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Article publié le 7 juin 2017. oOo Je renonce à ma plume, à mon encre, à ma bile, A ma muse musarde et à toutes ses sœurs, A mon vers, à ma prose, à mon automobile En rade, à mon Zoïle, à mes lourds encenseurs, A Ronsard, à Verlaine, à Villon, à Corbière, A Cros, à Richepin, à tous mes galériens. Ma chiourme n’est pas de la petite bière A la solde des vert-de-gris, des grammairiens…
Je renonce à ma Mort, à son œuvre, à ses pompes, A ses faux, à sa fleur, à ses poignants convois, A ses De profundis, à ses nefs psychopompes, A son thrène incessant, à ses passeurs sans voix, A ses cris, à ses croix, à ses danses macabres, A ses champs de navets, à ses mornes chevaux De remonte, ces gails dans mes songes se cabrent, A ses parques toujours sur leurs grands écheveaux… Je renonce à ma Vie, à son souffle, à ses signes, A ses fils à retordre, à ses hauts, à ses bas, Aux tickets de ses quais, aux clefs de ses consignes, Aux pertes, aux profits de ses derniers combats, A ses bâtons de chaise, à ses façons bohèmes, A son insouciance, à son assiduité, A sa romance-fleuve, aux pas de son poème, A ses pauvres banquets imbibés de gaîté.
Je renonce à ma rue, à ses orgues barbares, A ses cracheurs de feu, à ses tueurs de temps, A ses brelandiniers débiteurs d’or en barre, Vendeurs de mithridate, écouleurs d’orviétan… A ses crieurs de nuit, à ses vieilles gazettes, A ses tohu-bohus, à ses charivaris, A ses jars, ses bagous, à son style musette, A tous ses melting-pots et à ses pots-pourris.
Je renonce à l’Amour, à ses joies, à ses peines, A ses revenez-y, à sa fleur d’oranger, Aux flèches que son dieu taille, appointe et empenne, A ses septièmes ciels, aux heures du berger, A ses traînes de voile, à ses épithalames, A ses aveuglements, à ses oaristys, A son courrier du cœur, à ses tendres calames, A ses doux madrigaux, à ses myosotis. Je renonce à la Nuit, à ses vieux réverbères, A ses flaques de lune, à ses pavés luisants, A ses passants passés, à ses putes pubères, A ses pavots pesés, à ses sommes pesants, A ses sombres dessous, à ses dentelles noires, A ses voyeurs, à ses voyants, à ses hiboux, A ses chuchotements au fond des comprenoires, A ses désespérés qui meurent jusqu’au bout.
Je renonce à l’enfance, à toutes ses maraudes, A ses écorche-cul, à sa barbe à papa, A ses tristes leçons de choses, à ses rôdes, A ses oreilles d’âne, à ses mille trépas, A ses écorche-cœur, à ses peurs, à ses sacres, A ses châteaux de sable, à ses enfermements, A ses bidets de bois, à ses jeux de massacre, A ses courses en sac, aux bras de ma maman.
Je renonce à la Mer, aux filles de Nérée, Aux sirènes des ports, aux tétons de Thétis, A ses machineries, à ses vents et marées, Aux troupeaux de Protée, aux maquerelles d’Ys, A ses chants en chantier, ses chants en cales sèches, A ses anges de grève, à ses coups de filet, A ses oiseaux de pierre, à ses sacs d’os de seiche, D’étoiles, de coraux, de conques, de galets… |
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