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Article publié le 11 décembre 2005. oOo
Le Brahms de l’heure pénultième
Souvent (bien que tu ne le saches pas), tu as été le chef d’orchestre de mes nuits les plus terribles. Dans le concert terrible où se montre le Brahms de l’heure pénultième ; parce que tu étais celui qui imprimait sa formidable signature sur le livret scolaire et peignait les plus beaux cadres de Noël du monde. Tu étais celui qui jouait des pavanes jusqu’au matin sur une guitare triste. Et récitait le poème de Lorca sur les citrons, qui rendait l’eau dorée comme le soleil. A cette époque, mes rêves furent éternellement radieux comme l’Ile au Trésor. Ainsi je fus le malheur de quelques cousines en âge d’être malheureuses. Personne pour mieux m’expliquer le théorème de Pythagore que je voyais comme la lune de Verlaine.
Tu as été celui qui m’a sorti de prison à l’aube et a conservé la bibliothèque de vieux livres, que le grand-père avait collectionnés pour une réunion d’insomniaques où dormirait Dieu.
Tu lisais en privé les évangéliques de Almafuerte, tandis que maman faisait des rêves qui jamais ne se réalisèrent. Personne ne pourra plus occuper maintenant ton poste de chef d’orchestre de ces gamins audacieux, qui menaçaient de démolir les palais brisant les étoiles comme les phares de la nuit. Je suis saturnien (je te l’ai dit) et j’ai toujours joué à te contredire ; parce que j’ai péché par les quatre côtés de la simulation. Je me suis revendiqué de Blake, non de Rubens. Puisque je suis encore un diable qui aime les écritures anciennes. Bien que me réconforte la pensée que tu es encore le créateur d’illusions de quelques gamins terribles et rêveurs. Celui qui sait remonter l’horloge à banlancier quand elle retarde, en même temps que coule en toi, comme une rivière souterraine, le concert terrible des époques malheureuses, où défilent les fantômes de l’heure pénultième.
(Ainsi s’abrite ma folie insistante qui anime les artères et les veines du monde...) Et ce prélude te garde imperturbable dans le défilé éternel des voix, des peurs et des joies qui touche tous les défunts personnels de ma vie.
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