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L’état critique
L’esquisse d’un débat

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 Article publié le 15 novembre 2008.

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En début de réponse à un début de réponse de M. Paini

revue-resonancegenerale.blogspot.com/2008/11/secouez-le-signiste-il-mousse.html

Voici un mois, se tenait le « Salon de la revue ». Dans ce cadre, se tenait une série de tables rondes, dont deux autour de la pensée de Henri Meschonnic. A cette occasion, j’ai publié ici même une série d’articles à vocation rétrospective, puisque, de 1994 à 1997, j’ai eu la chance de bénéficier (entre autres) de l’enseignement de Gérard Dessons et de Henri Meschonnic. Je me rappelle l’enthousiasme des premières découvertes ; puis les interrogations sur certaines « fixations » de la pensée ; puis l’effarement devant le dogmatisme d’une démarche théorique devenue militantisme littéraire – au sens le plus étriqué du mot.

Revenir sur l’expérience meschonnicienne, plus de dix ans après cette rencontre, m’apparaît nécessaire. Nous étions quelques-uns, à l’époque, à nous interroger. A l’interrogation a tôt répondu la consternation, en particulier quand Meschonnic a fait paraître son inepte « Manifeste pour un parti du rythme ». Mais l’université (comme d’autres secteurs de la société, hélas !) est un espace où les jeux d’école sont si puissants que la critique n’y a plus guère cours. Chacun y produit sa petite vérité. Aux étudiants, on demande de reproduire une parole préfabriquée. Ceux qui n’entrent pas dans le moule sont priés d’aller voir ailleurs. Voilà comme l’héritage de la poétique (Aristote, Valéry, Jakobson, mais aussi... Benveniste, comme l’a montré mon ami Christophe Gallaire) s’est restreint à une rhétorique abusive, incantatoire, où le pour et le contre ne connaissent plus la nuance, délicatesse qui devrait être au coeur de toute lecture.

Aujourd’hui, on me répond. Philippe Paini, que je remercie pour sa réflexion argumentée, à laquelle je répondrai de façon plus détaillée quand j’en aurai la possibilité technique (le temps !) et Serge Martin, plus agressif, qui me renvoie à la réponse de son collègue. Et si je suis heureux de pouvoir – enfin ! - amorcer un débat autour d’une pensée que je ne réfute pas en bloc (loin s’en faut) et même envers laquelle j’avoue « sans rougir » ma dette morale, je crains que cette discussion ne soit l’objet d’une rotation indéfinie de « pour » et de « contre ». Ce qui m’intéresse peu. La poétique, ce n’est pas Henri Meschonnic et rien avant, pas grand-chose après. C’est un ensemble de propositions qui méritent chacune d’être examinées, critiquées, mises à l’épreuve des faits. Et si la poétique n’est pas une science exacte, il me paraît essentiel d’examiner les différents postulats avec la rigueur de la science, à savoir : la mise en oeuvre de procédures vérifiables. Ceci concerne particulièrement la « sémantique sérielle ».

Philippe Paini me reproche particulièrement de n’avoir pas produit une critique détaillée de la « sémantique sérielle ». Qu’il se rassure : ce travail est à venir. Même s’il m’est aujourd’hui pénible de reprendre des textes que j’ai lus fiévreusement à l’époque. Même s’il m’est plus plaisant de lire Youri Lotman, que Meschonnic a contribué à faire connaître en France mais qu’il semble avoir oublié depuis. Lotman n’a jamais renié la notion de « sémiotique », bien au contraire puisqu’il a inventé la notion de « sémiosphère ». Je me rappelle également un bel article de Marc Derycke, qui s’est appuyé avec la plus grande rigueur sur la pensée de Benveniste pour montrer l’inconsistance de la sémiotique ! Voilà une lecture plus urgente encore que l’exhumation de la « sémantique sérielle ». Je garde près de moi plusieurs ouvrages de Louis-Jean Calvet, qui est arrivé à une conclusion voisine de Meschonnic par une toute autre voie (la sociolinguistique), à savoir que la langue n’existe pas (sinon en tant que représentation). Je ne suis qu’un sériographe qui n’aurait pas eu d’existence éditoriale si je n’avais eu la chance – et la joie – de rencontrer Patrick Cintas, un travailleur indépendant s’il en est, romancier et poète absurdement méconnu... Qu’on me pardonne de n’avoir pas mes journées complètes pour produire des travaux de recherches, de devoir les poursuivre dans le RER, dans le train, le soir chez moi ou à l’aube, avant de partir au turbin. Pardonnez-moi encore, monsieur Paini, d’établir une distinction entre mon activité littéraire, ma production critique et mon rapport au politique. Le jour où Meschonnic sera d’une quelconque utilité à des ouvriers licenciés pour cause de délocalisation, vous me convaincrez peut-être de la pertinence de ce « Manifeste pour un parti du rythme ». Aujourd’hui, en effet, je crains qu’il ne manque à la critique du rythme quelque chose comme le sens des réalités.

Fédérer les antagonismes serait la plus productive des politiques (en matière de poétique). C’était la richesse de l’UPOIAZ, en son temps. C’est aussi (en dépit des attaques dont il fait régulièrement l’objet) l’intelligence de Pierre Boulez, qui n’a pas censuré Steve Reich quand ce dernier réfutait le sérialisme ; qui a été l’un des rares chefs d’orchestre à jouer Franck Zappa, rocker et compositeur ; qui a mis en place des institutions qui ne lui sont pas inféodées. Voilà précisément ce qui n’existe pas aujourd’hui, en matière de poétique. Et c’est à pointer cette carence – malheureuse, vraiment – que je me vois traiter de « signiste » (ah ?) et même... de sarkozyste ! Voilà qui fera plaisir à certains de mes amis, qui n’ont pas les mêmes options que moi en matière de politique et avec lesquels je débats continûment, avec le plus grand plaisir.

La réponse de M. Paini est un « début de réponse ». J’en suis heureux : cette réponse itou est un « début de réponse ». Nous voici donc à l’orée d’un début de débat. Cette perspective me réjouit infiniment. Il reste à M. Martin à comprendre que je ne suis pas un « ennemi » (tout au plus, un adversaire théorique). Et je voudrais terminer cette amorce de réponse en apportant deux corrections à M. Paini :

  • d’une part, il n’y a pas de « coupure-pub » dans Derrick, qui est diffusé aujourd’hui sur une chaîne publique.

  • d’autre part, Sarkozy n’est pas le seul à ne pas se considérer comme un « intellectuel »  : Varlam Chalamov a eu un propos quasi identique. Mais le même propos n’a pas nécessairement la même valeur dans un contexte ou un autre, pardon de vous le rappeler !

Mais par-dessus tout, vous me placez "au niveau de Michel Deguy" et de cela, je ne puis que vous remercier car, si je partage peu ses prédilections philosophiques, je tiens ce monsieur pour l’un des poètes les plus aventureux de notre temps et la comparaison... me fait rougir, en effet !

PL

 

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