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Article publié le 2 février 2014. oOo vue d’ici la rue est une cavité creusée dans la mémoire :
— tu écris un journal (blog) parce que tu sais écrire et que tu n’as rien à dire :
me dit elsie : et elle claque la porte : ce soir : en rentrant : elle la claquera dans l’autre sens :
claque aussi la portière grille le feu au bout de la rue disparaît :
elsie mon amour tu trahis ma désoccupation ! le pain monte chaud et seul :
— putain ! ce qu’elles deviennent moches ! et nous c’est pire : on devient con :
il descend, le mitron exalté il chahute dans l’escalier 2600 marches par jour, dit-il :
1,6 euros de moins mais de quoi bouffer jusqu’à la fin du jour :
ma mère vendait son café à bas prix mon père voyageait avec d’autres femmes j’ai un frère qui souffre d’aphasie :
maladie héréditaire qui m’inspire une seule fois j’ai chanté faux pour rater l’examen de solfège :
— t’as jamais vu un cadavre ? gisant, non ! avec du sang et de la grimace qui paiera les frais d’enterrement :
derrière la vitre tintée de l’Internet de vieilles rombières se font passer pour des midinettes :
mais elles sont trahies par le style de leurs confidences : on les devine plus portées sur le fric :
qu’elles ne l’avouent au fil des conversations : commutation par paquets, n hertz en folie :
paterson monte lui aussi pour manger la moitié de mon pain et boire la moitié de mon café :
paterson est un géant couché au bord de la rivière et les trottoirs chantent aussi bien que toi :
dit-il. la rue n’est pas une femme couchée au pied des boutiques et des portes cochères :
c’est quoi alors, mec ? — un trou creusé dans ma mémoire il y a tellement longtemps que je vis :
— si tu descends pas, ils montent ! . ou alors une bête quelconque qui dort au lieu de se reproduire :
— l’idée n’est pas mauvaise dit paterson en riant en buvant à petites lampées mon café :
chaud : sur l’écran j’ai placé le mot à l’endroit qui le réclamait, là où se rencontrent les lignes du destin :
paterson redescend comme il est monté : en chantant pour réveiller ceux : qui dorment, qui rêvent, qui sont :
peut-être déjà morts : de froid froid de la pensée qui ne pense plus qui ne demande qu’à exister :
pas à penser : les rombières de l’Internet se vendent pour un mot flatteur écrit pour puiser dans leur sac :
à main : à venin : sac à viande molle des mécaniques de l’écrit paterson a fini le crouton dans l’escalier :
l’écran revient, mémoire effacée de la nuit blanche et des noirs désirs que personne n’effacera jamais :
je n’ai plus de poison à la maison : si on peut appeler ça une maison : 18 mètres carrés rincés à l’œil :
quelqu’un est mort ici : pas de tristesse : accident ménager : on peut crever comme dans les prisons :
paterson m’a laissé une photo du cadavre : à charge pour moi de démontrer qu’il s’agit d’un assassinat :
— on n’assassine plus les assassins : dit la voisine de palier : derrière la porte à côté un cadavre :
— ça tombe bien puisque vous êtes flic ! elle se marre parce qu’elle avait prévu cette mort que paterson définit comme :
un assassinat : vite ! une clope comme dans les films de la télé : contact de l’écran avec la pensée :
réduite à ces hypothèses d’amour et de meurtre : — vous n’êtes pas (non je ne suis pas ma chère madame)
fatigué de chercher la petite bête alors que le problème est résolu : elle est morte : faut-il en parler :
? personne ne parlait avant qu’elle meure de cette triste façon : tout le monde meurt, mon bon monsieur :
tout le monde sauf moi il faut dire que je ne fais aucun effort je me laisse vivre :
avec elsie je suis désoccupé : avec les cadavres je m’occupe : l’imagination n’a pas de prix :
— je vous monte un pain ? elle descend plus vite que paterson paterson est un paresseux qui pense :
il n’y a rien de plus inutile qu’un paresseux qui pense et qui perçoit un salaire :
pour continuer d’exister — je ne travaille pas non plus mais j’évite de penser aux cadavres :
qui peuplent mon imagination comme d’autres se vident dans les systèmes de métamorphoses :
et les combats de chefs. remontant paterson paie le pain — des sous ! des sous ! on en avait :
avant : plus maintenant mon bon monsieur ! j’y pensais : ce temps qui n’est plus ce qu’il était tant que l’intérieur :
deux faces du même homme dans le même miroir avec la même intention :
n’était que la copie de l’extérieur avec les mythes portés par les lieux et les promesses de bon temps :
au café des meilleures nausées qui soient paterson paient des tournées aux pauvres et s’enrichit sur le dos des sceptiques :
— tu écris toujours ? . il est marrant paterson il croit que j’écris :
parce que je suis écrivain — mais je ne lui explique pas que si je l’étais je ferais écrire quelqu’un d’autre :
à ma place : elsie par exemple : qui n’aime pas son métier : qui claque le complément d’objet direct de sa transe :
— un café pour monsieur, là, et pour : moi, paterson, fils de paterson, père de paterson : j’aime le monde :
quand il ne meurt pas sous les coups ! . un jour tu reviendras de quelque part et tu comprendras pourquoi je n’ai pas bougé :
— tu veux pas voir le cadavre ? sur la photo on voit pas bien si c’est elle ou si on rêve :
rêver d’elle ne m’a pas interdit : 1) de rêver 2) d’exister 3) d’aimer 4) d’écrire 5) de penser 6) de céder :
à la tentation de faire comme papa : avec ou sans les femmes des pays où personne ne parlait sa langue maternelle : |
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