas.

 

BORTEK — J’œuvre dans ce sens.

 

MARIE-PIPI — J’aurais dû vous servir cette soupe. J’ai eu pitié de vous. Vous ne méritez pas qu’on s’intéresse à vous.

 

BORTEK — Je vous intéresse donc ?

 

MARIE-PIPI — Puisque vous savez tout. Et que voulez-vous de moi ?

 

BORTEK — Que veut un homme d’une femme ? Ce qu’elle a. Vous n’avez pas d’argent.

 

MARIE-PIPI — Pas ici.

 

BORTEK — Pourquoi pas ici ?

 

MARIE-PIPI — Pas à cette heure. Demain. Il sera sur le chantier.

 

BORTEK — Je serai là pour égailler vos après-midi. Il n’en saura rien.

 

MARIE-PIPI — Vous forcerez sur la dose.

 

BORTEK — Comptez sur moi.

 

MARIE-PIPI — Je parle du poison.

 

BORTEK — J’en parlais moi aussi.

 

MARIE-PIPI — Et pour le reste.

 

BORTEK — Ni plus ni moins.

 

MARIE-PIPI — Je vais payer cher mes imprudences.

 

BORTEK — Vous les paierez à leur prix, leur juste prix.

 

MARIE-PIPI — C’est ce que vous appelez l’amour. Je vous détromperai.

 

BORTEK — Je compte sur vous.

 

Marco entre.

 

MARCO-POLO — Vous êtes encore là, vous ? Et bien repu, à ce que je vois !

 

BORTEK — Je vous remercie infiniment pour vos bontés.

 

MARCO-POLO — Voilà qui conclut votre visite. Bonsoir, monsieur.

 

BORTEK — Bonsoir. Passez une bonne nuit.

 

Bortek sort.

 

MARCO-POLO — Il a dit cela sur un ton !

 

MARIE-PIPI — Quel ton ?

 

MARCO-POLO — De quelle nuit veut-il parler ?

 

MARIE-PIPI — De la nôtre, mon époux, de la nôtre.

 

MARCO-POLO — Nous n’aurons pas le même sommeil ce soir.

 

MARIE-PIPI — Ton estomac ?

 

MARCO-POLO — Qui veux-tu que ce soit d’autre ?

 

MARIE-PIPI — Il faudra songer à voir un médecin.

 

MARCO-POLO — Au diable les médecins. Ils m’assassineraient plutôt !

 

MARIE-PIPI — Pas s’ils peuvent quelque chose contre le mal qui t’indispose.

 

MARCO-POLO — Et puis avec quoi les paierais-je, ces foutus carabins ?

 

MARIE-PIPI — Sais-tu que ce pouilleux n’est autre qu’un étudiant en médecine ?

 

MARCO-POLO — Il te l’a dit ?

 

MARIE-PIPI — Il me l’a certifié.

 

MARCO-POLO — Ces gueux mentent comme ils respirent.

 

MARIE-PIPI — Il paraît avoir de l’éducation.

 

MARCO-POLO — A-t-il de la science au moins ? Il te l’a fait savoir ?

 

MARIE-PIPI — Je ne connais rien aux choses de la science, et pour cause, mais pour ce qui est de l’éducation, j’ai mon mot à dire là-dessus.

 

MARCO-POLO — A quoi me servirait son éducation s’il ne sait pas la science dont tu parles ?

 

MARIE-PIPI — Il prétend la connaître.

 

MARCO-POLO — Il l’étudie, c’est différent.

 

MARIE-PIPI — Au moins, sa consultation ne te coûtera pas un sou.

 

MARCO-POLO — Nous verrons demain. Je ne sais pas si je dormirai ce soir.

 

MARIE-PIPI — Fais-le venir ce soir. Demain, il aura peut-être filé sur d’autres routes.

 

MARCO-POLO — Tu t’inquiètes beaucoup pour ton petit mari.

 

MARIE-PIPI — Ce mal me fait peur.

 

MARCO-POLO — Il n’y a là rien de grave.

 

MARIE-PIPI — Sait-on ? Lui le saurait.

 

MARCO-POLO — Il ne saura rien du tout de mes petites misères, qui sont aussi les tiennes. Gardons-nous de les ébruiter. Ça ne regarde personne.

 

MARIE-PIPI — Il ne regardera pas pour jaser, mais pour guérir.

 

MARCO-POLO — Ah ! Remettons tout ça à demain. Je dois me lever tôt.

 

MARIE-PIPI — Il aura disparu.

