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Crûment |
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![]() oOo Eros plane haut dans les airs, voilà qu’il se prend pour un aigle royal. A sa manière de rapace démoniaque, il tournoie dans les airs, on dirait qu’il use le temps à planer ainsi, l’œil aux aguets. Les proies lèvent les yeux au ciel, fascinées. Eros est loin dans les airs, il se fait inaccessible, presque chaste, à s’envelopper ainsi de brumes qui s’étirent avec la nonchalance d’une femme voluptueuse. Bientôt, sa figure fatale va disparaître, elle va disparaître pour ne laisser voir qu’une vague forme de femme alanguie dans le ciel ébloui. Je suis une proie de choix, aussi je détourne mon regard et je le pose sur la terre. J’oublie le ciel et ses hauteurs inhabitables. Ses flâneries entre ciel et terre m’épuisent, me lassent.
Vienne alors celle qui ne se prend pas pour un aigle, ne se métamorphose pas en figures vaporeuses, vienne la charnelle, la sensuelle, la plus que rituelle, la couchée qui s’agenouille dans le lit pour offrir ses fesses à ma joie d’être homme, la vigueur renouvelée d’être l’amant résolu de la lumière entre ciel et terre, l’amant de cette femme singulière, et son amant rien qu’à elle, rien que pour elle, dans la joie qu’elle me donne de l’aimer toute entière pour tout ce qui fait d’elle un corps dénudé, souillé, nullement avili, mais pantois, offert enfin, enfin, à la joie d’être pris pour ce qu’il est comme il est : le corps que j’aime de la femme qui m’aime. Je fourbis son sexe avec ma main douce, mais âpre, elle me tend sa croupe nerveuse, toute mouillée, toute béante, et puis je n’y tiens plus : je plante mon sexe en elle, son ventre se fait lourd, presque dur et vibrant. Elle veut me sentir homme jusqu’au bout de mes envies d’elle, et lui donner cette joie fait ma joie. Pour l’amour d’elle, je me fais homme sans retenue, amant exalté de cette beauté qui émane d’elle. Elle s’allonge à nouveau, parce que ça passe aussi par le clair-obscur d’un sexe de femme, cette joie à deux, ça passe par l’amour de ses plis, ça passe par l’amour pour ses lèvres du bas que je baise. Je lève les yeux, en la suçant avec gourmandise, je la vois, toute là, alanguie, bouche ouverte, yeux dans le vague. Je la regarde me regarder la baiser. Ses seins posés sur son buste s’étalent mollement , tandis qu’elle tourne la tête de droite et de gauche, en proie au vertige d’être, et je ne me dis plus rien, je ne parle qu’à elle qui m’écoute la baiser en me regardant la regarder m’écouter la baiser. Une pluie de mots va s’abattre sur nous. Ruisselante, elle va se lever du fond de l’antique sauvagerie, pour rejoindre la mienne. Ensemble, ce sera cette découverte alors qui nous fonde : la différence qui nous sépare fonde notre commune présence dans la joie d’être tout à soi pour l’autre, dans un regard tendre, un mot cru, une caresse profonde, un bouche à bouche électrisant, un voyage au long cours de deux sexes arrimés l’un à l’autre pour faire exploser la nuit, virevolter le jour, affoler l’ennui, le tordre, le plier à notre volonté de jouir pour ce bonheur : être soi totalement dans l’absolue confiance. Jean-Michel Guyot |
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