pour Isabelle

Glauque, la mer, parfois,
Ou sanglante-cinglante,
Ou bien décidément trop calme,
Plate comme une limande, insipide et revêche comme une vieille morue,
Et fermée sur elle-même,
Une huître, un mollusque qui ne recèle aucune perle d’eau

La coquille de noix que je suis sur l’océan puissant
Renverse la vapeur
Je souque, je vogue, je navigue, je fends les flux, je cingle en eaux troubles,
Troublantes toujours

Les flancs de mon navire agacent les eaux
Je cherche la perle noire dans le sexe immense,
La trouve et la retrouve,
Je l’avale, m’en repais longuement, ne la digère jamais,
Je la recrache content,
La passe de main en main dans la houle de mes rêves.

L’agitation du cœur a du bon,
Ce muscle doit palpiter ou mourir
Le navire écoute la mer

Avec une telle ile au cœur, je ne peux pas me perdre en route,
Elle vogue en moi, elle habite toutes mes décisions
Vogue de conserve avec moi,
Et bord à bord nous abordons l’indicible aisance

Le navire-ile flotte en eaux profondes
Où qu’il se dirige, c’est vers ton visage qu’il prend le large
Je fais halte dans le bleu profond de tes yeux qui interrogent
Je mouille l’encre douce dans la baie de tes seins
Les plus belles tempêtes, c’est nous qui les déchaînons à plaisir
Tu es le maelstrom ardent, le siphon violent,
Je suis le typhon malin qui se perd en toi, Danaïde

Je n’oublie pas le fanal que tu es tout entière en pleine mer démontée
En toi, Nord et Sud composent une ligne courbe qui oscille doucement
Tantôt c’est la mer en toi qui m’appelle,
Tantôt c’est la côte qui m’aspire
Toujours tu renais dans l’écume mouvante

Jean-Michel Guyot
6 juillet 2014