couteaux de ma défense de dormir seul
je ne vous ai pas assez défendu
couteaux que j’affine au fil du rêve
je ne vous ai pas assez aimés
poignées douces de sueurs froides
vous ai-je assez caressées
pendant que la nuit étendait
ses velours et la soie de ses puits
pointes nues je vous aimais tant
que je n’ai pas connu l’acier
et d’ailleurs si je l’avais connu
y aurais-je pris le même plaisir
couteaux couteaux de ma passion
je ne vous ai pas oubliés
sous la terre je pense encore
vous retrouver
.tu ne diras rien. Pourquoi parlerais-tu ? Et pourquoi à mon père ? Que sais-tu de lui ? Que vois-tu quand tu me regardes ? Je n’ai que des questions à te poser et tu me parles de le dire. Je ne saurai pas te supplier. Je n’ai jamais supplié personne. J’ai craint d’avoir à le faire. Mais jamais personne ne m’a forcée comme tu tentes de le faire maintenant. Ne parles pas, je t’en supplie ! Laisse la nuit à la nuit. Nous y reviendrons. Nous ne serons plus seuls. Mon ventre connaît le secret de la terre. Cette terre de couteaux cachés.
couteaux couteaux je vous enfonçais
dans le matelas des rêves commencés
et jamais finis
couteaux qu’on enfonce dans l’angoisse
pour ne plus penser à revenir
en beauté triste
la nuit avance des pions au hasard
et le chemin s’accroît
d’un autre chemin
claire angoisse de l’obscurité
qui change l’enfer en acier
même rougi
cette nuit je me sens de force
à redire ce que je n’ai jamais su
sans toi
carcan des frondaisons logiques
au bout de ce feu refroidi
en moi
nous n’étions pas encore mûrs
pour célébrer la refonte
de l’oiseau
en chien capable de mordre
sa propre chair sans en souffrir
vraiment
..me diras-tu qui elle est ? Et pourquoi un homme change à ce point ? J’attends tellement cet instant. Ta voix dans ma voix. Il n’y a pas d’autre solution. Du moins, je n’en connais pas. Il faudra que tu consentes à me parler comme on parle aux morts cachés derrière la pierre de leur nom. Ne souris pas en pensant à ces fleurs. Pas maintenant. Je t’en supplie !
couteaux l’un et l’autre enfoncés
dans l’épaisseur de ce qui n’existe plus
sans cette eau vous n’êtes rien
et je peux me voir dedans !
Nous nous baignâmes tout l’après-midi. Paterson admira les corps. Il prit quand même le temps de m’informer que la hiérarchie consentait à prolonger notre séjour… euh… il voulait dire l’enquête… ses arguments ayant fait mouche. Gilette sauta de joie dans l’écume. Elsie savait. Elle a toujours su. Dans l’eau, elle avait l’air d’une enfant à la recherche de sa véritable dimension. Elle n’avait pas mouillé ses cheveux.
…je ne vois pas d’inconvénient ! Tu ne vois pas d’inconvénient ! Mais j’en vois au moins un, moi ! Pourquoi ne consens-tu pas à regarder le monde dans le miroir où je me regarde ? C’est toujours comme ça que ça se passe avec les autres. Mon miroir et ton ombre. Et cette chambre où tu renais. Qui est-elle ?
couteaux de mes inventions
pour parfaire le monde
où je ne suis plus seul
comme au temps de l’acier
je vous donnais du fil
à retordre sur le cuir
de ces années encore
prochaines et suivantes
couteaux qui vous taisez
en présence d’un enfant
que cette fleur coupée
vous coupe la parole
ainsi la nuit se finira
comme finit le jour
en apothéose
osée
…dans la grimace des jours sombres tu renais une fois de plus et je te change. Couchant ce soir avec les draps et demain sans toi, je te donne ce que tu m’as pris. Je ne saurais jamais la vérité. J’en crève !
couteaux je ne sais plus
si je dois vous appeler
par le nom que je vous
ai donné en ces temps
de fuite et de colère
mais si je connais encore
votre nom ô couteaux
que je n’ai pas assez aimés
ne vous enfoncez pas coupez
coupez et qu’on n’en parle plus
c’est le travail des couteaux
de couper et d’oublier
c’est aussi ma patience
de chercher et d’en vivre
sans donner à penser
couteaux qui coupez net
que le sang ne vous cache pas
la vérité des yeux convoqués
au spectacle de mon orgasme
donné sans lever de rideau
les couteaux aiment bien
qu’on les aime
pour ce qu’ils sont
début et fin de ce qui cesse
d’exister pour tout le monde.