Je laisserai mon claque à oreilles de chien,
Mes frusques, mes ribouis, ma bouffarde morose,
Mon drap… Vous jetterez mes os aux basochiens
Qui grognent dans mes vers, qui bavent dans mes proses.
Nous ne brandissons pas les mêmes calicots.
A votre boutonnière une rose muscade,
Sur nos lèvres la Mort pique un coquelicot.
Vous, vous lantiponnez au bas des barricades.
Je laisserai ma scie, mon vil vilebrequin,
Mes limes, mon rabot, ma vrille, mon eustache,
Ma houlette, mon sac, mon cornet à bouquin,
Ma guitare éplorée, ma pinasse à l’attache…
Nous ne brandissons pas les mêmes calicots.
A votre boutonnière une rose muscade,
Sur nos lèvres la Mort pique un coquelicot.
Vous, vous gesticulez au bas des barricades.
Je laisserai ma voix aux chants des galériens,
Mes murmures aux murs, mon silence aux tortures,
Mes fers aux rimailleurs, ma rame aux grammairiens,
Mes idées biscornues aux vents de l’aventure…
Nous ne brandissons pas les mêmes calicots.
A votre boutonnière une rose muscade,
Sur nos lèvres la Mort pique un coquelicot.
Vous, vous vous tortillez au bas des barricades.
Je laisserai mes becs de corbin, ma plume or,
Mes crayons de couleurs, mon stylogriffe à bile
Noire, mes pennes d’oie… Sans regrets ni remords,
Mes deux gentes voilées et mon automobile.
Nous ne brandissons pas les mêmes calicots.
A votre boutonnière une rose muscade,
Sur nos lèvres la Mort pique un coquelicot.
Vous, vous tergiversez au bas des barricades.
Robert VITTON, 2012