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Goruriennes (Patrick Cintas)
Des Juifs suppliciés gisaient dans l’allée et les gosses regardaient la neige tomber

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 Article publié le 1er juillet 2013.

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Une bombe, c’est instantané ou long comme un jour sans surprises ou permanent si on a la chance de bénéficier des Programmes Longue Vie à Tous Sauf Ceux Qu’On Pas Droit D’Y Penser Plus Longtemps. Mézigue, par exemple. Ah ! C’que j’étais malheureux ! Comme si je méritais tout le malheur que j’avais pas connu en temps utile. Commesi ça servait à quelque chose, l’enfance.

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Si c’est pas malheureux de décider d’avoir un enfant au moment où le père présumé n’a aucune chance de survivre à l’accouplement !

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C’est dur d’avoir rendez-vous avec soi-même pendant que les autres augmentent leurs chances de survie et peaufinent dans la joie la conservation de l’espèce.

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On peut facilement perdre la tête en temps de guerre. On se croit à l’abri des bombes et on se pisse aux culottes à la première déflagration. On croit aimer les siens et on les laisse tomber pour se mettre à l’abri. On est prêt à saluer le drapeau national avec la queue et on bande sous l’effet du sildénafil qu’on a heureusement sur soi parce qu’on n’a pas toujours été à la hauteur de la Femme et très en dessous de ses propres enfants. Quelqu’un m’expliquait que c’était le matin et que la littérature allait définitivement ressembler au cinéma, ce qui acheva de me noyer dans cette angoisse métallique au goût de sang et de sperme par quoi je commence et je finis à peu près comme tout le monde, sauf que j’ai pas vécu comme ce Monde l’exige entre l’âge de la retraite et l’heure encore à venir de ma mort. Enfin… j’imagine que je changerai pas entre-temps, l’angoisse mutant pour laisser la place à la seule panique métaphysique que les autres reçoivent comme une conversion alors qu’elle ne relève que du délire d’un malade de la vie. J’promettais d’en chier au dernier moment et je m’souhaitais un déchirement instantané dans la combustion et le souffle. J’avais l’œil à la fenêtre et le cul sur la table, avalant l’improbable comme un spectateur et me prenant pour un acteur nécessaire alors que le rideau venait à peine de se lever. C’est comme ça : l’existence s’achève toujours quelques instants avant la vie et c’est une tragédie rarement perçue par ceux qui assistent à votre mort en vous souhaitant de ne pas emporter la douleur avec vous. Mais de la guerre, on ne voyait qu’un nouveau jour qui rendait les attaques improbables. Le jour, ça consistait à attendre la nuit et la menace de destruction et d’occupation. Pour un type qui s’était baladé toute sa vie parce que l’enfant l’avait souhaité avant lui, l’instant crucial promettait une grande douleur et un enfer de péripéties impossible à enfiler dans le temps, un ramassis d’instants qui ne collent pas pour former quelque chose d’équilibré à défaut d’être cohérent. J’en étais à me souhaiter une lecture en trois temps alors que tout indiquait que le temps n’y était désormais pour rien et que je pouvais plus compter que sur l’attente déduite des plans sécants. Toute une théorie de la narration qui, au lieu de me précéder historiquement, ne se révélait qu’après coup, par secousses d’organes et de sécrétions, ce qui me rendait difficile à comprendre alors que j’avais tout le temps de crever. Et derrière la vitre que j’embuais, il ne se passait rien d’autre que le temps qu’il fait.

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J’arrivais pas à me faire à l’idée qu’on était passé de l’attente ludique à la guerre en trois dimensions. On avait peut-être même changé d’époque. Restait plus qu’à adapter les contenus anciens aux contenants nouveaux dont on ne savait rien sinon qu’ils étaient étrangers et qu’on avait lutté contre leur influence. J’enbavais.

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J’avais jamais été aussi près de la vie, preuve que j’étais sur le point de la quitter et que mon existence n’était plus le meilleur témoin de ma créativité.

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De l’angoisse amère contre l’angoisse terrifiée qui me poussait dans le vide tandis que mon cucul s’accrochait encore à ses reliques de merde.

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Ils m’en voulaient de compliquer les choses à un moment où la mort était le principal sujet de conversation, avec la protection des biens et des enfants. Mais j’avais plus de ressources en moi pour balancer mes deux jambes dans la tourmente et permettre à mon cucul de traverser l’instant qui me séparait encore de la mort indiscutable et peut-être même irrémédiable.

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J’avais besoin d’une injection de réalité courante.

*

(l’ennemi) Il manipulait la menace en expert. Son regard croisa le mien, mais sans le sonder comme je le craignais. Il ne s’attarda pas non plus à estimer le degré d’angoisse qui me poussait à l’aimer.

*

— Vous êtes peut-être juif vous-même ? me demanda l’officier sans cesser de surveiller ce qui se passait dehors.

Je dis non comme si je pouvais influencer sa décision de cette manière.

— Je suis juif moi aussi, dit-il en étreignant mon épaule nue.

Sa tête pivota pour me sourire.

— Cette guerre est une énorme blague, dit la bouche.

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Dehors, les corps des Juifs suppliciés gisaient dans l’allée et les gosses regardaient la neige tomber.

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Au passage, je caressais la surface grise du char d’assaut. Le type qui f’sait la girouette sur la tourelle me demanda si j’avais une clope. Ça tombait bien : j’en avais pas.

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« La neige ! La neige ! La neige ! On s’croirait à la télé ! »

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1) L’engin, un Lunartype de 1998, est en panne. 2) Il s’est posé en catastrophe en zone ennemie. 3) Il contient un Mac Guffin de première importance. 4) Le pilote est mort des suites d’une exécution sommaire.

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Acceptez-vous de prendre pour nation celle que je défends au-dessus de tout soupçon ?

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Mon assurance ne prévoyait qu’un cercueil en planches avec rien de technologique pour me sauver de la destruction. I

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J’avais jamais piloté un Lunartype et encore moins un casse-gueule de 1998, mais c’est à cette époque qu’on a inventé le kronprintz qui est à l’électronique ce que la fombre est à l’hallucination ou le kinoro à la littérature. Depuis, on faisait rien dans l’espace sans le kronprintz. J’en avais eu, des pannes de kronprintz dans ma longue carrière de voyageur au service de l’imagination ! Du coup, j’m’en souvenais comme si c’était hier. J’avais une copie complète de ce sous-système quelque part dans la complexité de mon cerveau. Suffisait de pas trop m’pousser dans le dos. J’étais à deux doigts non pas de me souvenir, car la mémoire n’était pas en jeu, mais de retrouver le mode d’emploi que j’avais jamais appris par cœur.

*

Il montait la garde, des fois qu’un gosse soit faussement écrasé et profite de l’aubaine pour améliorer sa connaissance du XXe siècle.

*

Ah ! c’que c’est con, un militaire ! Si c’était pas si souvent utile, on les nourrirait même pas.

*

L’ambiance lumineuse était bleue comme le XXe siècle qui avait le goût de l’orange. Qu’est-ce que j’attendais pour gueuler ?

*

Rendez-moi mon siècle d’or ! Je veux plus retourner d’où je viens !

*

La poussée est telle que l’idée du retour ne concerne plus votre mémoire. En cas de douleur, au lieu de crier, utilisez la sonde P2P. Vous sentez à quel point c’est agréable d’avoir un remplaçant qui vous coûte rien et qui marche comme si on l’avait payé ?

 

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