 

MARCO-POLO — S’il s’est bien régalé ce soir, ma femme, il sera là demain. Nous en discuterons alors. Je détesterais ce soir qu’un homme me chatouille le ventre, et y pose son oreille pour écouter ce qu’il n’entendra peut-être pas. On dit que ces sortes de douleurs sont quelquefois cérébrales, et c’est peut-être le cas.

 

MARIE-PIPI — Je crois que je ne te convaincrai pas ce soir. Couchons-nous donc !

 

La porte s’ouvre. Bortek entre.

 

MARCO-POLO — Ma foi ! Il écoute aux portes.

 

BORTEK — Cela m’arrive, monsieur, cela m’arrive. Malgré moi. Mais toujours animé par les meilleures intentions qui soient.

 

MARCO-POLO — C’est donc que vous n’avez pas assez mangé ?

 

BORTEK — J’ai mangé ce qu’il faut, monsieur, pour vivre.

 

MARCO-POLO — Cela ne vous suffit-il pas que vous en redemandiez.

 

BORTEK — Mais je ne demande rien.

 

MARCO-POLO — Alors pourquoi vous réintroduire chez moi si c’est pour ne rien demander. Qu’avons-nous à faire d’un homme qui se tait ?

 

MARIE-PIPI — C’est un voyeur.

 

MARCO-POLO — Il ne manquait plus que ça.

 

BORTEK — Madame plaisante. J’ai déjà eu le plaisir de goûter à ses plaisanteries, lesquelles sont les plus fines du monde.

 

MARCO-POLO — Pendant que j’ai le dos tourné, vous en faites de belles, ma mie. Vous ai-je autorisée à plaisanter un autre homme que moi ?

 

MARIE-PIPI — Peuh ! Celui-ci n’est pas un homme.

 

BORTEK — Vous voilà si proche de la vérité, Madame. Vous brûlez.

 

MARCO-POLO — Cela ne t’autorise pas à plaisanter ma femme, pouilleux ! Qu’est-ce qui t’amènes ?

 

BORTEK — Votre estomac, monsieur.

 

MARCO-POLO — Que vous disais-je ? Il écoute aux portes. Je ne veux pas confier mon estomac à un apprenti sorcier.

 

BORTEK — Je n’y toucherai pas. Je diagnostiquerai. Et vous penserez ce qu’il vous plaira de mon diagnostic. Je ne suis pas susceptible. Je fais mon devoir.

 

MARIE-PIPI — Laissez-vous faire, mon mari.

 

MARCO-POLO — Heu ! Que dois-je faire pour me laisser faire ?

 

BORTEK — Vous allonger sur le lit, sur le dos et vous relaxer.

 

MARIE-PIPI — Allons, mon mari, faites ce qu’il vous dit.

 

MARCO-POLO — C’est bien contre mon cœur.

 

MARIE-PIPI — Écoutez votre raison et laissez jaser votre cœur. Vous ne savez plus ce que vous dites ce soir. Couche-toi, mon mari, couche-toi.

 

BORTEK — Cela n’est pas douloureux. Il vous faut fermer les yeux.

 

MARCO-POLO — Certes non ! Je veux vous surveiller.

 

BORTEK — Rien n’est possible si vous gardez les yeux ouverts. Je ne réponds pas du résultat.

 

MARIE-PIPI — Ferme les yeux. Ce n’est pas si difficile. Je regarde pour toi. Tu me fais confiance ?

 

MARCO-POLO — Je ne sais.

 

MARIE-PIPI — Tu m’aimes si peu !

 

MARCO-POLO — Pourras-tu voir ce que je verrais, moi, si cela tournait mal ?

 

BORTEK — Monsieur se fait prier.

 

MARIE-PIPI — Il se soumettra. Ferme tes yeux, ou j’y pose les mains.

 

BORTEK — Vous feriez bien de les y poser. Il trichera.

 

MARCO-POLO — Quoi ! Vous m’insultez ? Mais qui est-ce qui m’a foutu ce sacré carabin ! Est-ce qu’on insulte un malade, et chez lui qui plus est !

 

MARIE-PIPI — Cesse de babiller. Est-ce ce qu’il faut ?

 

Mains sur les yeux de Marco.

Bortek lui arrache un baiser.

Elle recule. Marco se redresse.

 

MARCO-POLO — Bon sang ! Que se passe-t-il ?

 

BORTEK — Il se passe, monsieur, que l’horreur m’a fait tressaillir.

 

MARIE-PIPI — Il m’appelle une horreur maintenant !

 

MARCO-POLO — Mais quelle horreur, bon dieu !

 

BORTEK — Tâtez vous-même, là, cette grosseur.

 

MARCO-POLO — N’est-ce point un os ?

 

BORTEK — Certes non. Il n’y a jamais eu d’os à cet endroit.

