J’ai toujours été attiré par les structures stratifiées : couches géologiques, strates archéologiques, ces mille-feuilles déposés dans la terre ou la roche.

J’aime les paysages qui s’étalent sous mes yeux au moins autant que ce qu’ils recèlent sans le révéler : évidence et mystère conjuguent leur charme pour donner au paysage sa couleur unique, sa peau, son grain, sa texture.

Le paysage est féminin pour l’homme à la rude écorce que je suis.

Il se contemple, se caresse du regard, s’explore aussi. On n’en pénètre jamais tout à fait le sens même après en avoir arpenté tous les lieux. C’est une synthèse vivante : le tout est plus significatif que les parties qui le composent.

Tout être humain me paraît être le dépôt stratifié d’une histoire plus ou moins longue.

Libre à nous de le contempler ou bien de l’observer.

Pour le comprendre en historien, il faut dérouler linéairement son histoire à travers ses dires, ses récits, les indices épars qu’il laisse volontairement ou involontairement, mais il faut aussi, en archéologue s’aviser du sens de l’histoire au sens allemand de ce terme : Geschichte, et considérer qu’une strate en recouvre une autre, non seulement la rend peu visible voire invisible mais l’altère également. La strate inférieure est compressée, elle a subi aussi des déformations géologiques dues à l’activité sismique que sont les aléas de la vie, et ainsi de suite jusqu’à l’impossible origine disparue.

Reste, subsiste et persiste l’éclat du corps aimé ou désiré dans sa saveur singulière.

Jean-Michel Guyot

23 décembre 2103