 

MARCO-POLO — Mais j’ai toujours eu un os, moi, à cet endroit.

 

BORTEK — Alors c’est que vous avez toujours été malade.

 

MARCO-POLO — Je souffre depuis peu.

 

BORTEK — Vous avez incubé longtemps.

 

MARIE-PIPI — Êtes-vous sûr de ce que vous avancez ?

 

BORTEK — Aussi sûr que je vous vois quand je vous regarde.

 

MARCO-POLO — Est-ce si grave ?

 

BORTEK — Ce l’est.

 

MARCO-POLO — Je suis perdu !

 

BORTEK — Pas si l’on vous soigne.

 

MARCO-POLO — Et qui me soignerait, que je ne paierai point puisque je ne le peux.

 

BORTEK — Je le pourrais, certes, mais je ne vis pas d’amour et d’eau fraîche.

 

MARCO-POLO — Pour l’amour, je ne vous promets rien. Je saurais bien mettre un peu de pain dans l’eau dont vous parlez.

 

BORTEK — Du pain seulement ?

 

MARCO-POLO — Quelques légumes sans doute. Oh ! pas tous les jours.

 

BORTEK — Il faut que cela soit écrit.

 

MARCO-POLO — Vous ne me croyez pas sur parole !

 

BORTEK — Je vous crois, monsieur, en ce moment. Mais si le mal empire, vous serez en proie au délire et susceptible d’oublier votre parole, ce que personne ne vous reprochera.

 

MARCO-POLO — Comment le mal pourrait-il empirer si je vous paye pour qu’il n’empire pas ?

 

BORTEK — C’est que je n’ai rien garanti, monsieur.

 

MARCO-POLO — Peut-être de la viande, le lundi. On en trouve pour pas cher ce jour-là. N’est-ce pas, ma mie ?

 

BORTEK — Va pour la viande. Elle consolidera mon diagnostic et atténuera les symptômes.

 

MARCO-POLO — J’en prendrais bien un morceau, il est vrai.

 

BORTEK — Vous ne prendrez rien du tout sur ma part du gâteau ! Je parlais des symptômes de ma faiblesse physiologique.

 

MARCO-POLO — Vous êtes donc malade. Vois à quoi j’en suis réduit, ma mie ! Me laisser soigner par un plus malade que moi.

 

BORTEK — C’est que mon cas n’est pas désespéré.

 

MARCO-POLO — Le mien peut-il vous intéresser s’il est sans espoir ? Je pense que vous voulez voir un homme se mourir. Les étudiants raffolent de ça. Ils prennent des notes pendant qu’on se débat et que la mort se nourrit de ce qui reste. Je vois où vous voulez en venir, monsieur. Je ne marche pas dans votre combine. Vous n’aurez pas le spectacle de ma mort.

 

BORTEK — Ah non, monsieur ! Ce spectacle, je me l’offre en prime, si je ne réussis pas à vous guérir.

 

MARCO-POLO — Vous seriez mieux payé si je mourrais plutôt que si je vivais. Cela est immoral et va contre les affaires ordinaires de ce monde. Je ne peux pas conclure un tel marché. Allez vous faire voir ailleurs !

 

BORTEK — Il ne vous en coûtera rien si vous périssez. Remarquez bien que ce n’est pas moi, la cause de votre mort, mais vous-même.

 

 

MARIE-PIPI — Il est vrai, mon chéri, que le salaire qu’il réclame est peu payer si vous devez vivre. Et puis si vous périssez, que vous importe de vous donner en spectacle ?

 

BORTEK — Il faudra cependant signer ce papier-là.

 

MARCO-POLO — Un papier ? Qué papier ? Où avez-vous donc trouvé le temps de le rédiger ?

 

BORTEK — Là, dehors. Vous me reprochiez ma paresse. J’ai fait en sorte que le travail me soit mérité, voilà tout.

 

MARCO-POLO — Il y a de l’immoralité dans l’exercice de ce métier-là. Où dois-je signer ?

 

BORTEK — A l’endroit habituel. Le plus bas possible dans la page.

 

MARCO-POLO — Mes yeux se sont troublés. Veux-tu lire pour moi, ma chérie ?

 

Elle lit pour elle-même.

 

MARCO-POLO — Je n’entends rien. Suis-je donc devenu sourd par dessus le marché ?

 

MARIE-PIPI — Tu n’entends rien parce qu’il n’y a rien à entendre.

 

MARCO-POLO — Qu’y a-t-il d’écrit là-dessus ?

 

MARIE-PIPI — Rien que de très ordinaire. En fait, je n’y comprends pas grand’chose.

 

MARCO-POLO — Fais voir, que je me rende compte par moi-même.

 

BORTEK — La langue y est certes quelque peu obscure, mais la légalité n’autorise pas ni d’autres mots, ni d’autre syntaxe.

 

MARCO-POLO — Et comment saurais-je si je ne signe pas un pacte avec le diable ?

 

BORTEK — Vous le saurez, monsieur. Ou plutôt, vous le saurez bien assez tôt. Ceci dit, pour le service que je vous rends, à si bon marché, vous ne faites pas grand cas de mon sens de l’honneur. J’ai quelques valeurs à soutenir, monsieur, malgré des apparences qui ne vous autorisent pas à me cracher dessus sans vous soucier de savoir si je me nourris de vos crachats.

 

MARCO-POLO — Ne prenez pas la mouche, monsieur l’étudiant !

 

BORTEK — N’est-ce point qu’il délire déjà ?

 

MARIE-PIPI — On voit bien qu’il délire, et qu’il est perdu si vous n’intervenez pas.

 

MARCO-POLO — Moquez-vous, tous les deux ! Si je meurs, tu riras moins. Il n’est pas bon pour une femme de perdre son mari en ce bas monde. Et vous, le carabin, votre réputation ne s’affichera pas en compagnie de ma mort, n’est-ce pas ?

 

MARIE-PIPI — Au fait, monsieur l’étudiant, au fait !

 

BORTEK — La seconde étape de l’acte médical, conséquemment au diagnostic, est la confection d’une potion destinée, dans un premier temps, à arrêter le mal, qu’il ne s’accroisse plus ; dans un deuxième temps, à le réduire, qu’il décroisse ; dans un troisième, l’anéantir ; dans un quatrième, faire en sorte qu’il ne réapparaisse plus, c’est à dire supprimer les causes. Ce programme vous convient-il ?

 

MARCO-POLO — Il m’irait à merveille si j’étais sûr que cela figure dans le contrat.

 

BORTEK — Cela y figure d’une manière implicite.

 

MARCO-POLO — Les juges sont-ils informés de cet implicite-là ?

 

BORTEK — Ils le sont. Vous êtes rassuré ? Allez-vous donc signer ?

 

MARCO-POLO — Signe à ma place. Je n’ai plus de force.

 

BORTEK — C’est au malade de signer. Que vaut la parole d’une femme ?

 

MARCO-POLO — C’est de ma femme dont vous parlez. Elle vaut ce que je vaux.

 

BORTEK — Dans ce cas, elle ne vaut pas cher.

 

MARCO-POLO — Comment !

 

BORTEK — Je dis que je ferais mieux de me trouver une autre clientèle. Mais enfin ! Vous tergiversez, mâchonnez mon crayon, me faites des compliments de votre femme, de vous-même, et point sur moi-même ! Dois-je supporter ces inconvenances sans sourciller ? Après tout, vous êtes maçon, et moi médecin. La différence se note au premier coup d’œil. On est sûr de ne pas se tromper. Le médecin, c’est moi. Le malade est un maçon.

 

MARCO-POLO — Je ne vous paierai pas de compliments, si c’est ce que vous voulez dire !

 

BORTEK — Il est vrai que cette exigence ne figure pas dans le contrat, même de manière implicite. Mais c’est une addition nécessaire entre nous, dont je ne saurais me passer. Un condiment sans quoi le goût des choses de la vie me serait amer.

 

MARCO-POLO — Soit, monsieur le médecin. Vous aurez vos compliments. Je les ravalerai si je dois, malgré tout ce que vous aurez fait, vous offrir le spectacle de ma mort qui vous fournira matière à thèse. Je me demande si je ne ferais pas mieux de mourir à l’instant.

 

MARIE-PIPI — Mon mari, tu dis de sottes paroles.

 

BORTEK — C’est qu’il délire. Il approche de la mort. Il la sent venir. Et il parle d’elle comme si elle l’avait déjà vaincu. Nous guérirons cela.

 

MARIE-PIPI — Si je puis vous aider...

 

BORTEK — Certes, madame. Vous ferez la vaisselle.

 

MARIE-PIPI — La vaisselle, monsieur ?

 

BORTEK — Il y aura des fioles à nettoyer, des bassinets à récurer, des seringues à faire bouillir. Le contrat ne prévoit pas que je me charge de cela.

 

MARCO-POLO — Quel programme !

 

MARIE-PIPI — Autrement dit, je dois rester femme, toujours femme.

 

MARCO-POLO — Et que voudrais-tu être d’autre ? Il est bien choisi le moment de se révolter !

 

MARIE-PIPI — Je ne me révolte pas. Je ferai ce qu’on me dira. Je suis à vos ordres, monsieur.

 

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